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10 Juin 2024

Inquiétudes face à la répression croissante de la société civile en Éthiopie, suite aux menaces contre l’Ethiopian Human Rights Council Organization (EHRCO)

Le 23 mai 2024, le bureau de l’Ethiopian Human Rights Council Organization - EHRCO (Conseil éthiopien des droits humains) à Addis-Abeba a reçu la visite d’agents de sécurité du gouvernement qui étaient à la recherche d’informations. Deux employés d’EHRCO ont été menacés lors de cette procédure. Front Line Defenders pense que ces menaces et cette surveillance sont des attaques visant à réduire au silence le travail légitime de l’EHRCO en faveur des droits humains.

L’EHRCO est une organisation locale de défense des droits humains, à but non lucratif, indépendante et non partisane. Par leur travail, ils imaginent le respect des droits humains, l’établissement d’un système démocratique solide et la mise en place de l’État de droit en Éthiopie. L’EHRCO est principalement chargé de surveiller, d’enquêter, de signaler et de documenter les violations des droits humains dans le pays. Grâce à ses rapports détaillés, l’EHRCO continue d’insister sur la justice et l’indemnisation des victimes, sur la responsabilité juridique des auteurs, sur l’abolition de la culture de l’impunité et sur l’adoption de changements en matière de politique et d’application de la loi en Éthiopie. L’EHRCO insiste sur la nécessité de tirer les leçons des précédentes violations des droits afin de créer un avenir plus juste et plus responsable en Éthiopie. Le travail de surveillance de l’EHRCO comprend des visites aux détenus, aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux personnes en garde à vue, afin de suivre de près la protection des droits humains. Elle surveille également l’équité et la légalité des procédures judiciaires et étudie le contenu et la mise en œuvre de diverses lois et politiques nationales sous l’angle des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit. En outre, l’EHRCO fournit une aide juridique gratuite aux victimes de violations des droits humains et surveille les élections nationales, locales et complémentaires, ainsi que les référendums publics. L’EHRCO fait face à une surveillance sécuritaire renforcée de la part des autorités gouvernementales et subit des menaces et des intimidations importantes en représailles à son travail en faveur des droits humains, notamment des menaces, des arrestations, des restrictions d’accès à l’information, des campagnes de criminalisation et de diffamation.

Le 23 mai 2024, des agents de sécurité du gouvernement qui étaient à la recherche d’informations, se sont rendu à la succursale de l’EHRCO à Addis-Abeba, située dans le district de Lideta, et ont menacé deux employés d’EHRCO au cours de la procédure. Les agents se sont présenté comme des représentants du bureau national de la sécurité. Depuis la visite, les deux employés de l’EHRCO ont reçu plusieurs appels téléphoniques intimidants. Il ne s’agit que de la dernière attaque parmi une série d’incidents et de représailles auxquels l’organisation fait face.

Dans l’après-midi du 13 avril 2024, un employé principal d’EHRCO s’est rendu compte qu’il était surveillé par les agents de sécurité du gouvernement, qui le suivaient dans un véhicule autour de Riche, un quartier du district de Kirkos. Des photos de lui ont été prises et il a reçu de nombreux appels téléphoniques menaçants à la suite de cet incident. Une semaine auparavant, tard dans la nuit du 6 avril 2024, deux personnes en civil, également membres de la sécurité gouvernementale, se sont rendu au domicile du défenseur des droits humains Dan Yirga, directeur exécutif de l’EHRCO. Ils ont proféré des menaces directes, l’avertissant « de cesser ses activités en faveur des droits humains ou il devrait en subir les conséquences ». Il avait fait l’objet d’intimidations similaires le 18 mars 2024.

