Déclaration à l’occasion du 20e anniversaire de la détention au secret du journaliste et défenseur des droits humains suédois-érythréen Dawit Isaak
C’est avec un profond regret que Front Line Defenders constate qu’aujourd’hui, le 23 septembre 2021, cela fait 20 ans que le journaliste et défenseur des droits humains suédois-érythréen primé, Dawit Isaak, est détenu au secret en Érythrée1. Deux décennies plus tard, il est clair que les efforts diplomatiques pour obtenir la libération du défenseur par la Suède et d’autres sont tombés dans l’oreille d’un sourd.
Le 23 septembre 2001, les forces de sécurité érythréennes ont arbitrairement arrêté Dawit Isaak, sans charge ni procès, ainsi qu’au moins dix autres journalistes indépendants. Il avait été libéré de façon inattendue en 2005 pour des traitements médicaux, mais il avait de nouveau été arrêté deux jours plus tard et l’on est sans nouvelles de lui depuis. On ignore dans quel état est le défenseur des droits humains et l’endroit où il se trouve (bien que certains pensent que depuis 2008 il était détenu dans la prison à sécurité maximale d’Eiraeiro, à l’extérieur de la capitale, Asmara, et qu’en 2020, il a été transféré à l’hôpital pour y être soigné, puis transféré dans un lieu de détention inconnu). Il n’a eu aucun contact avec des proches, aucun accès aux agents consulaires suédois et aucun recours à un avocat.
En 1993, lorsque l’Érythrée a finalement obtenu son indépendance de l’Éthiopie, Dawit Isaak est revenu de Suède dans son pays d’origine et a commencé à travailler pour Setit, le premier journal indépendant en Érythrée — une publication dont il est ensuite devenu co-propriétaire. C’était un critique virulent du régime autoritaire qui a émergé dans le pays après l’indépendance. Le 9 septembre 2001, un groupe de politiciens connu sous le nom de « G15 » a publié une série de lettres ouvertes dans lesquelles ils critiquaient le président Afwerki et réclamaient des réformes démocratiques. Cette lettre a suscité une série d’éditoriaux sur les droits humains, la démocratie et la guerre frontalière avec l’Éthiopie. Quelques jours plus tard, le président Afewerki a lancé une répression dévastatrice contre ces voix dissidentes, arrêtant de hauts responsables, interdisant la presse et emprisonnant des journalistes et d’autres critiques. Dawit Isaak a été arrêté avec dix autres journalistes et huit journaux indépendants ont été fermés.
Aujourd’hui, 20 ans après son arrestation, Dawit Isaak est toujours détenu au secret sans inculpation ni procès. La dernière « preuve de vie » remonte à 2010, lorsqu’un ancien gardien de prison a signalé que le défenseur était maintenu dans des conditions exposées à une « chaleur terrible ». Les conditions de détention en Érythrée sont notoirement dures, avec un mauvais assainissement et un accès inadéquat aux soins médicaux, et sept de ses collègues seraient morts en détention en raison des conditions difficiles et des mauvais traitements.
L’incarcération continue de Dawit Isaak montre tragiquement le bilan lamentable de l’Érythrée en matière de droits humains et des engagements de la communauté internationale en faveur de ces droits. L’Érythrée est l’un des cinq pays africains candidats aux cinq sièges réservés aux pays africains au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (2022-2024). Ce siège comporte des engagements spécifiques en matière de droits humains. La communauté internationale doit aller au-delà de la rhétorique qui consiste à considérer les normes en matière de droits humains comme des critères d’engagement ; elle doit s’affirmer et insister pour que l’Érythrée démontre son engagement en libérant immédiatement et sans condition Dawit Isaak et tous les autres journalistes et défenseur-ses des droits humains détenus au secret dans le pays.
Front Line Defenders reconnaît que le Parlement européen a toujours appelé à la libération de Dawit Isaak et plus récemment a exhorté « Les autorités érythréennes à lui donner accès à des représentants de l’UE, des États membres et de la Suède afin d’établir ses besoins en matière de soins de santé et tout autre soutien nécessaire ». À ce stade, nous exhortons la Suède à mener une campagne vigoureuse, avec d’autres États membres et institutions de l’UE, pour obtenir la libération du défenseur des droits humains, et envoyer un message très clair et public affirmant que sa libération immédiate est un élément clé pour le renforcement de la coopération entre l’UE et l’Érythrée. Il est grand temps de prendre des mesures diplomatiques plus ambitieuses et plus concrètes pour garantir la liberté de Dawit Issak.
1 En 2003, Dawit Isaak a reçu le Prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse. En 2011, il a reçu le Golden Pen of Freedom Award de la World Association of Newspapers. En 2017, il a reçu le Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano 2017.