Ukraine : La Russie devrait déterminer l’endroit où se trouve la FDDH Iryna Horobtsova et d’autres victimes civiles de disparitions forcées dans les territoires occupés par la Russie et les libérer
Front Line Defenders condamne fermement la disparition forcée et la détention arbitraire de défenseur⸱ses des droits humains ukrainiens et d’autres citoyens dans les territoires occupés par la Russie en Ukraine. Front Line Defenders condamne fermement la disparition forcée et la détention arbitraire de défenseur⸱ses des droits humains ukrainiens et d’autres citoyens dans les territoires occupés par la Russie en Ukraine. On ignore l’endroit où elle se trouve précisément, mais des rapports indiquent qu’elle a été transférée vers la Crimée occupée par la Russie. Elle n’a pas accès à un avocat et ignore totalement quelles sont les accusations portées contre elle ni quel est son statut juridique.
Iryna Horobtsova est défenseuse des droits humains et militante originaire de Kherson, en Ukraine. Après l’occupation de Kherson par les forces russes au début du mois de mars, elle a commencé à fournir de l’aide en tant que chauffeuse volontaire aux travailleurs de la santé pour assurer le transport vers l’hôpital local et la livraison de matériel médical. Son travail a aidé les résidents, qui ont été victimes de violence commises par l’armée russe, à exercer leur droit à bénéficier de soins. Sur les réseaux sociaux, Iryna Horobtsova a publié des messages sur les rassemblements pacifiques contre l’occupation de Kherson et à propos de son expérience dans la ville occupée.
Le 13 mai 2022, les proches d’Iryna Horobtsova ont rapporté que dans la matinée, deux voitures portant la marque « Z » — symbole de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie — sont arrivées à la maison où elle vivait avec ses parents. Plusieurs personnes en uniformes militaires russes ont perquisitionné l’appartement et ont fait monter Iryna de force dans un véhicule. Les hommes ont dit aux parents d’Iryna qu’elle reviendrait « avant le début de la soirée », après l’avoir interrogée. Depuis, il n’y a eu aucune information officielle concernant l’endroit où elle se trouve.
Selon les informations reçues par Front Line Defenders, Iryna Horobtsova a été transférée en Crimée occupée par la Russie et est détenue dans un lieu secret à Simferopol. Le ministère de l’Intérieur de la Fédération de Russie a répondu à la demande d’information d’Emil Kurbedinov, défenseur des droits humains et avocat d’Iryna Horobtsova ; il a indiqué que la défenseuse était détenue dans le centre de détention provisoire no 1. à Simferopol. Les autorités ont refusé à plusieurs reprises qu’Emil Kurbedinov voie sa cliente, et les administrateurs du centre de détention provisoire ont démenti que la défenseuse y soit détenue. Selon les informations reçues par Front Line Defenders, Iryna Horobtsova a été contrainte à un relevé de ses empreintes digitales sur place.
La famille d’Iryna Horobtsova a reçu deux lettres du centre de détention provisoire no 1 de Simferopol datées du 8 août 2022 et du 31 août 2022 par l’intermédiaire du réseau russe Zona telecom, qui facilite la communication avec les détenus. Depuis cette date, les communications ont stoppé. Les proches ont pu reconnaitre l’écriture d’Iryna Horobstova. Dans l’une des lettres, elle demandait un certain nombre d’articles : nourriture, vêtements, médicaments et articles d’hygiène, ce qui indique qu’elle manque de nombreux éléments essentiels en détention. Ses proches n’ont aucune confirmation qu’elle a reçu le colis envoyé au centre de détention. Dans l’autre lettre, elle demande à ses parents de contacter les autorités ukrainiennes afin que son nom soit inclus dans la liste des prisonniers à échanger. Son avocat, Emil Kurbedinov, n’a pas reçu de réponse lorsqu’il a tenté de joindre Iryna en détention. Le 20 juillet 2022, il a présenté une requête officielle au ministère russe de l’Intérieur pour ouvrir une affaire pénale en vertu de l’article 127 du Code pénal de la Fédération de Russie relatif à « la privation illégale de la liberté d’un individu qui n’est pas liée à son enlèvement », ce qui a été rejeté. Les proches d’Iryna Horobtsova craignent qu’elle ne reçoive pas de traitement médical, car elle souffre de migraines sévères dues à un anévrisme cérébral.
Le 31 août 2022, la Cour européenne des droits de l’Homme a accordé des mesures provisoires en vertu du règlement 39 de la Cour, exhortant la Russie à fournir des informations à propos de l’état d’Iryna Horobtsova. La Fédération de Russie a refusé de se conformer à la demande, malgré son obligation de se conformer aux décisions de la Cour jusqu’au 16 septembre 2022, date après laquelle elle a cessé d’être partie à la Convention européenne des droits de l’homme.
L’organisation ukrainienne de défense des droits de l’homme ZMINA a rapporté que pendant l’invasion militaire russe de l’Ukraine, les militaires russes ont enlevé, fait disparaitre de force et illégalement détenu au moins 386 bénévoles, militants et défenseur⸱ses des droits humains, y compris les journalistes de Nova Kakhovka Serhii Tsyhipa et Oleh Baturin, le journaliste de la région de Kiev Dmytro Khyliuk et le bénévole humanitaire espagnol Mario Garcia Calatayud. Oleh Baturin a ensuite été libéré de captivité, mais on ignore où se trouvent les autres. Serhii Tsyhipa et Mario Garcia Calatayud auraient été transférés en Crimée occupée par la Russie. Selon ZMINA, plus de 10 personnes engagées dans le travail humanitaire ont par la suite été retrouvées mortes, ou sont mortes après avoir été libérées à cause des tortures qu’elles ont subies en captivité.
Front Line Defenders pense que, comme Iryna Horobtsova, d’autres défenseur⸱ses des droits humains, activistes et bénévoles sont pris pour cible en raison de leurs critiques ouvertes à l’encontre de l’occupation russe et de leur travail légitime non violent en faveur des droits humains, y compris la documentation des violations des droits humains lors de manifestations pacifiques. Front Line Defenders exprime sa vive préoccupation et exhorte les autorités de la Fédération de Russie dans la Crimée occupée à révéler d’urgence où se trouve la défenseuse des droits humains Iryna Horobtsova et à la libérer immédiatement, ainsi que toutes les autres victimes de disparitions forcées dans les territoires occupés par la Russie en Ukraine.
Front Line Defenders appelle :
les autorités ukrainiennes et russes à inclure les défenseur⸱ses des droits humains et les autres personnes détenues illégalement en Crimée et dans d’autres territoires occupés par la Russie dans leurs négociations sur les échanges de prisonniers ;
la communauté internationale, y compris la Cour pénale internationale, à soutenir le travail visant à identifier les auteurs de violations des droits humains en Crimée et dans d’autres territoires occupés par la Russie, et fournir un soutien stratégique pour traduire les auteurs en justice ;
toutes les institutions internationales et régionales pertinentes, à prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection des défenseur⸱ses des droits humains et d’autres groupes protégés, comme les Tatars de Crimée, en Crimée et ailleurs en Russie et dans les autres territoires occupés, et s’assurer que les auteurs rendent des comptes pour les violations commises à leur encontre.