Le militant ouïghour Yidiresi Aishan risque l’extradition après un an de détention au Maroc
Un an après son arrestation à l’aéroport de Casablanca, Yidiresi Aishan, également connu sous le nom d’Idris Hasan, un activiste ouïghour, est toujours menacé d’extradition du Maroc vers la Chine, où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être torturé.
À son arrivée au Maroc à bord d’un vol en provenance de la Turquie, où il vivait avec sa famille depuis 2012, M. Aishan a été arrêté dans la nuit du 19 au 20 juillet 2021 sur la base d’une notice rouge émise par Interpol à la demande de la Chine « pour appartenance à une organisation terroriste ». Ces dernières années, la Chine utilise de plus en plus le système des notices rouges d’Interpol pour réprimer la dissidence.
Le 20 juillet 2021, M. Aishan a été traduit devant le procureur du Tribunal de première instance de Casablanca, qui a ordonné son placement en détention provisoire à la prison de Tiflet, en attendant la décision de la Cour de cassation. Il est toujours détenu dans cette prison.
Le 15 décembre 2021, la Cour de cassation de Rabat a émis un avis favorable concernant la demande d’extradition, malgré l’annulation par Interpol en août 2021 de la notice rouge émise contre M. Aishan au motif qu’elle porte atteinte à ses statuts et à sa demande du statut de réfugié auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Depuis cette décision, l’émission d’un décret d’extradition par le Premier ministre du Maroc est la seule étape qui sépare Yidiresi Aishan de l’extradition.
Délivrer un tel décret contredirait les obligations internationales du Maroc, y compris la Convention contre la torture, qui stipule à l’article 3 que « Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. »
Lorsqu’il vivait en Turquie, M. Aishan aurait fourni des services de traduction à d’autres Ouïghours en exil et aidé à recueillir des témoignages sur les violations des droits humains dans la province du Xinjiang. En tant que membre de la communauté ouïghoure et compte tenu de son activisme, s’il était renvoyé de force en Chine, M. Aishan serait confronté à des risques réels de torture et d’autres mauvais traitements ainsi qu’à une détention arbitraire prolongée.
Les Ouïghours sont de plus en plus victimes de persécutions et de violations des droits humains perpétrées à grande échelle dans le Xinjiang. Les membres de la diaspora qui ne sont pas fermement installés dans des pays tiers sont confrontés à un risque réel de détention et d’expulsion.
Plusieurs instances internationales ont donc demandé au Royaume du Maroc de ne pas extrader M. Aishan en Chine, conformément au principe fondamental du non-refoulement.
Le 11 août 2021, plusieurs titulaires de mandat de procédures spéciales des Nations Unies ont adressé un appel urgent au Maroc, rappelant l’interdiction absolue et non négociable de renvoyer une personne dans un endroit où elle serait exposée à la torture ou à d’autres mauvais traitements.
Les experts ont réitéré leur appel dans une déclaration le 16 décembre 2021, soulignant le risque de « graves violations des droits humains, y compris la détention arbitraire, la disparition forcée, la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » que M. Aishan pourrait subir s’il retournait en Chine.
À la demande de MENA Rights Group et de Safeguard Defenders, le Comité contre la torture de l’ONU a envoyé aux autorités marocaines une demande de mesure provisoire le 20 décembre 2021. Afin de prévenir un préjudice irréparable à l’encontre de Yidiresi Aishan, ces dernières ont été sommées de « ne pas extrader le requérant [Aishan] vers la Chine pendant que sa requête est en cours d’examen par le Comité ». Le cas d’Yidiresi Aishan est toujours en cours d’examen devant le Comité, lequel ne s’est pas encore prononcé de manière définitive.
En vertu de ce qui précède, nous, les organisations soussignées, demandons aux autorités marocaines d’annuler la procédure d’extradition visant Ydiresi Aishan et de trouver une solution alternative à la détention d’Yidiresi Aishan qui dure depuis une année et qui, en l’absence d’un examen périodique, d’une appréciation individuelle et de motifs valables, peut constituer une détention arbitraire.
Liste des signataires :
Acat Belgique
Amnesty International
Cairo Institute for Human rights Studies (CIHRS)
La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur·ses des droits humains
Front Line Defenders
Human Rights Watch
MENA Rights group
Safeguard Defenders
Society for Threatened Peoples
Uyghur Human Rights Project
Organisation Mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur·ses des droits humains
World Uyghur Congress