Les attaques contre les membres du personnel de l’EHRCO se multiplient depuis 2023. En novembre 2023, un membre du personnel du bureau de la région du nord de l’Éthiopie situé dans la ville de Bahir Dar, a été agressé physiquement près de sa maison par trois hommes armés portant des uniformes de la sécurité gouvernementale. L’agression s’est produite en début de soirée, alors qu’il venait de terminer une enquête sur les violations des droits humains suite au conflit dans la région d’Amhara. Au cours de l’attaque, les trois hommes armés l’ont encerclé et ont ouvert le feu. Incapable de se défendre, il a été frappé à la tête et a perdu connaissance. Les agresseurs ont pris son téléphone portable, une clé USB contenant environ 10 pages de documents de rapport d’enquête, ainsi que son adhésion à l’organisation et sa carte d’identité d’employé de l’EHRCO.

L’organisation fait également l’objet d’acharnement judiciaire et d’arrestations arbitraires. En mai 2023, le bureau de la communication de l’administration de la ville d’Addis-Abeba a envoyé une lettre au bureau de la justice d’Addis-Abeba pour déposer une plainte contre l’EHRCO au motif que l’organisation incitait les gens à entrer en conflit et les montait contre le gouvernement. Cette décision fait suite à un rapport préparé par l’EHRCO concernant des démolitions de maisons et des expulsions forcées à Addis-Abeba, à Sheger dans la région d’Oromia et à Adama. Auparavant, en mars 2023, deux membres du bureau régional du sud de l’Éthiopie de l’EHRCO ont été maltraités à plusieurs reprises et arrêtés arbitrairement par le gouvernement sans avoir comparu devant un tribunal. En février 2023, le bureau du département « Contrôle, enquête, documentation et rapport » de l’EHRCO a été la cible d’une intrusion par effraction, au cours de laquelle un ordinateur portable a été sélectivement pris dans le tiroir du chef de département. Suite au rapport d’incident, une femme et deux hommes du personnel de l’EHRCO ont été arbitrairement détenus le 27 mars 2023 au poste de police du quartier de Legehar dans le district de Kirkos. Ils ont été traduits en justice le 28 mars 2023, puis libérés sous caution.

Le 5 janvier 2023, quatre membres du personnel de l’EHRCO ont été arrêtés par la police d’Oromia, après avoir été envoyés pour enquêter sur une pétition soumise par des personnes dont les maisons ont été démolies au cours des activités de démolition et d’expulsion dans la nouvelle administration de Sheger, autour d’Addis-Abeba. Après huit jours de détention, ils ont été libérés sous caution le 13 janvier 2023, sous la pression de diverses institutions nationales et internationales de défense des droits humains. Cependant, lors d’un atelier public organisé à Adama du 25 au 27 avril 2023, des fonctionnaires du Bureau de la police et de la justice d’Oromia ont déclaré qu’ils n’avaient pas clos l’affaire contre ces quatre employés de l’EHRCO. Ils ont ajouté qu’ils suivraient de près l’affaire et qu’ils pourraient à tout moment procéder à une nouvelle arrestation de ces défenseur⸱ses des droits humains. Ils ont aussi affirmé que l’EHRCO n’a pas le mandat pour mener des enquêtes sur les droits humains dans la région, bien que l’EHRCO soit une organisation de défense des droits humains légalement enregistrée qui opère depuis 32 ans.

Front Line Defenders exprime sa profonde inquiétude face à la répression croissante de la société civile en Éthiopie. Front Line Defenders condamne fermement l’intimidation, le harcèlement, les menaces, la surveillance et la détention arbitraire dont font l’objet les membres du personnel des organisations de défense des droits humains mentionnées ci-dessus, qui, selon Front Line Defenders, ont pour but d’entraver leur travail précieux et pacifique en faveur des droits humains en Éthiopie.

Front Line Defenders demande instamment aux autorités éthiopiennes de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et la protection de tous les membres du personnel de l’Ethiopian Human Rights Council Organisation (EHRCO). Front Line Defenders rappelle aux autorités compétentes que tous les défenseur⸱ses des droits humains en Éthiopie devraient être en mesure de mener librement et en toute sécurité leur important travail en faveur des droits humains, sans crainte de représailles et sans aucune restriction, y compris l’acharnement judiciaire.