Guerre au Soudan : Il faut protéger les réfugiés et les PDI, notamment les femmes et les FDDH
Le 8 juin 2023, le ministère soudanais des Transports a annoncé que tous les ressortissants soudanais, y compris les femmes et les enfants, doivent obtenir un visa pour entrer en Égypte à compter du 10 juin 2023. La route vers l’Égypte était la voie d’évacuation la plus sûre et la plus accessible pour les femmes et les défenseuses des droits humains (FDDH). Avec les nouveaux critères d’obtention de visa qui mettent fin aux exemptions de visa pour les femmes et les enfants, l’opportunité la plus accessible pour que des milliers de femmes et de FDDH se mettent en sécurité est compromise.
Le 25 mai, les autorités soudanaises ont modifié la réglementation concernant la prorogation des passeports expirés et ont reporté la délivrance des titres de voyage. Le report de la délivrance des documents de voyage implique une discrimination à l’encontre des femmes et des filles. Il est bien connu que les femmes des communautés conservatrices comme le Soudan obtiennent rarement des passeports comparativement aux hommes.
La guerre au Soudan a forcé plus de 1,4 million de personnes à quitter leur foyer. La plupart des personnes déplacées sont des femmes et des enfants. Plus d’un million de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et 340 000 ont fui vers les pays voisins. Les autorités égyptiennes ont annoncé avoir reçu plus de 170 000 réfugiés soudanais au cours des 50 derniers jours. La plupart de celles et ceux qui ont fui viennent de Khartoum. Plus de 60 000 personnes ont fui le Darfour vers le Tchad, et 70 000 autres ont fui vers le Soudan du Sud.
Les femmes et les filles souffrent dans le processus de déplacement avec l’insécurité croissante sur les routes, le manque de nourriture et de services médicaux. La mise en place des postes de contrôle par les Rapid support forces (RSF) et les forces armées soudanaises (SAF) sur les routes, le blocage des ponts à Khartoum et les pillages, sont quelques-uns des principaux défis pour le mouvement des femmes à travers le Soudan. De plus, des milliers de femmes sont coincées dans des zones de combat ayant peur des risques qu’impliquent les déplacements. Le coût élevé du transport est un autre défi pour les femmes qui doivent fuir les zones de conflit. Les signalements de plus en plus nombreux de cas de harcèlement sexuel sur les routes conduisent de nombreuses femmes et filles à rester dans des zones dangereuses. Les femmes ne se sentent pas en sécurité dans leurs quartiers de Khartoum et du Darfour, car elles ont peur de marcher dans les rues par crainte d’enlèvement et de harcèlement sexuel. Une femme prise au piège dans une zone de combat à Khartoum a dit : « Je suis allée chercher de l’eau dans notre quartier au nord de Khartoum, je n’ai vu aucune femme dans les rues. Nos rues ne sont plus sûres pour les femmes et les filles. »
Plus de 300 personnes sont portées disparues, dont des dizaines de femmes et de filles. Les femmes déplacées de Khartoum ont fui vers Madani dans l’État d’Aldjazira, et vers les États du Nil Blanc, du Nord et du Nil. Ceux qui ont fui Nayala au Darfour du Sud se réfugient en périphérie de la ville, tandis que d’autres ont fui au Soudan du Sud. Les femmes d’Alfashir, au Darfour du Nord, ont fui vers le sud de la ville et d’autres villes. Entre-temps, la situation à Zelenji au Darfour central et à Al Geneina au Darfour-Occidental est catastrophique, car les deux villes sont assiégées selon les activistes qui ont fui ces zones vers le Tchad. La situation des FDDH déplacées à l’intérieur du pays est très préoccupante, en raison de la recrudescence des menaces contre les FDDH qui ont fui Khartoum vers Madani. Les anciennes forces de sécurité du régime surveillent activement les F/DDH dans la ville.
