Violence brutale et représailles contre les défenseur⸱ses des droits humains et les manifestants pacifiques participant au Rassemblement national baloutche à Gwadar
Front Line Defenders condamne fermement les violences commises par les forces de l’État pakistanais contre les défenseur⸱ses des droits humains et les manifestants pacifiques réunis à l’occasion du Rassemblement National Baloutche à Gwadar, au Baloutchistan, le 28 juillet 2024. Des rapports alarmants font état de tirs à balles réelles sur des civils non armés participant au rassemblement, causant de nombreuses blessures et la mort d’au moins deux personnes.
Le Rassemblement national baloutche est un événement pacifique organisé par le Baloch Yakjehti Committee le 28 juillet 2024 à Gwadar, au Baloutchistan, pour dénoncer les violations des droits humains incessantes perpétrées dans la province du Baloutchistan, au Pakistan. Les défenseur⸱ses des droits humains et les manifestants réclament la fin de la discrimination systémique, de la violence et de l’impunité dans la province. Ils demandent également la fin des violences contre les manifestants pacifiques, l’obligation de rendre des comptes pour les violences et l’usage de la force, ainsi que la libération de centaines de manifestants détenus dans le cadre du rassemblement, et la fin du blocus de la ville de Gwadar. Le choix de Gwadar, une ville portuaire du Baloutchistan qui connaît un niveau élevé de militarisation et de déplacements liés au développement, est important, car la région est en proie à des violations systématiques des droits humains liées au corridor économique entre la Chine et le Pakistan.
Les défenseur⸱ses des droits humains sont pris pour cible au cours des manifestations, et des rapports préoccupants font état de blessures infligées à des défenseur⸱ses des droits humains et d’une tentative d’assassinat à l’encontre de l’éminente défenseuse des droits humains Dr Mahrang Baloch. Front Line Defenders est particulièrement préoccupée par les rapports du 29 juillet 2024, selon lesquels au moins trois défenseur⸱ses des droits humains, dont la lauréate du prix Front Line Defenders 2024 Sammi Deen Baloch, la Dr Sabiha Baloch et Sabghatullah Abdul Haq, auraient été détenus par des personnes armées en uniforme et on ignore où ils se trouvent actuellement.
Front Line Defenders est également très préoccupée par le sort du défenseur des droits humains Hafeez Baloch, ainsi que des défenseuses des droits humains Seema Baloch et Mahzaib Baloch, 17 ans, toutes deux membres de la famille du disparu. Les trois DDH ont été vus pour la dernière fois dans la ville de Gwadar le 29 juillet 2024. On ignore actuellement où ils se trouvent.
Dans les semaines qui ont précédé le Rassemblement national baloutche, les membres et les DDH associés au Baloch Yakjehti Committee (BYC), une organisation qui défend les droits et les intérêts du peuple baloutche au Pakistan, ont été victimes de représailles de la part des autorités. Ils ont notamment été victimes de surveillance, de raids, d’arrestations et de fausses affaires judiciaires.
Du 26 au 28 juillet 2024, les militaires ont bloqué les principales routes du Baloutchistan en utilisant des conteneurs, des pierres lourdes et de gros camions pour empêcher les gens de rejoindre le rassemblement de Gwadar. Les transporteurs et les chauffeurs de bus ont été menacés et ont reçu l’ordre de ne pas transporter les participants. Les manifestants et les défenseur⸱ses des droits humains qui se rendaient à Gwadar depuis différentes régions du Pakistan, y compris le Baloutchistan, ont été empêchés de circuler et ont dû faire face à des violences, à des arrestations et à des menaces d’arrestation. On rapporte que des manifestants ont été blessés et que des meurtres ont été commis dans le cadre d’actions menées par les forces de l’État pakistanais.
L’accès à Internet, aux téléphones portables et aux lignes terrestres à Turbat, dans le district de Gwadar et, plus récemment, dans le district de Mastung aurait été bloqué, réduisant ainsi les possibilités d’échanger des informations et que les DDH et les manifestants obtiennent le soutien dont ils ont tant besoin. Le blocage actuel des points d’entrée et de sortie de la ville de Gwadar fait craindre, des pénuries de nourriture et d’autres produits de première nécessité.
Les violences commises à l’encontre des DDH et des manifestants pacifiques qui se rassemblent pour faire campagne et dénoncer les violations systémiques des droits humains s’inscrivent dans une série d’abus et de représailles à l’encontre des DDH au Pakistan, et des DDH baloutches en particulier. Front Line Defenders a déjà documenté l’ouverture de fausses affaires judiciaires contre des défenseur⸱ses des droits humains au cours des derniers mois, les menaces d’arrestation et le fait que des défenseur·ses soient taxés de terroristes. Les défenseuses des droits humains sont confrontées à des abus sexistes en ligne et dans les espaces physiques. En décembre 2023 et janvier 2024, l’État pakistanais a eu recours à une force disproportionnée et à de fausses arrestations pour tenter d’écraser la longue marche Baloutche, menée par des familles de disparus et des défenseuses des droits humains. Ceux qui ont participé à la marche ont été pris pour cible pendant et après la campagne et qualifiés de terroristes.
Front Line Defenders appelle le gouvernement du Pakistan à cesser immédiatement d’avoir recours à la force contre les défenseur⸱ses des droits humains et les manifestants pacifiques à Gwadar. Nous demandons à l’État de révéler immédiatement où se trouvent les défenseur⸱ses des droits humains arrêtés, notamment Sammi Deen Baloch, la Dr Sabiha et Sabghatullah Abdul Haq, de garantir leur sécurité en détention et de les libérer immédiatement et sans condition. Front Line Defenders lance un appel urgent pour obtenir des informations et garantir la sécurité des DDH disparus Hafeez Baloch, Seema Baloch et Mahzaib Baloch. Les défenseur⸱ses des droits humains doivent être libérés, leur sécurité en détention doit être garantie, l’accès à leurs avocats, aux membres de leur famille et aux traitements médicaux doit être assuré en toute priorité.
Le gouvernement pakistanais doit respecter ses obligations nationales et internationales afin de garantir le droit de réunion pacifique et de défendre les droits de toutes les personnes qui s’engagent pacifiquement en faveur des droits humains. Le blocus des entrées et sorties de la ville de Gwadar doit cesser, afin de permettre la libre circulation des personnes dans la région. Les responsables de la violence qui s’est déchaînée contre les défenseur⸱ses des droits humains et les manifestants pacifiques, ainsi que de la détention et de la mise au secret des DDH, doivent être tenus de rendre des comptes pour leurs actes.