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19 Mars 2021

Des défenseuses des droits humains toujours placées en détention provisoire après 300 jours

L'alliance mondiale de la société civile CIVICUS et Front Line Defenders appellent à la libération immédiate des défenseuses des droits humains Devangana Kalita et Natasha Narwal, qui ont désormais passé 300 jours en détention provisoire.

Devangana et Natasha ont été arrêtées le 23 mai 2020 suite à leur campagne pacifique contre la loi régressive sur la modification de la citoyenneté (CAA). Les femmes défenseuses des droits humains sont confrontées à de multiples plaintes (rapports de première information), notamment en vertu de la loi antiterroriste, visant à prolonger leur détention. L’arrestation et la poursuite de l’incarcération de Devangana et Natasha mettent en évidence la répression croissante de la dissidence par les autorités indiennes.

Devangana Kalita et Natasha Narwal sont des membres fondatrices du Pinjra Tod, un collectif d'étudiantes et d'anciennes universitaires de Delhi, qui militent pour les droits des femmes, les droits des étudiantes et pour réduire les restrictions imposées aux étudiantes. Le collectif s’oppose à l’utilisation des concepts de sûreté et de sécurité pour réduire au silence et supprimer les droits des femmes à la mobilité et à la liberté. Depuis l'adoption de la CAA en décembre 2019, les défenseuses des droits humains jouent un rôle essentiel dans les manifestations pacifiques et la mobilisation contre la loi. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme a qualifié la loi de « fondamentalement discriminatoire par nature ».

Le 23 mai 2020, la Cellule spéciale de la police de Delhi chargée des crimes a arrêté Devangana Kalita et Natasha Narwal à cause de leur rôle présumé dans un sit-in de protestation contre la CAA organisé devant la station de métro Jaffrabad à Delhi en février 2020. Elles sont notamment accusées d'entrave à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions publiques, de restrictions injustifiées et de voies de fait ou d'usage de la force pour dissuader un fonctionnaire d'exercer ses fonctions. Les défenseuses ont été libérées sous caution le lendemain (24 mai) par le magistrat métropolitain de Delhi. Dans l'ordre de mise en liberté sous caution, le juge a indiqué que les défenseuses ne faisaient qu'exercer leur droit à la liberté d'expression en protestant et qu'elles ne se livraient à aucune forme de violence.

Malgré cet ordre de libération sous caution, les défenseuses n'ont jamais été libérées. Devangana et Natasha ont été de nouveau arrêtées le 26 mai par une équipe spéciale d'enquête de la police criminelle et placées en détention provisoire à la prison de Tihar ; cela s'inscrit dans le cadre d'une tendance commune d'arrestation. Les nouvelles accusations comprennent des infractions graves de meurtre, de tentative de meurtre, de complot criminel et de « promotion de l’inimitié entre différents groupes » en vertu du Code pénal, et des infractions à la loi sur les armes et à la loi sur la prévention de la destruction de biens publics.

Natasha et Devangana ont ensuite été inculpées en vertu de la loi draconienne sur les activités illicites (prévention) (UAPA), la principale loi indienne de lutte contre le terrorisme qui est de plus en plus utilisée à mauvais escient par le gouvernement de Narendra Modi. L'UAPA est devenue une arme de choix pour détenir les défenseur-ses des droits humains, les journalistes et les manifestants en vertu d'une loi fourre-tout. Pour Natasha et Devangana, chaque fois que le tribunal leur a accordé une libération sous caution, un autre FIR avec des accusations plus graves a été déposé contre elles, empêchant leur libération. Plusieurs affaires ont abouti au FIR 59/2020 qui comprend des sections de l'UAPA, en vertu desquelles Natasha, Devangana et plusieurs autres défenseur-ses des droits humains sont actuellement emprisonnés.

« La détention arbitraire de Devangana Kalita et Natasha Narwal depuis 300 jours maintenant, a pour but de les punir pour leur travail en faveur des droits humains. Les autorités indiennes doivent abandonner les accusations criminelles infondées et politiquement motivées portées contre elles et libérer les défenseuses des droits humains immédiatement et sans condition », a déclaré Olive Moore, directrice adjointe de Front Line Defenders.

Des défenseur-ses des droits humains à travers l'Inde sont arrêtés et détenus pendant de longues périodes pour leur participation à des manifestations ou pour avoir critiqué les autorités. Plusieurs lois formulées de façon vague et trop larges sont utilisées par les autorités indiennes pour priver les militants de la liberté sous caution et les maintenir en détention. Il s'agit notamment de l’UAPA, de l’article 124A du Code pénal indien sur la « sédition », de la loi sur la sécurité nationale (NSA) et de la loi sur la sécurité publique (PSA) qui ne s’applique qu’au Jammu-et-Cachemire sous administration indienne.

« Le gouvernement indien doit cesser d'utiliser des lois restrictives sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme contre les défenseur-ses des droits humains et les critiques. Les lois sont incompatibles avec les obligations internationales de l’Inde en matière de droits humains et mettent en évidence l’espace civique de plus en plus répressif que nous avons vu en Inde sous le gouvernement Modi », a déclaré David Kode, responsable du plaidoyer et des campagnes chez CIVICUS.

En décembre 2019, la note de l'Inde a été abaissée par le CIVICUS Monitor, passant de pays « obstrué » à pays « réprimé » en raison de la restriction accrue de l'espace pour la dissidence en 2019 et en particulier après la réélection du Premier ministre Narendra Modi en mai 2019.

Civicus
Front Line Defenders