Le défenseur des droits humains et journaliste ukrainien Dmytro Khyliuk disparu de force par les autorités russes depuis plus d’un an
Le 12 juin 2023, le journaliste et défenseur des droits humains ukrainien Dmytro Khyliuk passera un deuxième anniversaire en captivité aux mains des Russes en tant qu’otage civil, détenu au secret dans un lieu inconnu. Front Line Defenders est profondément préoccupée par le manque d’informations concernant son état de santé, son lieu de détention et son statut juridique et considère qu’il s’agit d’une privation complète de ses droits humains.
Dmytro Khyliuk est défenseur des droits humains et journaliste pour l’agence de presse indépendante ukrainienne UNIAN, qui a suivi les audiences dans les tribunaux et couvert des sujets liés aux mouvements de la société civile et aux droits humains en Ukraine. En tant que journaliste et personnalité publique, il a attiré l’attention sur l’importance des réformes judiciaires et a mis en lumière les efforts de lutte contre la corruption de la société civile ukrainienne. Après l’invasion de la région de Kiev par l’armée russe, Dmytro Khyliuk a travaillé dans les villes et les villages près de la ligne de front, donnant des nouvelles des populations attaquées.
Le 1er mars 2022, Dmytro Khyliuk a écrit sur Facebook que des troupes russes occupaient le village de Kozarovychi, où lui et sa famille vivaient. Le 3 mars 2022, Dmytro Khyliuk et son père ont disparu de force, enlevés par des militaires russes lorsqu’ils sont venus voir leur maison endommagée par les bombardements russes. La veille, leur maison avait été perquisitionnée par l’armée russe qui avait saisi les téléphones des parents de Dmytro Kyliuk. Le père du défenseur, Vasyl Khyliuk, a été libéré huit jours après son enlèvement, mais on ignore toujours où se trouve Dmytro Khyliuk.
Selon l’organisation ukrainienne de défense des droits humains Media Initiative for Human Rights (MIHR), des otages civils de Kozarovychi (dont Dmytro et son père) ont été détenus dans un entrepôt dans le village, puis transportés dans un bâtiment d’usine à Dymer, un autre village dans la région de Kiev. Après la libération de la région de Kiev de l’occupation russe le 31 mars 2022, certaines sources ont révélé que les forces d’occupation avaient pris certains otages avec eux lorsqu’ils se sont retirés en Russie.
Pendant une longue période, la famille de Dmytro Khilyuk n’avait aucune information sur l’endroit où il se trouvait. Cependant, fin avril 2022, ils ont reçu un appel du Siège de la Coordination ukrainienne pour le traitement des prisonniers de guerre et ont été informés que les autorités russes avaient confirmé qu’elles détenaient le journaliste.
En août 2022, grâce au CICR, les parents de Dmytro Khilyuk ont reçu une lettre de sa part dans une enveloppe affranchie d’un timbre de la poste russe. La lettre contenait une phrase : « Chère maman et papa, je suis en vie, en bonne santé, et je vais bien ». La lettre était datée du 14 avril 2022. Ils ont écrit une lettre en réponse, mais son sort est inconnu. À ce jour, c’est leur seul contact avec leur fils depuis sa disparition. Ils ont engagé des avocats, mais les autorités russes leur ont refusé l’accès pour voir ou parler à leur client et n’ont toujours pas donné de confirmation officielle d’où il se trouve. Il n’existe aucune information non plus sur les accusations qui pourraient être portées contre lui.
Comme la MIHR l’a découvert en mai 2022 à la suite d’entretiens avec des prisonniers de guerre libérés dans le cadre d’échanges de prisonniers, plusieurs d’entre eux ont été détenus avec des civils enlevés et certains des interviewés ont entendu le nom de Dmytro Khilyuk alors qu’ils étaient emprisonnés dans le centre de détention provisoire 2 à Novozybkov, région de Briansk en Russie.
Cette information a été confirmée par une enquête menée par l’organisation internationale Reporters sans frontières et publiée le 2 mai 2023. Selon leurs sources, il a été détenu à Novozybkov en 2022. Cependant, ils n’ont reçu aucune confirmation de l’endroit où il se trouve en 2023.
Media Initiative for Human Rights a publié un rapport qui décrit la pratique systémique de l’enlèvement et du transfert de civils par l’armée russe dans les territoires occupés par la Russie, comme ce fut le cas pour Dmytro Khyliuk. Début avril 2023, la MIHR a été en mesure d’identifier au moins 948 otages civils, y compris des défenseur⸱ses des droits humains ukrainiens, incarcérés dans plus de 40 centres de détention où des prisonniers de guerre sont également détenus en Russie, dans les territoires occupés par la Russie et en Biélorussie.
La prise d’otages est interdite en vertu du droit international humanitaire. La Quatrième Convention de Genève ne permet l’internement de civils que pour des « raisons impératives de sécurité » et garantit leur droit de contester le fondement de la détention (article 43), l’accès à un avocat et le traitement humain en tout temps.
Front Line Defenders condamne fermement la pratique de disparition forcée de civils dans les territoires occupés par la Russie, notamment la disparition forcée du défenseur des droits humains Dmytro Khyliuk, qui est privé d’aide juridique, de communication avec sa famille et de toute autre assistance.
Front Line Defenders exhorte les autorités de la Fédération de Russie à:
- Confirmer immédiatement l’emplacement de Dmytro Khyliuk, s’assurer qu’il a accès à son avocat et le libérer sans condition;
- Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité physique et psychologique et l’intégrité de Dmytro Khyliuk tout en le rendant à sa famille en Ukraine;
- Révéler l’emplacement de tous les autres prisonniers civils détenus sous le contrôle de la Fédération de Russie;
- Fournir à des organismes indépendants comme le CICR et les missions de surveillance de l’ONU un accès sans entrave aux centres de détention contrôlés par la Fédération de Russie afin qu’ils puissent s’assurer que la Fédération de Russie respecte ses obligations internationales en matière de droits humains.