Piégés à l'intérieur, défendant ce qu'il reste de vie à Alep
Les défenseur-ses des droits humains à Alep risquent fortement d'être détenus, torturés et assassinés tandis que les civils continuent de fuir les bombardements dans l'est d'Alep, a déclaré mardi Front Line Defenders.
Pendant les semaines de l'offensive menée par le régime syrien et soutenu par les bombardements aériens russes, plus de 80 000 personnes ont fuit leurs maisons. Des dizaines de milliers d'autres sont toujours piégées dans la ville, alors que les forces du régime se rapprochent des derniers quartiers de la ville encore aux mains de l'opposition.
Lundi soir, les défenseur-ses des droits humains qui se trouvaient toujours à Alep ont indiqué que les forces pro-régime (l'armée syrienne ainsi que les milices armées du Liban, d'Irak, d'Iran et d'Afghanistan) entraient dans les maisons et assassinaient les familles. Quelques heures plus tard, le Commissariat des droits des l'Homme de l'ONU a signalé les meurtres de plus de 82 civils lors des raids du régime. Front Line Defenders a reçu des photos envoyées par des militants toujours engagés pour documenter les atrocités, qui montrent plusieurs corps dans les rues.
"Nous parlons, nous crions, nous envoyons des vidéos. Pas parce que cela va changer les choses, mais parce que si nous nous taisons, le régime tuera la population en silence". - Un défenseur des droits humains dans l'est d'Alep
Toute la nuit et jusqu'au mardi matin, les défenseur-ses des droits humains ont filmé, documenté, envoyé des sms et posté des enregistrements audio des bombardements continus. Ils continuent à parler des violations des droits humains en dépit des signes montrant que leur activisme accentue le risque qu'ils soient reconnus, détenus, torturés ou tués si et lorsqu'ils parviennent à quitter la zone.
Quatre groupes d'aide piégés, dont l'organisation de défense civile des Casques Blancs, ont appelé la "communauté internationale" à garantir un corridor humanitaire pour 10 000 civils à travers une bande de 4 kilomètres d'un territoire aux mains du gouvernement. La Croix Rouge s'apprête à aider les évacuations si un accord peut être trouvé, exhortant à la protection des civils "avant qu'il ne soit trop tard". Mais quitter les zones aux mains des rebelles s'est avéré aussi dangereux que d'y rester. Les civils qui survivent aux bombardements sont détenus, torturés et enrôlés dans l'armée syrienne pour s'enfuir. Selon le Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU, des centaines d'hommes de l'est d'Alep sont portés "disparus" après avoir atteint le territoire contrôlé par le régime vendredi.
Les défenseur-ses des droits humains disent que peu importent les accords pour un passage sécurisé, une évacuation d'Alep ne garantit pas la sécurité. Les visages des militants, journalistes, médecins et des premiers intervenants sont désormais connus, et, tout comme de nombreux civils de l'est d'Alep, ils craignent d'être torturés et tués si et lorsqu'ils atteindront une zone contrôlée par le régime. En outre, l'échec des gouvernements américains et occidentaux, qui ne sont pas parvenus à sécuriser un cessez-le-feu et des évacuations avec des garanties, laisse de nombreuses personnes méfiantes à propos de ces soi-disant "accords" ou "évacuations".
Depuis cinq ans, les DDH syriens ont donné les comptes rendus les plus exhaustifs et essentiels de la guerre et des exactions perpétrées dans le pays - souvent au prix d'importants risques personnels. Ils sont arrêtés, torturés, disparus et tués à cause de leur travail. Aujourd'hui les médecins opèrent sur des sols en ciment, bien que les hôpitaux soient clairement devenus des cibles. Les journalistes donnent toujours des interviews en sachant que chaque apparition publique augmente les chances qu'ils soient reconnus et torturés s'ils essaient de fuir.
L'ONU, les organisations d'aide extérieures, les groupes internationaux de défense des droits humains et les correspondants étrangers de tous les réseaux majeurs dépendent entièrement des défenseur-ses des droits humains encore à l'intérieur pour avoir des informations crédibles des exactions perpétrées.
Front Line Defenders continue de maintenir le contact avec des DDH en Syrie afin de conserver une plateforme pour faire entendre leurs voix;