Les organisations de la société civile dénoncent la détérioration alarmante de la situation des droits humains au Salvador
Les organisations de défense des droits humains sont préoccupées par la détérioration de la situation des droits humains, la consolidation d’un régime autoritaire et les discours haineux contre les défenseur-ses des droits humains, les organisations et les médias au Salvador. La détérioration de la situation des droits humains est le résultat de l’abus de pouvoir du président Nayib Bukele et de son parti, ainsi que du démantèlement continu des entités publiques et des contrôles nationaux qui permettraient de prévenir les abus de pouvoir internes.
La tentative de prise de contrôle de l’Assemblée législative par le Président et les forces armées en 2020, le renvoi illégitime de membres de la Chambre constitutionnelle et du Procureur de la République le 1er mai 2021 ainsi que l’utilisation répétée de la pandémie pour contrôler et restreindre les droits et libertés, qui maintient des milliers de personnes en détention dans des « centres de confinement », suscitent des inquiétudes. En outre, la persécution et le harcèlement des opposants, des défenseur-ses des droits humains et des journalistes par des représentants du gouvernement, préoccupe le Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH).
Le gouvernement abuse des institutions publiques et manipule le discours public en faveur des intérêts de groupes particuliers de la société tout en délégitimant et en faisant taire ceux qui dénoncent les violations systématiques des droits humains. Les attaques contre les organisations féminines et féministes sont particulièrement troublantes. Pendant ce temps, des milliers de personnes continuent de fuir le pays, pour échapper à la pauvreté et à la peur des groupes criminels organisés et des forces de sécurité. Les taux de féminicides et de violations des droits sexuels et reproductifs des femmes demeurent parmi les plus élevés en Amérique latine, et la corruption aggrave les inégalités.
Dans ce contexte, toute personne, organisation ou média qui dénonce l’abus de pouvoir est considéré comme un ennemi de l’État, et est menacé, harcelé et persécuté. Les organisations opèrent en vertu de mesures fiscales abusives et de restrictions du droit au rassemblement pacifique en prenant l’excuse de la pandémie. Les femmes défenseuses des droits humains et journalistes font face à des discours haineux, à la stigmatisation et à des poursuites avec des connotations sexistes, à la violence sexuelle et à d’autres formes de violence genrée pour les réprimer. La discrimination est légitimée et les acquis que les femmes ont obtenus en faveur de l’égalité reculent.
La Red Salvadoreña de Defensoras, la Asociación de Periodistas de El Salvador (APES) et, el Servicio Social Pasionista (SSPAS) ont rapporté qu’au cours des dernières années, il y a eu une augmentation significative des attaques numériques perpétrées contre des journalistes et des défenseur-ses des droits humains travaillant sur les droits sexuels et reproductifs, le droit à une vie sans violence et les droits des personnes LGBTIQ.
Entre février et mai 2021, au moins 370 attaques numériques ont été perpétrées par des responsables publics ou des personnes proches du Président et de son entourage sur les réseaux sociaux. La défenseuse des droits humains et avocate féministe Bertha Deleón a été victime d’une vive campagne de stigmatisation et elle fait face à un processus de criminalisation qui l’a poussée à demander des mesures de précaution à la CIDH afin de protéger sa vie et celle de sa famille.
Signe du manque d’engagement à garantir les droits humains, en mai 2021, l’initiative législative de protection des défenseur-ses des droits humains appelée la "Loi pour la reconnaissance et la protection intégrale des défenseur-ses des droits humains et la garantie du droit à la défense des droits" a été mise au placard. L’État continue de manquer à ses obligations internationales en matière de protection des droits humains et refuse d’engager des processus impliquant un examen international, comme dans le cas de la récente audience sur la situation des droits humains à laquelle il a été convoqué par la CIDH. En outre, le gouvernement s’emploie activement à discréditer les avis et les communiqués des mécanismes internationaux et des organisations de défense des droits humains chaque fois qu’ils dénoncent la situation, expriment leur inquiétude ou émettent des recommandations. Cela conduit à des attaques comme celle perpétrée le 21 juin 2021, lorsque des individus inconnus ont volé les dossiers de l’organisation CO-MADRES qui contenaient des informations sensibles sur les enquêtes sur les personnes disparues pendant le conflit armé.
Nous sommes profondément préoccupés par les risques auxquels sont confrontés les défenseur-ses des droits humains, les journalistes et leurs familles, ainsi que par les conséquences de travailler dans ce contexte difficile. L’État doit cesser les attaques, garantir la séparation des pouvoirs, l’État de droit, et le libre exercice du droit de défendre les droits humains et d’exercer un journalisme indépendant.
Nous exhortons la communauté internationale et les organisations de défense des droits humains à rester vigilantes et à dénoncer la situation, notamment au regard des risques spécifiques auxquels sont confrontés les femmes défenseuses et les journalistes. Il est urgent de répondre aux demandes de mesures de protection et de garantir des mécanismes efficaces pour protéger leurs vies.
Un régime autoritaire, un discours haineux qui légitime la stigmatisation et la violence contre ceux qui ont toujours prôné la justice, l’égalité et la paix, engendrent des risques pour l’exercice de la défense des droits humains et laissent les défenseur-ses et les journalistes sans défense – une situation sans précédent au Salvador en temps de paix.