Attaques contre des défenseur⸱ses des droits humains et des organisations œuvrant pour les droits des migrants en République dominicaine
Front Line Defenders exprime sa profonde inquiétude face à l’escalade de la violence contre celles et ceux qui défendent les droits des migrants et des personnes d’origine haïtienne en République dominicaine, en particulier depuis la manifestation du 23 septembre 2024 contre la discrimination à Saint-Domingue et la récente déclaration du Président de la République Dominicaine le 2 octobre 2024, lorsqu’il a annoncé un plan pour expulser 10 000 Haïtiens par semaine à partir du 4 octobre 2024. En 2024, le pays fêtera les 11 ans de la décision 168-13 de la Cour constitutionnelle, qui a privé quatre générations de Dominicains d’origine haïtienne, nés entre 1929 et 2007, de leur droit à la nationalité dominicaine, et dont les effets ont été appliqués rétroactivement. Entre septembre et octobre 2024, plusieurs organisations et défenseurs des droits humains promouvant les droits des migrants, ainsi que les communautés pour lesquelles ils travaillent, ont fait l’objet d’intimidations et de violences, notamment par le biais de discours xénophobes et de menaces d’expulsions de masse.
Dans ce contexte, plusieurs organisations et défenseurs des droits humains travaillant sur les droits des migrants et les droits des Dominicains d’origine haïtienne font l’objet d’attaques dans des espaces physiques et en ligne. La plupart des attaques ont été perpétrées par des personnes proches des défenseur·ses, comme leurs voisins, ou par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Des arrestations arbitraires fondées sur le profilage racial ont également été signalées, des défenseur·ses dominicains étant accusés de mentir et d’être haïtiens en raison de la couleur de leur peau, ainsi que des actes d’intimidation commis par des agresseurs devant les bureaux d’organisations de la société civile bien connues. Front Line Defenders a reçu des informations à propos de plusieurs cas, notamment les cas de Wendy Osirus du Movimiento por los Derechos Humanos, la paz y la Justicia Global (MONDHA), les employés du Movimiento de Mujeres Dominico Haitianas (MUDHA), Ana Belique et Franklin Dinol, de la Red Común Nacional Organizada de Ciudadanos/as Domininicanos/as (Reconoci.do), et le bureau et le personnel du Movimiento Socio Cultural para los Trabajadores Haitianos (MOSCTHA).
Le 5 septembre 2024, un média dominicain a publié un article sur Wendy Osirus illustré d’une photo d’une personne en détention, et non du défenseur des droits humains. Les organisations locales estiment que ce document a été publié dans le but de donner une image négative de ceux qui défendent les immigrés. Wendy Osirus est fondateur de plusieurs organisations de la société civile en Haïti et en République dominicaine, dont le Movimiento por los Derechos Humanos, la paz y la Justicia Global (MONDHA), fondé en 2005 dans le but d’améliorer les conditions de vie des communautés en situation de vulnérabilité, en mettant l’accent sur les programmes destinés aux femmes et aux jeunes des communautés d’origine haïtienne.
La défenseuse des droits humains Ana Belique a également été prise pour cible. Bien que les attaques à son encontre ne sont pas nouvelles, il y a eu une augmentation sans précédent sur les réseaux sociaux tels que Facebook, X et WhatsApp depuis le début du mois d’octobre, où de nombreux utilisateurs ont envoyé des messages haineux avec des termes désobligeants utilisés pour décrire la défenseuse, remettant en question sa citoyenneté dominicaine et exigeant son expulsion du pays. Plusieurs utilisateurs de réseaux sociaux diffusent également de fausses informations annonçant son décès. Ana Belique est la coordinatrice de Reconoci.do, un mouvement qui milite pour les droits à la citoyenneté et l’égalité pour tous les Dominicains d’origine haïtienne, en mobilisant et en responsabilisant les communautés marginalisées, et en accompagnant les personnes qui ont besoin d’un soutien juridique pour obtenir leurs papiers.
Le 8 octobre 2024, des membres de MOSCTHA ont été harcelés verbalement par un groupe qui a proféré des insultes anti-haïtiennes devant le bureau de l’organisation. Il s’agit de la dernière attaque contre MOSCTHA perpétrée par différents groupes de personnes qui s’en prennent au travail de l’organisation en faveur la population haïtienne et leurs familles. MOSCTHA est une organisation à but non lucratif bien établie, fondée en 1985, dont le travail est d’organiser des programmes et des projets relatifs aux droits humains qui bénéficient aux personnes en situation de vulnérabilité, en particulier les migrants haïtiens et leurs familles, notamment les femmes et les filles des communautés Bateyana et d’autres quartiers marginalisés. L’organisation promeut l’accès à la protection sociale et le respect des droits fondamentaux de ces communautés par le biais du plaidoyer politique, de l’assistance juridique, de l’attention portée aux questions de santé, de la formation à l’emploi et de l’éducation. Le travail de MUDHA, une autre organisation qui défend les droits des communautés d’origine haïtienne en République dominicaine depuis les années 1980, est également prise pour cible. En particulier, le directeur de MUDHA est victime d’un nombre croissant d’attaques diffamatoires sur les réseaux sociaux.
Enfin, le 12 octobre 2024, le défenseur des droits humains Franklin Dinol a été détenu arbitrairement par des policiers dans la ville d’El Seibo. Les policiers ont demandé à voir ses papiers et ont ensuite accusé le défenseur d’avoir de faux papiers dominicains et d’être haïtien. Franklin Dinol a été relâché deux heures plus tard. Le défenseur est également membre et coordinateur du mouvement Reconoci.do.
Les personnes d’origine haïtienne, y compris les défenseur⸱ses des droits humains, ont toujours été victimes de discrimination, de racisme et de xénophobie en République dominicaine. Les relations de la République dominicaine avec Haïti, sa diaspora et ses politiques migratoires sont au premier plan de la politique du pays. Les présidents dominicains ne cessent de préconiser des mesures controversées pour endiguer le flux d’Haïtiens, notamment la construction d’un mur et la déchéance de la nationalité de milliers d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne, devenus apatrides. Des organisations et des mouvements tels que MONDHA, MUDHA, Reconoci.do et MOSCTHA jouent un rôle crucial dans la défense et la promotion des droits de cette population. Cependant, leur travail en faveur des droits humains est régulièrement l’objet d’attaques et de représailles de la part du gouvernement, dont la rhétorique et les actions, notamment les déportations et la déchéance de la nationalité dominicaine, contribuent à alimenter le discours négatif à leur encontre dans la société en général.
Front Line Defenders condamne fermement les attaques contre les organisations de défense des droits humains Movimiento por los Derechos Humanos, la paz y la Justicia Global (MONDHA), Movimiento de Mujeres Dominico Haitianas (MUDHA), Red Común Nacional Organizada de Ciudadanos/as Domininicanos/as (Reconoci.do) et Movimiento Socio Cultural para los Trabajadores Haitianos (MOSCTHA), ainsi que les attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains Wendy Osirus, Ana Belique et Franklin Dinol. Front Line Defenders pense que les attaques contre eux sont des représailles directes contre leur travail pacifique et légitime, et appelle les autorités de la République dominicaine à respecter et garantir leur sécurité et leur droit à défendre les droits humains.