En outre, des milliers de femmes sans passeport sont piégées au Soudan sans pouvoir se déplacer vers des pays plus sûrs. Les critères relatifs à la délivrance de visas de visiteur pour les pays voisins exposent les femmes soudanaises à des violences sexuelles puisqu’elles sont piégées dans des zones de combat. La Convention internationale de 1951 sur les réfugiés encourage les pays à accepter des réfugiés sans condition d’entrée régulière (et encourage la reconnaissance « prima facie » du statut de réfugié). Ainsi, des douzaines de FDDH vivent dans la crainte après l’adoption de ces nouvelles procédures qui limitent une évacuation sûre et rapide de celles qui n’ont pas de passeport. Cela augmente également le temps d’attente aux frontières, car des milliers de femmes sont bloquées et vivent dans des conditions inhumaines.
Nous organisations/groupes appellent :
- Les deux parties au conflit à cesser les hostilités, protéger les civils et ouvrir des corridors humanitaires vers les frontières sous la supervision des organisations humanitaires internationales.
- Les deux parties au conflit et la communauté internationale à assurer la protection des femmes contre toute forme de violences sexuelles et garantir que les survivantes bénéficient des services essentiels.
- Les pays voisins à veiller à l’application de la notion de prima facie, conformément à la Convention internationale des réfugiés de 1951, qui encourage les pays à accepter des réfugiés sans condition d’entrée régulière.
- Les pays voisins à coordonner leurs efforts avec les initiatives de la société civile et les organisations internationales d’aide humanitaire pour mettre en place des lieux et des salles de bains qui garantissent la vie privée et la sécurité des femmes, ainsi que la mise à disposition de repas et de services médicaux périodiques en temps opportun.
- Tous les États à garantir un financement suffisant à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et aux organisations internationales humanitaires dans les pays voisins pour que les réfugiés soudanais aient accès aux besoins fondamentaux.
- Les deux parties au conflit, les États voisins et la communauté internationale à assurer la protection des défenseuses des droits humains, conformément à la Déclaration sur les défenseur⸱ses des droits humains et à la résolution 181 de l’Assemblée générale sur la protection des défenseuses des droits humains
- Les États, en collaboration avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, à créer des programmes de réinstallation des F/DDH soudanais et de leurs familles dans des pays où ils peuvent poursuivre leur travail sans intimidation ni représailles.
- Les Procédures spéciales des Nations Unies concernées, en particulier le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseur⸱ses des droits humains, le Groupe de travail sur les disparitions forcées et le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, à faire des déclarations publiques sur les violations en cours et engager des consultations larges et inclusives avec la société civile, y compris les défenseuses des droits humains.
- Le Conseil des droits de l’homme à mettre en place un mécanisme d’enquête international doté de ressources suffisantes pour enquêter sur les menaces et les représailles contre les FDDH à cause de leur travail, et pour documenter les violences sexuelles et sexistes.
Pour plus d’informations, voir la documentation de la Sudanese Women Rights Action (SUWRA) ici
Signataires :
Actions pour la Réinsertion Sociale de la Femme « ARSF »
African Centre for Democracy and Human Rights Studies
African Initiative of Women Human Rights Defenders
Association for Progressive Communications – APC
The.Ice
Cairo Institute for Human Rights Studies
Canada for Africa Group
Centre for Feminist Foreign Policy
Centre for Women Human Rights Defenders in Africa
CIVICUS– World Alliance for Citizen Participation (alliance mondiale pour la participation citoyenne)
Committee for Justice
DISABILITY PEOPLES FORUM UGANDA
Egyptian Front for Human Rights (EFHR)
Egyptian Human Rights Forum (EHRF)
El Nadim Center – Egypt
Equality Fund
Eritrean Coordination for Human Rights (ECHR)
Front Line Defenders
GBV Learning Initiative
GIN SSOGIE
Global Centre for the Responsibility to Protect
International Service for Human Rights (ISHR)
LAMU WOMEN ALLIANCE
Pakistan Fisherfolk Forum
Peace Track Initiative
Politics4Her
Somali Minority Development Organization (SOMDO)
Sudanese Women Rights Action (SUWRA)
Transnational Institute
USESA (US-Educated Sudanese Association)
WHRD MENA Coalition