Doros Polykarpou
The annual Front Line Defenders Award for Human Rights Defenders at Risk was established in 2005 to honour the work of HRDs who are courageously making outstanding contributions to the promotion and protection of the human rights of others, often at great personal risk to themselves.
Doros Polykarpou est un éminent défenseur des droits humain et membre fondateur de KISA (Action pour l’égalité et le soutien, et contre le racisme). Il est expert en matière de migration, d’asile, de discrimination, de racisme et de traite des êtres humains à Chypre. Depuis plus de 27 ans, il se consacre à la défense et à la promotion des droits des personnes en déplacement et à la lutte contre la discrimination et la xénophobie à Chypre, en naviguant dans l’environnement sociopolitique unique de cette petite nation insulaire conservatrice. Doros a d’abord été président du comité directeur de KISA, puis directeur exécutif pendant 15 ans. Au cours des quatre dernières années, il a poursuivi son travail d’activiste bénévole au sein de KISA.
Sous sa direction, KISA a réussi à soutenir un certain nombre de migrants et de demandeurs d’asile par le biais d’un soutien direct, de campagnes et de mobilisations, de litiges stratégiques, de plaidoyers, de documentation, etc. Au cours de ses 27 années de militantisme, Doros a été la cible d’une multitude d’attaques, y compris des campagnes de diffamation, des poursuites pénales et des menaces de mort — la dernière en date étant l’« attentat à la bombe » contre les bureaux de KISA le 5 janvier 2024, lorsqu’un engin explosif a été déposé juste en face du poste de travail de Doros dans les bureaux de KISA.
Doros est né à Silikou, un village mixte où les Chypriotes turcs et grecs cohabitaient pacifiquement, même lors de conflits intercommunautaires intenses. Au début des années 1970, malgré son jeune âge, Doros et sa famille ont souffert aux mains de l’organisation paramilitaire d’extrême droite EOKA B qui, avec le soutien de la junte grecque, a violemment renversé le gouvernement en 1974. Doros attribue à son éducation le mérite de l’avoir aidé à percevoir les réalités qui l’entourent et à comprendre les différences et la fluidité de chaque personne et de son identité, ce qui a influencé ses choix de vie. Dans les années 80, Doros est parti étudier en Allemagne où il est resté pendant 10 ans pour travailler et étudier. Il a participé activement au mouvement étudiant allemand et au mouvement européen pour la paix, et a été pendant plusieurs années le représentant élu des étudiants étrangers dans les universités allemandes.
De retour à Chypre au début des années 1990, il s’est engagé dans le mouvement de réconciliation et de réunification de l’île divisée et a œuvré à la protection des enfants et des femmes contre la violence domestique. Chypre a élaboré sa première politique d’immigration en 1996, et la droite conservatrice s’est fortement engagée en faveur d’un modèle axé sur le séjour temporaire et l’occupation par des migrants d’emplois non désirés. Cette politique a finalement conduit à une augmentation rapide du nombre de migrants, accompagnée d’un fort sentiment de racisme et de discrimination.
En réponse à cette situation, Doros a fondé KISA avec d’autres activistes dans le but de lutter contre la discrimination à l’égard des migrants et des demandeurs d’asile et de s’attaquer à la traite des êtres humains. Les critiques de KISA sur les violations des droits des migrants sont perçues comme un conflit avec les institutions sociales. Au début des années 2010, le thème de l’immigration a pris une place encore plus centrale dans les débats politiques de droite, augmentant le racisme et la rhétorique négative à l’égard de l’immigration, ce qui complique le travail de KISA, mais le rend d’autant plus important. Les discours de haine, les crimes de haine et la violence raciste ont atteint des niveaux sans précédent, notamment avec les pogroms racistes de Chloraka et de Limassol. Le travail de KISA est non seulement plus difficile, mais aussi plus dangereux.
Malheureusement, les efforts de KISA et de Doros ont fait de lui la cible de nombreuses attaques, y compris de diffamation et de poursuites pénales. Les activités de KISA sont criminalisées, au point qu’elle a été accusée à tort de corruption. Ces attaques se sont aggravé après que le gouvernement a présenté les réfugiés et les migrants comme des menaces pour la sécurité nationale et a commencé à taxer les défenseur⸱ses des droits humains de traîtres. L’attaque la plus récente a eu lieu le 5 janvier 2024, lorsqu’une bombe a explosé dans les bureaux de KISA, causant d’importants dégâts et menaçant directement la vie de Doros. Il est également victime de harcèlement public et d’intimidation, ses numéros de téléphone ayant été inscrits sur les murs des toilettes publiques, sans que la police ne prenne de mesures à cet égard.
Outre ces menaces, la campagne du gouvernement contre les ONG a conduit à la radiation de KISA et au gel de ses comptes bancaires. Les attaques répétées, la diffamation et les menaces n’épuisent pas seulement leurs ressources, mais réduisent également l’impact de leur travail. Bien que l’organisation ait pu par la suite retrouver son statut en s’enregistrant en tant que société à but non lucratif, le harcèlement permanent et les ressources limitées continuent de mettre à mal leur capacité à protéger les droits humains.
Malgré les menaces et les défis, Doros trouve une grande satisfaction dans son travail, en s’engageant directement auprès des individus et des groupes de migrants par le biais d’une approche basée sur les droits humains et en apportant des changements positifs dans la vie des gens. Pour lui, l’une de ses plus grandes réussites est de voir des personnes devenir plus fortes et plus indépendantes après avoir été soutenues par KISA, lorsqu’elles gagnent un sentiment d’optimisme et de meilleures perspectives d’avenir. Le parcours de Doros Polykarpou, de son village mixte de Chypre à sa carrière d’éminent défenseur des droits humains, démontre sa résilience et son dévouement.