Bangladesh : Arrêtez de cibler Odhikar et ses dirigeants. Respectez les droits fondamentaux à la liberté d’association et d’expression
Les autorités bangladaises doivent mettre fin aux représailles contre Odhikar et ses dirigeants et respecter les droits fondamentaux à la liberté d’association et d’expression. Les personnes qui s’efforcent de documenter et de dénoncer les violations des droits humains devraient pouvoir accomplir leur important travail sans craindre le harcèlement, l’intimidation et les représailles.
Le cas de l’organisation de défense des droits humains Odhikar reflète le harcèlement et le ciblage continus des défenseur⸱ses des droits humains et des organisations au Bangladesh. Depuis 2014, la demande de renouvellement d’inscription d’Odhikar auprès du Bureau des affaires des organisations non gouvernementales (NGOAB) est restée en suspens jusqu’à sa radiation en juin 2022. Dans la lettre de refus de renouvellement, le NGOAB accusait Odhikar d’avoir publié « des informations trompeuses », d’avoir « sérieusement [terni] l’image du pays dans le monde » et d’avoir « [créé] divers problèmes contre le Bangladesh ».
En outre, le secrétaire d’Odhikar, Adilur Rahman Khan, et le directeur, ASM Nasiruddin Elan, ont été arbitrairement détenus en 2013 respectivement pendant 62 jours et 25 jours, après avoir publié un rapport d’enquête sur les exécutions extrajudiciaires au Bangladesh. Ils continuent de faire face à de l’acharnement judiciaire dans cette affaire devant le Tribunal de Dhaka, fondé sur des accusations fabriquées de toutes pièces pour avoir prétendument publié des renseignements « faux, déformés et diffamatoires ». Après des années d’attente, le gouvernement a accéléré les audiences dans l’affaire en particulier après la décision de sanctions américaines contre le Bataillon d’action rapide (RAB) et ses responsables en décembre 2021. Ils ont comparu devant le Cyber-tribunal pour toutes les audiences prévues, dont plus d’une douzaine depuis décembre 2021 n’ont pas eu lieu comme prévu, soit parce que le juge ne s’est pas présenté ou n’était pas préparé, soit parce que les témoins de l’accusation étaient absents. Leur procès a été entaché de vices de procédures, y compris le fait que la défense n’a pas été informée au préalable de qui étaient les témoins de l’accusation.
Le 5 avril 2023, lors d’une audience où les témoins de l’accusation ne se sont pas présentés, le juge du Cyber-tribunal A.M. Julfikar Hayat a clos l’interrogatoire des témoins pour passer à l’étape suivante de l’interrogatoire de l’accusé, conformément à l’article 342 du Code de procédure pénale de 1898. Après trois audiences où le juge n’était pas préparé pour l’interrogatoire de l’accusé, le procureur a présenté une demande de supplément d’enquête à laquelle la défense s’est opposée. Le 15 mai 2023, le juge a infirmé les objections de la défense et a accepté la demande de l’accusation de poursuivre l’enquête sans préciser quel élément de l’affaire fera l’objet d’une enquête plus approfondie. Le juge a également ordonné à trois observateurs internationaux de missions étrangères de la Suisse, de l’ONU et des États-Unis de quitter le tribunal.
D’autres organisations de défense des droits humains et experts ont également condamné les actions ciblées contre Odhikar et ses dirigeants. Par exemple, en décembre dernier, des experts des Nations Unies en droits humains ont écrit une lettre au gouvernement du Bangladesh pour exprimer leur inquiétude face au harcèlement et à l’intimidation d’Odhikar et de M. Khan. Dans sa réponse, le gouvernement a accusé M. Khan de « [jouer] le rôle de victime en inventant une histoire mettant en cause des organismes d’application de la loi, des services de renseignement, etc. »
Ces réponses du gouvernement dénigrant Odhikar et ses dirigeants au lieu de s’attaquer aux violations des droits humains qu’ils ont dénoncées sont devenues routinières. Le 31 mars 2023, le ministre d’État des Affaires étrangères du Bangladesh, Shahriar Alam, a critiqué et remis en question la crédibilité du Rapport sur les pratiques des pays en matière de droits de la personne publié par le département d’État américain en 2022 sur le Bangladesh, qui fait référence aux représailles contre Odhikar. M. Alam a affirmé que les rapports fondés sur les travaux d’Odhikar manquaient de crédibilité, car l’organisation n’est pas enregistrée au Bangladesh.
Nous rappelons au gouvernement du Bangladesh qu’une organisation n’a pas à être enregistrée ou à avoir une licence pour exercer ses droits à la liberté d’expression et d’association conformément aux obligations internationales et nationales du pays en matière de droits humains. Odhikar est une organisation réputée qui défend les droits humains et la démocratie au Bangladesh depuis 28 ans. Grâce à sa collaboration de longue date avec l’ONU et diverses organisations internationales et régionales de droits humains, Odhikar continue de fournir des informations fiables sur les violations des droits humains dans tout le pays. Quel que soit le statut de son enregistrement, Odhikar conserve le droit de s’associer librement et de poursuivre son travail en faveur des droits humains.
Salir Odhikar et ses dirigeants n’est qu’un exemple dans le contexte troublant où les autorités refusent de reconnaître leurs violations des droits humains et font taire ceux qui les dénoncent. Le gouvernement du Bangladesh doit garantir un environnement favorable aux organisations, s’attaquer aux violations signalées et tenir les auteurs responsables de leurs actes.
Nous condamnons la criminalisation de M. Khan et de M. Elan et exhortons le gouvernement à abandonner immédiatement et sans condition toutes les accusations portées contre eux. Nous réitérons qu’il est nécessaire d’assurer et de favoriser l’espace civique pour que la démocratie fonctionne, surtout avant les élections générales de janvier 2024.
Signé :
Amnesty International
AfricanDefenders (Pan African Human Rights Defenders Network)
Anti-Death Penalty Asia Network (ADPAN)
Asia Alliance Against Torture (A3T)
Asian Human Rights Commission (AHRC)
Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD)
Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
Bir Duino, Kirghizstan
Bytes for All (B4A), Pakistan
Capital Punishment Justice Project (CPJP)
Center for Constitutional Governance (CCG)
Center for Human Rights and Development (CHRD), Mongolie
Centre for the Sustainable Use of Natural and Social Resources (CSNR), Inde
CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)
La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
Front Line Defenders
Indonesia Legal Aid Foundation – Yayasan Lembaga Bantuan Hukum Indonesia (YLBHI)
INFORM Human Rights Documentation Centre (INFORM), Sri Lanka
International Coalition Against Enforced Disappearances (ICAED)
International Legal Initiative Public Foundation (ILI Foundation), Kazakhstan
International Service for Human Rights
Karapatan Alliance Philippines (KARAPATAN), Philippines
Law and Society Trust (LST), Sri Lanka
Martin Ennals Foundation
Medical Action Group (MAG), Philippines
National Commission for Justice and Peace (NCJP), Pakistan
Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
People’s Solidarity for Participatory Democracy (PSPD), Corée du Sud
Philippine Alliance of Human Rights Advocates (PAHRA)
Robert F. Kennedy Human Rights
Task Force Detainees of the Philippines (TFDP)
The Advocates for Human Rights
The Maldivian Democracy Network (MDN)
Think Centre, Singapour
Women’s Rehabilitation Centre (WOREC), Nepal