Tanzanie: Les défenseur-ses LGBT pris pour cible
Les défenseur-ses des droits humains qui plaident pour les droits des personnes LGBT et des travailleurs du sexe en Tanzanie sont exposé au risque élevé d'arrestation, d'agression physique et de violences sexuelles en prison, car le gouvernement ne condamne pas une campagne violente anti-LGBT orchestrée par le commissaire régional de Dar Es Salaam.
Le 29 octobre 2018, le Commissaire régional Paul Makonda a annoncé la création d'un groupe d'intervention chargé d'identifier et d'arrêter les membres de la communauté LGBT et les travailleurs du sexe. M. Makonda est apparu à la télévision et à la radio nationale et a menacé le public de donner des noms, avertissant que ceux qui n'auraient pas dénoncé une personne qui serait arrêtée ensuite pour homosexualité risquent d'être punis. Le groupe d'intervention aurait déjà reçu près de 19000 messages nommant moins de 300 personnes soi-disant LGBT ; les mêmes personnes connues ont donc été dénoncées plusieurs fois. Les défenseur-ses des droits LGBT, qui sont souvent les membres les plus visibles de la communauté en raison de leur travail public, sont particulièrement exposés au risque d'arrestation.
Les défenseur-ses des droits humains sont contraints de se cacher à un moment critique pour leur communauté. Beaucoup des personnes contraintes de fuir s'occupent de la réponse d'urgence, contrent la violence policière, organisent des formations sur la protection et plaident pour les services de soin et pour des activités pour construire la communauté. La réponse des DDH pendant les périodes d'arrestations de masse est particulièrement importante car la police agresse sexuellement la majorité des personnes LGBT et les travailleurs du sexe qui sont placés en détention pendant des raids et des "coups de balai" dans les rues, souvent la nuit, dans tout le pays. Les agressions sexuelles perpétrées par la police ont souvent lieu dans la rue, dans les véhicules de police ou pendant les premières heures de l'arrestation. Sur plus de 80 personnes LGBT et des travailleurs du sexe interrogés par Front Line Defenders en juin 2018, tous à l'exception de deux ont été agressés sexuellement ou violés par la police. La majorité ont été violemment passés à tabac et plusieurs ont été victimes de traitements dégradants et inhumains.
Le 4 novembre 2018, le ministère tanzanien des Affaires étrangères et de la coopération internationale a publié une déclaration dans laquelle il prend ses distances avec la répression, affirmant que la campagne du commissaire régional ne reflète que son propre point de vue et non la politique officielle de l'État. Mais selon les défenseur-ses des droits humains, l'incitation à la violence de Makonda impacte clairement la sécurité de la communauté LGBT et les travailleurs du sexe dont beaucoup ont quitté leur domicile et leurs villages par peur d'être exclus. Au moins une arrestation de masse de personnes lesbiennes et gays a été menée à Zanzibar, où 22 personnes sont détenues sans pouvoir contacter un avocat. Les attaques contre les personnes présumées queer dans la rue ont été filmées dans plusieurs régions, dont Dar Es Salaam, Zanzibar et Kilimanjaro. Une vidéo montre les agresseurs en train de crier "une personne de Makonda", une phrase qui vise désormais toute personne qui sera arrêtée par le groupe d'intervention de Makonda. Les personnalités qui comptent de nombreux suiveurs sur Instagram, Twitter et Facebook ont enregistré des vidéos dans lesquelles ils énumèrent des noms.
Les défenseur-ses des droits humains recensent les pics de violence policière et les attaques dans les rues suite à des campagnes de diffamation orchestrées par le président, le vice-président et le vice ministre de la santé, entre-autres, depuis l'arrivée au pouvoir de John Magufuli en 2015. Les actes homosexuels sont illégaux en Tanzanie et passibles de 30 ans de prison depuis l'époque coloniale. Les défenseur-ses des droits humains disent que les campagnes de diffamation très graves servent à légitimer la violence déjà perpétrée et à éroder la solidarité entre les communautés LGBT et les avocats alliés, les médecins et les grandes organisations de la société civile.
Front Line Defenders est vivement préoccupée par la sécurité des défenseur-ses des droits humains qui protègent les personnes LGBT et les travailleurs du sexe, et appelle le gouvernement de Tanzanie à condamner immédiatement ces attaques.
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