Les arrestations de défenseur-ses des droits humains menacent les droits à la liberté de réunion et d'expression à Hong Kong
Front Line Defenders condamne les arrestations, le 18 avril 2020, de 15 personnalités du mouvement pro-démocratie à Hong Kong, notamment des défenseur-ses des droits humains, pour leur rôle présumé dans «l'organisation et la participation à des rassemblements illégaux» en août et octobre 2019. Ces arrestations semblent avoir des motivations politiques et ont un effet dissuasif sur l’exercice des droits à la liberté de réunion et d’expression pacifiques, qui sont garantis par la Loi fondamentale de Hong Kong ainsi que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Les 15 personnes sont : Au Nok-hin (区诺轩), Figo Chan Ho-wun (陈皓桓), Albert Ho Chun-yan (何俊仁), Cyd Ho Sau-lan (何秀兰), Jimmy Lai Chee-ying (黎智英), Lee Cheuk-yan (李卓人), Martin Lee Chu-ming (李柱铭), Leung Kwok-hung (梁国雄), Leung Yiu-chung (梁耀忠), Avery Ng Man-yuen (吴文远), Margaret Ng Ngoi-yee (吴霭仪), Richard Tsoi Yiu-cheong (蔡耀昌), Sin Chung-kai (单仲偕), Raphael Wong Ho-ming (黄浩铭), et Yeung Sum (杨森). Ils ont été libérés sous caution et devraient comparaître devant le tribunal pour la lecture des charges retenues contre eux le 18 mai 2020.
Bon nombre de ces 15 personnes, à titre personnel ou professionnel en tant que militants sociaux, avocats, législateurs élus et membres de partis politiques, se consacrent depuis longtemps à la défense des droits humains. Ils plaident sur des questions affectant les droits des personnes à Hong Kong et en Chine continentale, telles que la responsabilité pour les meurtres de manifestants à Pékin pendant le mouvement pro-démocratie de 1989, et les amendements proposés par le gouvernement de Hong Kong au projet de loi sur l'extradition en 2019. Ces événements ont déclenché une vague de protestations qui a finalement évolué en un mouvement de masse en faveur de la démocratie.
Au fil des années, Albert Ho, Lee Cheuk-yan, Leung Kwok-hung, Richard Tsoi et plusieurs personnes autres arrêtées le 18 avril 2020 ont fréquemment dénoncé la persécution des avocats et défenseurs des droits humains en Chine continentale. Ils ont régulièrement organisé des manifestations devant le bureau de liaison du gouvernement continental à Hong Kong pour demander la libération des défenseurs des droits humains chinois détenus ou emprisonnés. Margaret Ng et Martin Lee, qui sont des avocats chevronnés et d'anciens législateurs, ont reçu le Prix des droits humains de l'International Bar Association en 2019. Depuis le début des manifestations contre le projet de loi d'extradition en juin 2019, beaucoup d'entre eux ont également exhorté publiquement les participants à s'assurer que les rassemblements et autres tactiques pour promouvoir leurs revendications soient pacifiques, rationnelles et non violentes.
En vertu de l'ordonnance sur l'ordre public de Hong Kong (POO), les organisateurs de marches publiques impliquant plus de trente personnes doivent informer la police sept jours à l'avance et obtenir un "avis de non-objection" de la police avant de poursuivre. Les rassemblements publics pour lesquels aucun préavis n'est donné ou ceux auxquels la police s'oppose, mais qui se déroulent malgré tout, sont considérés comme "illégaux" et y participer est passible de poursuites. Contrairement à la Chine continentale, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) s'applique à Hong Kong. Le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies, qui contrôle le respect du traité, a averti en 2013 que la mise en œuvre de la POO pouvait faciliter une "restriction excessive" du droit de réunion pacifique.
