La condamnation des leaders du Mouvement des Parapluies menace le droit à la liberté de rassemblement et d'expression à Hong Kong
Le 24 avril 2019, huit des neuf défenseur-ses des droits humains qui dirigeaient le mouvement pro-démocratie des Parapluies à Hong Kong ont été condamnés à des peines de prison. La condamnation de ces défenseur-ses des droits humains repose sur des accusations qui n'avaient jamais été portées contre des manifestants pacifiques à Hong Kong, telles que "l'incitation à troubler l'ordre public". Cela envoie un message alarmant sur l’attitude du territoire à l’égard de la démocratie et des droits humains, et menace le droit à la liberté de réunion et d’expression à Hong Kong.
Le Mouvement des Parapluies, également connu sous le nom de Mouvement Occupy Central, était un important mouvement de désobéissance civile pro-démocratie, qui a paralysé des quartiers clés de la ville pendant 79 jours consécutifs du 28 septembre au 15 décembre 2014. Plus de 100 000 manifestants pacifiques sont descendus dans les rues pour protester contre l'obligation, pour les candidats au poste de chef du gouvernement de Hong Kong lors des élections de 2017, d'être exclusivement approuvés par un comité de 1 200 personnes favorable à Pékin. Les manifestants estimaient que l'obligation imposée par l'administration centrale de Pékin bafouait le droit au "véritable suffrage universel", garanti par la constitution de Hong Kong et promis au peuple hongkongais lors de la passation du territoire en 1997, du Royaume-Uni à la Chine.
Les neuf défenseur-ses des droits humains qui ont mené le Mouvement des Parapluies sont Benny Tai Yiu-ting, professeur de droit à l'Université de Hong Kong ; Chan Kin-man, professeur de sociologie à l'Université chinoise de Hong Kong ; Chu Yiu-ming, pasteur de l'église baptiste Chai Wan ; Raphael Wong Ho-ming, qui dirige la Ligue des sociaux-démocrates ; Shiu Ka-chun, travailleur social et membre du Conseil législatif de Hong Kong ; Lee Wing-tat, ancien membre du Conseil législatif de Hong Kong ; Tanya Chan Suk-chong, membre du Conseil législatif de Hong Kong ; Eason Chung Yiu-wa et Tommy Cheung Sau-yin, tous deux anciens dirigeants de syndicats d'étudiants.
Le procès des neuf défenseur-ses a duré 20 jours et s'est déroulé du 19 novembre 2018 au 14 décembre 2018 au tribunal de première instance de West Kowloon. Le 9 avril 2019, ils ont été condamnés pour diverses infractions notamment "trouble de l'ordre public" et "incitation à troubler l'ordre public". Les partisans des défenseur-ses des droits humains estiment que le tribunal a utilisé l'infraction de "trouble de l'ordre public", qui relève du droit commun, car elle permet des peines plus lourdes que celles prévues par le droit statutaire.
Le 24 avril 2019, le tribunal a condamné les neuf défenseurs. Les trois fondateurs du mouvement, Benny Tai Yiu-ting, Chan Kin-man et Chu Yiu-ming, ont chacun été condamnés à 16 mois de prison pour "conspiration en vue de commettre un trouble à l'ordre public", mais le tribunal a prononcé une peine de deux ans de prison avec sursis contre Chu Yiu-ming en raison de son âge avancé et de sa contribution antérieure à la société. Benny Tai Yiu-ting et Chan Kin-man ont également été condamnés à une peine supplémentaire de huit mois de prison, qu'ils devront purger simultanément avec leur autre peine, pour "conspiration en vue de commettre un trouble à l'ordre public".
Les six autres défenseur-ses des droits humains ont tous été condamnés pour "conspiration en vue de commettre un trouble à l'ordre public" et "incitation à troubler l'ordre public", à l'exception de Lee Wing-tat, qui n'a été reconnu coupable que de la première accusation. Shiu Ka-chun et Raphael Wong Ho-ming ont été condamnés à une peine de huit mois de prison, à purger immédiatement. Eason Chung Yiu-wa et Lee Wing-tat ont également été condamnés à huit mois de prison, mais leur peine a été suspendue pour deux ans en raison de leur jeune âge et de leur contribution passée à la société, respectivement.
Tommy Cheung Sau-yin a été condamné à 200 heures de service communautaire dans un délai d’un an, tandis que la condamnation de Tanya Chan Suk-chong a été reportée au 10 juin 2019 en raison de son état de santé.
Bien que la politique "un pays, deux systèmes", appliquée depuis le transfert de 1997, permette à Hong Kong de disposer de son propre gouvernement autonome, libre de toute influence de l'administration de Pékin, au fil des années, le gouvernement central s'affirme de plus en plus sur le territoire. Les représailles contre les défenseur-ses des droits humains, favorables à la démocratie, marquent non seulement un nouveau recul pour le droit à la liberté de réunion et d’expression à Hong Kong, mais également l’influence croissante de Pékin sur le gouvernement local.
Ces représailles, les plus sévères depuis la condamnation de trois leaders étudiants et défenseurs des droits humains pro-démocratie (Alex Chow Yong-kang, Nathan Law Kwun-chung et Joshua Wong Chi-fung) en août 2017, accentuent également la diminution de l'espace de la société civile à Hong Kong. Comme l'ont souligné le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseur-ses des droits humains, ce n'est pas un hasard si cette détérioration de la liberté d'expression et de réunion s'est produite parallèlement au "resserrement du contrôle de la région par les autorités du continent".
Front Line Defenders fait part de ses profondes préoccupations quant à la condamnation des défenseur-ses des droits humains ainsi que concernant les représailles en cours à l'encontre de ceux qui luttent pour la démocratie à Hong Kong, conformément à la constitution qui régit le territoire, la loi fondamentale de Hong Kong. Front Line Defenders est également préoccupée par l'effet paralysant de ces condamnations sur le droit à la liberté de réunion et d'expression, et exhorte les autorités de Hong Kong à libérer immédiatement et sans condition les défenseur-ses des droits humains.