Back to top
12 Janvier 2017

Des groupes de DDH réclament justice autour de la torture de Mehman Huseynov en Azerbaïdjan

Les organisations soussignées condamnent fermement l'enlèvement et la torture du journaliste azéri Mehman Huseynov et appellent les autorités d'Azerbaïdjan à lancer immédiatement une enquête sur cette affaire avec pour objectif de traduire en justice les responsables. Il convient en outre que la condamnation de Mehman Huseynov soit infirmée et l'interdiction de voyager qui pèse sur lui levée. Nous appelons également les autorités d'Azerbaïdjan à relâcher sans attendre et sans condition tous les journalistes, blogueurs et militants actuellement en prison dans le pays pour le seul motif de l'exercice de leur liberté d'expression.

Mehman Huseynov compte parmi les blogueurs politiques les plus influents d'Azerbaïdjan. Il préside aussi le principal groupe de défense de la liberté de la presse du pays, l'Institut pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS, de son sigle anglais). Il a été enlevé dans le centre de Bakou vers 20 h ce lundi 9 janvier dernier. Il a été embarqué de force dans un véhicule par des assaillants non-identifiés puis conduit en un lieu inconnu. Ce n'est que mardi en début d'après-midi qu'il est apparu qu'il avait été appréhendé par des agents de police non-identifiés.

Le 10 janvier, Mehman Huseynov a été traduit devant le tribunal de quartier de Nasimi, où il a été jugé pour désobéissance aux forces de l'ordre (article 535.1 du code des infractions administratives), infraction passible d'une peine allant jusqu'à 30 jours de prison. Le tribunal l'a toutefois relâché après lui avoir infligé une amende de 200 AZN (environ 100 EUR).

Mehman Huseynov affirme avoir été torturé alors qu'il se trouvait entre les mains de la police. Il rapporte avoir été maintenu des heures durant dans le véhicule, les yeux bandés et un sac sur la tête pour l'empêcher de respirer. Il rapporte également avoir subi des chocs électriques à ce même moment. À son arrivée au poste de police de Nasimi, il a perdu connaissance et s'est effondré. Une ambulance a été appelée ; on lui a alors injecté des antidouleurs et des calmants. Ses avocats confirment que ses blessures étaient bien visibles lors de son procès. Le tribunal a ordonné que le bureau du procureur de Nasimi lance une enquête sur les allégations de torture de Mehman Huseynov.

« Nous condamnons fermement cet acte de torture et souhaitons à Mehman Huseynov de se remettre rapidement, » a déclaré Gulnara Akhundova, directrice à International Media Support. Toutes les poursuites visant Mehman Huseynov doivent être abandonnées sans condition et les responsables de cette torture doivent être jugés de manière impartiale et indépendante, de même que les personnes ayant commandité ces actes. »

« Le fait que Mehman Huseynov ait été condamné de désobéissance aux forces de l'ordre pour avoir refusé de monter dans la voiture de ses ravisseurs dépasse l'entendement. Nous savons que les autorités azéries ont l'habitude fâcheuse de monter de toutes pièces des accusations contre les militants et les écrivains. Sa condamnation doit être immédiatement infirmée, » s'est indigné Salil Tripathi, qui préside PEN International et son Comité des écrivains en prison.

« C'est la preuve, une fois de plus, de la répression perpétuelle contre les journalistes en Azerbaïdjan, et c'est pourquoi RSF considère Aliyev comme un bourreau de la liberté de la presse. Comme des dizaines d'autres journalistes, Mehman Huseynov est sous le coup d'une interdiction de voyager pour raisons politiques. S'il a été relâché, il reste en danger. La communauté internationale doit agir maintenant pour le protéger, lui et d'autres voix qui s'élèvent en Azerbaïdjan, » a lancé Johann Bihr, directeur du bureau de RSF pour l'Europe de l'Est et l'Asie centrale.

La famille et les collègues de Mehman Huseynov ont eu beau contacter la police après sa disparition le 9 janvier 2017, ils n'ont pas été informés de son arrestation avant le début d'après-midi du lendemain, lorsqu'il a été amené au tribunal. C'est pourquoi les organisations soussignées considèrent l'enlèvement de Mehman Huseynov comme une disparition forcée telle que définie par le droit international, à savoir l'arrestation ou la détention d'un individu par des fonctionnaires ou leurs agents, suivie du refus de reconnaître cette privation de liberté et de dévoiler où se trouve l'individu en question ou ce qui lui est arrivé. Le Groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires souligne régulièrement qu'il n'y a pas de durée minimale à une disparition forcée. En tant que signataire de la Convention internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ICPPED), l'Azerbaïdjan est tenu de bannir tout acte allant à l'encontre des objectifs et de la mission de l'ICPPED.

En dépit de la libération de prisonniers politiques en mars 2016, la persécution des plumes critiques du pouvoir s'est accélérée ces derniers mois en Azerbaïdjan. Des dizaines de journalistes et de militants se trouvent actuellement derrière les barreaux pour le seul exercice du droit à la liberté d'expression.

« Le gouvernement a cherché à réduire à néant la société civile et les médias d'Azerbaïdjan tout en nouant des relations avec les pays occidentaux pour obtenir des contrats juteux sur le pétrole et le gaz, » avance Katie Morris, directrice du programme pour l'Europe et l'Asie centrale à ARTICLE 19.

« Le gouvernement libère un journaliste tel jour, pour en arrêter ou harceler d'autres dès le lendemain, suscitant un climat de peur visant à dissuader les gens de s'exprimer. La communauté internationale doit condamner sans équivoque ce comportement et faire pression pour une réforme du système, » ajoute-t-elle.

« Il faut mettre un terme au sentiment d'impunité concernant les agressions de journalistes et de défenseurs des droits humains en Azerbaïdjan, dont le cas de Mehman Huseynov est un triste exemple. La communauté internationale doit agir véritablement contre ce climat d'impunité et prendre des mesures concrètes, à travers le Conseil de l'Europe et le Conseil des Droits de l'Homme des Nations unies, pour garder un œil sur la situation des droits humaines en Azerbaïdjan et obliger les autorités à tenir leurs engagements à cet égard, » propose Ane Tusvik Bonde, responsable régionale pour l'Europe de l'Est et le Caucase à la Human Rights House Foundation.

Les organisations soussignées appellent les autorités à faire le nécessaire pour mettre fin au cercle vicieux de l'impunité pour les violations répétées des droits humains dans le pays.

Nous demandons à la communauté internationale de reconsidérer sans attendre ses relations avec l'Azerbaïdjan en insistant sur la prise en compte systématique des droits humains dans toute négociation en cours avec le gouvernement. Agir concrètement et immédiatement est essentiel pour que le pays prenne ses responsabilités au regard de ses obligations internationales et lance une réforme de sa législation et de ses pratiques en matière de droits humains.

Organisations solidaires :

ARTICLE 19
Civil Rights Defenders
English PEN
FIDH - Fédération internationale des droits de l'Homme
Front Line Defenders
Helsinki Foundation for Human Rights
Human Rights House Foundation
IFEX
Index on Censorship
International Media Support
International Partnership for Human Rights
NESEHNUTI
Netherlands Helsinki Committee
Norwegian Helsinki Committee
PEN America
PEN International
People in Need
Reporters sans frontières
Organisation mondiale contre la Torture (OMCT)