Le droit international relatif aux droits humains et les normes protégeant le droit de réunion pacifique imposent aux États l'obligation de faciliter et d'accommoder l'exercice de ce droit. Il est donc déconseillé aux gouvernements de mettre en place des régimes dans lesquels les rassemblements doivent être préalablement autorisés par le gouvernement, car le fait de le demander est contraire au principe selon lequel le rassemblement pacifique est un droit fondamental. Il s'ensuit que les autorités devraient, au mieux de leurs capacités, permettre des rassemblements même "illégaux" tant qu'ils sont pacifiques. Les actes de violence isolés de certains manifestants ne devraient pas être attribués à d'autres manifestants pacifiques, pas plus que ces actes ne devraient suffire à taxer de violent tout un rassemblement. Les restrictions sur les rassemblements pacifiques doivent respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité, et les forces de l'ordre doivent faire preuve de la plus grande retenue lors de la gestion de manifestations devenues violentes.
Front Line Defenders estime qu'au lieu de harceler les militants pro-démocratie et les défenseurs des droits humains, le gouvernement de Hong Kong devrait mener une enquête indépendante, impartiale et efficace sur les allégations de recours excessif à la force, de mauvais traitements sur les détenus et de harcèlement des observateurs des droits humains, médecins, travailleurs sociaux et journalistes par les forces de l'ordre lors des manifestations depuis juin 2019, pour lesquelles il existe des preuves crédibles.
Les gouvernements concernés et les experts des Nations Unies en matière de droits humains ont fait des recommandations similaires. Dans une déclaration publique du 12 septembre 2019, suite aux préoccupations suscitées par la violence contre les manifestants et les défenseur-ses des droits humains à Hong Kong, quatre titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations Unies ont rappelé au gouvernement de Hong Kong ses obligations en vertu du PIDCP de "protéger la sécurité et les droits de ceux qui participent à des rassemblements et de créer un environnement propice à une expression diversifiée et pluraliste des idées et des désaccords relatifs à la politique gouvernementale."
Dans une tribune publiée dans un journal de Hong Kong le 30 novembre 2019, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, a déclaré que le seul moyen de sortir de la crise politique pour le gouvernement de Hong Kong était "un dialogue large, ouvert et inclusif avec la toute la communauté", ce qui devrait également inclure une enquête appropriée et indépendante sur les allégations de recours excessif à la force par la police. Mme Bachelet a averti que "si les gouvernements et les forces de sécurité traitent leur peuple comme des ennemis", ils "finissent par augmenter le sentiment chez beaucoup qu'ils ne sont pas entendus et font que leurs griefs se développent et s'étendent".
En janvier 2020, des experts en droits humains de l'ONU ont écrit aux autorités de Hong Kong pour demander des explications sur l'utilisation inappropriée d'agents chimiques, y compris des substances dangereuses, contre les défenseur-ses des droits humains, les manifestants, les médecins et autres lors de la dispersion des rassemblements. En février 2020, ils ont adressé une autre lettre à Hong Kong faisant part de leurs préoccupations concernant "le harcèlement, l'intimidation et l'arrestation de professionnels de la santé, les restrictions des soins impartiaux, ainsi que la mauvaise utilisation des transports et des installations sanitaires et d'informations confidentielles" lors des manifestations l'an dernier.
Front Line Defenders estime que l'arrestation et l'accusation de personnes qui se sont engagées dans un plaidoyer pacifique créent un environnement dangereux et handicapant pour tous ceux qui œuvrent pour la promotion et la défense des droits humains et de l'état de droit à Hong Kong. Un tel acharnement judiciaire compromet directement la capacité du gouvernement à s'attaquer efficacement aux causes profondes des griefs publics répandus et profondément ancrés. En fin de compte, ces actions contre les défenseurs des droits humains érodent l'état de droit garanti par le droit Hong Kongais et sont incompatibles avec les propres obligations légales du gouvernement de Hong Kong de respecter et de protéger les droits humains en vertu du droit international.
Front Line Defenders appelle les autorités compétentes de Hong Kong à abandonner immédiatement toutes les charges retenues contre les défenseur-ses des droits humains arrêtés et à s'abstenir de toute forme de harcèlement contre les défenseur-ses des droits humains et les autres personnes qui agissent pacifiquement, en plaidant et défendant les droits et libertés fondamentaux à Hong Kong.