La défenseuse des droits humains et écrivaine ukrainienne Viktoria Amelina tuée lors de l’attaque russe contre Kramatorsk
Le 1er juillet 2023, la défenseuse des droits humains et écrivaine Viktoria Amelina est décédée à l’hôpital de Dnipro, en Ukraine, après avoir été grièvement blessée lors de la frappe de missiles russes sur Kramatorsk, en Ukraine, le 27 juin 2023. PEN Ukraine a annoncé la mort de la défenseuse des droits humains le 3 juillet 2023 avec le consentement de ses proches. Viktoria laisse dans le deuil son mari et son fils de 10 ans.
Viktoria Amelina était défenseuse des droits humains et écrivaine. En juin 2022, après le début de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, elle avait rejoint l’organisation ukrainienne de défense des droits humains Truth Hounds pour documenter les crimes de guerre. Elle avait documenté les crimes de guerre russes apparents dans les territoires libérés de l’est, du sud et du nord de l’Ukraine, et en particulier le village de Kapytolivka dans la région de Kharkiv. Lors de l’une de ses missions, Viktoria Amelina a découvert un journal de Volodymyr Vakulenko, un écrivain ukrainien qui a été enlevé et tué par l’armée russe. Elle travaillait également à un projet de non-fiction intitulé « War and Justice Diary: Looking at Women Looking at War », un projet de recherche sur les défenseuses des droits humains ukrainiennes qui documentent et enquêtent sur les crimes de guerre commis par l’armée russe. Avant de rejoindre Truth Hounds, Viktoria Amelina militait activement pour la libération d’Oleh Sentsov, un réalisateur ukrainien de Crimée qui a été prisonnier politique des autorités russes de 2014 à 2019.
Viktoria Amelina a remporté le Joseph Conrad Literature Prize pour ses œuvres en prose, dont les romans Dom’s Dream Kingdom et Fall Syndrome, et a été finaliste pour le Prix littéraire de l’Union européenne. En 2021, elle a fondé le festival du livre de New York dans la région de Donetsk en Ukraine, où New York fait référence à un village de Donetsk qui est très proche du front militaire.
Le 27 juin 2023, la défenseuse des droits humains Viktoria Amelina était à Kramatorsk, dans la région de Donetsk, en Ukraine, pour accompagner une délégation d’écrivains et de journalistes colombiens qui représentaient #AguantaUcrania, un groupe qui sensibilise le public en Amérique latine au sujet de l’invasion de l’Ukraine. Avant de venir à Kramatorsk, le groupe a participé à une importante foire littéraire ukrainienne « Book Arsenal ». Ils sont tous arrivés à Kramatorsk pour documenter la situation dans les villes ukrainiennes de la région de Donetsk et soutenir le travail de visibilité de #AguantaUcrania.
Dans la soirée du 27 juin 2023, le groupe dînait au restaurant Ria Lounge à Kramatorsk, lorsqu’un missile russe a frappé le bâtiment où se trouve le restaurant. Ce missile a tué 13 civils et a blessé 60 personnes. Viktoria Amelina a été grièvement blessée à la tête et a été hospitalisée à Kramatorsk, avant d’être transférée à l’hôpital de Dnipro. La défenseuse est décédée à l’hôpital de Dnipro trois jours plus tard, le 1er juin 2023.
Truth Hounds et PEN Ukraine ont rapporté que, au lendemain de l’attaque, les médias de propagande de l’État russe ont faussement affirmé que la cible du missile était le quartier général temporaire de l’une des brigades des forces armées ukrainiennes. En réalité, le restaurant Ria Lounge à Kramatorsk était l’un des restaurants les plus populaires de la ville et était fréquenté par des acteurs ukrainiens et internationaux des droits humains et de la société civile, des bénévoles humanitaires et des équipes de presse et de cinéma. Selon le rapport de Truth Hounds et de PEN Ukraine, il n’y avait aucun objectif militaire que l’armée russe aurait pu viser par une frappe de missile ce jour-là. Ensemble, les organisations de défense des droits humains ont fait une déclaration publique concernant la frappe, déclarant que la précision des missiles Iskander les amène à croire que la frappe de missiles était une attaque contre la population civile.
À la lumière de la mort de la défenseuse des droits humains Viktoria Amelina, Front Line Defenders réitère une fois de plus sa vive préoccupation concernant les assassinats de défenseur·ses des droits humains, de bénévoles humanitaires et d’autres leaders communautaires ukrainiens suite à l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Selon le Mémorial des DDH de Front Line Defenders, au moins 50 défenseur·ses des droits humains ont été tués en Ukraine en 2022, y compris des acteurs humanitaires et des journalistes, à cause des activités des forces militaires russes.
Front Line Defenders condamne fermement le meurtre de la défenseuse des droits humains Viktoria Amelina et exhorte les autorités de la Fédération de Russie à cesser de cibler des civils, conformément aux obligations internationales de la Russie en matière de droit humanitaire et de droits humains, rappelant que le ciblage délibéré de biens civils est interdit par la Quatrième Convention de Genève. L’attaque contre le restaurant Ria Lounge peut être considérée comme un crime de guerre en vertu du sous-alinéa 8 (2) b) (ii) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) — « Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ». De même, une telle attaque peut être qualifiée en vertu de l’article 8 (2) (b) (i) — « Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile » ; ou l’article 8 (2) (b) (iii) — « Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix […] ». Front Line Defenders appelle à une enquête impartiale et indépendante sur le meurtre de la défenseuse des droits humains Viktoria Amelina alors qu’elle était en mission relative à son travail en faveur des droits humains. Tous ceux qui ont commis ce crime doivent être traduits en justice.