À propos de la situation du défenseur des droits humains Azimjan Askarov au Kirghizistan
Le 11 juin 2019, huit organisations internationales ont signé une lettre commune adressée aux autorités de l'UE (Federica Mogherini, haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité / vice-présidente de la Commission européenne ; Peter Burian, représentant spécial de l'Union européenne pour l'Asie centrale ; Eamon Gilmore, représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, Service européen d'action extérieure), à propos de la situation du défenseur des droits humains emprisonné Azimjan Askarov.
Nous, les organisations internationales des droits humains soussignées, vous écrivons pour vous faire part de nos plus vives préoccupations à propos de l'emprisonnement injustifié d'Azimjan Askarov et de la détérioration de son état de santé, mais aussi pour vous exhorter à plaider auprès du gouvernement kirghize afin qu'il soit immédiatement libéré et transféré dans un pays tiers sûr afin d'être soigné.
Comme vous le savez, Azimjan Askarov, 68 ans, est un défenseur des droits humains et un journaliste qui, en septembre 2010, a été injustement inculpé et condamné à la prison à vie pour son rôle présumé dans les violences interethniques dans le sud du Kirghizistan en juin 2010. Il a été reconnu coupable de participation à des troubles de masse, d'incitation à la haine ethnique et de complicité dans le meurtre d'un policier tué lors des troubles. L'enquête et le procès portant sur les crimes présumés ont été entachés de vices de procédure et les normes des procès équitables n'ont pas été respectées ; ils ont été menés dans une atmosphère hostile où des proches du policier décédé ont intimidé et attaqué les accusés, leurs avocats et les membres de leur famille. Les allégations crédibles de M. Askarov, selon lesquelles il aurait été torturé en détention provisoire, n’auront jamais fait l’objet d’une enquête. Son verdict de culpabilité a été confirmé en appel, notamment par la Cour suprême.
En mars 2006, le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies a conclu qu'Azimjan Askarov avait été arrêté arbitrairement, détenu dans des conditions inhumaines, torturé et soumis à d'autres formes de mauvais traitements sans réparation et qu'il n'avait pas bénéficié d'un procès équitable. La décision notait que le Kirghizistan avait "violé les droits de l’auteur énoncés à l’article 14-3-e du Pacte". Le Comité a appelé le Kirghizistan à prendre les mesures appropriées pour libérer immédiatement M. Askarov et annuler sa condamnation. Bien que la décision ait entraîné un réexamen judiciaire de son affaire, en janvier 2017, le tribunal de Bichkek a rendu le même verdict qu'avant. Azimjan Askarov est toujours incarcéré et purge une peine de prison à perpétuité.
Dans une déclaration faite en avril 2016, l’Union européenne (UE) a appelé le Kirghizistan à "appliquer pleinement" la décision du Comité. Plus récemment, en janvier 2019, le Parlement européen a adopté une résolution sur l'accord global UE-Kirghizistan appelant à la libération immédiate d'Azimjan Askarov et à sa réhabilitation complète, ainsi qu'à l'annulation de sa condamnation par le Kirghizistan.
Le 18 mars 2019, M. Askarov a été transféré du centre de détention provisoire SIZO-1 de Bichkek vers la colonie pénitentiaire n°19, située à environ une heure de Bichkek, dans la région de Chuy.
Selon l’un de ses avocats, qui a rendu visite à M. Askarov en prison le 10 avril, "la santé d’Azimjan Askarov s’est considérablement détériorée. Azimjan a perdu du poids, il tousse tout le temps. Il a une toux sèche et parfois il a du mal à reprendre sa respiration. Azimjan s'est plaint que ses jambes sont très froides et que rien n'y fait - ni les chaussettes, les chaussures ou le chauffage. Il a cessé de boire des liquides pour réduire le nombre de fois où il doit se rendre aux toilettes". Son avocat a expliqué que si M. Askarov devait rester debout pendant de longues périodes, par exemple lors d'une vérification de sa cellule effectuée quotidiennement par les responsables de la prison, il se sent étourdi et pris de vertige. Son avocat a également noté qu'il lui est également difficile de respirer.
Nous sommes extrêmement préoccupés par le déni de justice qui persiste actuellement pour notre collègue emprisonné, la détérioration de son état de santé et la qualité des soins médicaux dont il dispose dans la prison numéro 19.
Azimjan Askarov a déjà purgé neuf ans de prison après une condamnation prononcée à l'issue d'un procès fondamentalement vicié et inéquitable. La justice n'a jamais été rendue dans son cas. Son maintien en détention est une tache majeure sur le bilan du Kirghizistan en matière de droits humains. Il convient de s’attaquer à ce problème avant que l’UE approfondisse sa coopération avec les autorités du pays.
Avant la visite de la Haute représentante Mogherini en Asie centrale à l'occasion de la réunion ministérielle UE-Asie centrale en juillet, nous vous demandons instamment de faire tout votre possible pour aider Azimjan Askarov à être libéré, à bénéficier immédiatement des soins médicaux dont il a grandement besoin, et à pouvoir retrouver avec sa famille dans un pays tiers sûr.
Nous vous remercions de votre attention immédiate sur cette question urgente.
Sincères salutations,
Amnesty International
Civil Rights Defenders
Committee to Protect Journalists
Front Line Defenders
Human Rights Watch
International Federation for Human Rights
International Partnership for Human Rights
Norwegian Helsinki Committee