RAPPORT : Des défenseur⸱ses des droits humains et des journalistes jordaniens piratés avec le logiciel espion Pegasus
Une enquête médico-légale numérique menée par Front Line Defenders et Citizen lab a révélé l'installation du logiciel espion Pegasus sur les appareils mobiles de quatre défenseur⸱ses des droits humains jordaniens, dont une défenseuse, avocate et journaliste. L’analyse médico-légale numérique des téléphones des défenseur⸱ses des droits humains ont permis d’identifier deux opérateurs de Pegasus qui, selon nous, sont probablement des agences du gouvernement jordanien. Les personnes affectées sont tous des défenseur⸱ses des droits humains qui luttent contre la corruption en Jordanie.
Ces résultats s’appuient sur des rapports antérieurs de Front Line Defenders qui ont trouvé des infections par le logiciel espion Pegasus sur un certain nombre d’appareils mobiles de défenseur⸱ses des droits humains, y compris sur le téléphone de Hala Ahed Deeb, avocate jordanienne et défenseuse des droits humains. Les résultats ont été examinés par le laboratoire de sécurité d’Amnesty International.
Les résultats de notre rapport montrent que deux des quatre cibles ont été piratées par les opérateurs de Pegasus en Jordanie, par le biais de SMS contenant des liens vers Pegasus correspondant à un groupe de noms de domaine avec des thèmes jordaniens. L’iPhone de l’une des cibles a été piraté avec succès le 5 décembre 2021, ce qui montre que NSO Group est resté actif sur la plateforme d’Apple même après qu’Apple a poursuivi la société et informé les cibles de Pegasus en novembre 2021.
Deux opérateurs de Pegasus ont été identifiés, et nous avons des raisons de croire qu’ils sont probablement des agents du gouvernement jordanien. Le premier, MANSAF, est actif depuis au moins décembre 2018, et le deuxième, BLACKIRIS, est actif depuis au moins décembre 2020.
Les quatre victimes du dernier piratage sont :
Ahmed Al-Neimat, défenseur des droits humains, militant contre la corruption et membre du mouvement Hirak, un mouvement de protestation populaire pour la justice sociale en Jordanie qui milite pour des réformes et les droits humains. En 2018, les forces de sécurité jordaniennes ont interdit à Ahmed Al-Neimat de voyager et de travailler.
Malik Abu Orabi, avocat en droits humains, qui fait partie de l’équipe juridique qui défend le Syndicat des enseignants jordaniens.
Suhair Jaradat, défenseuse des droits humains et formatrice spécialisée dans le journalisme d’investigation ainsi que dans la rédaction éditoriale. Suhair Jaradat a reçu le Prix al-Hussein pour le journalisme créatif en 2018. Elle a été membre du Conseil du Syndicat des journalistes jordaniens et membre du Comité exécutif de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) à Bruxelles.
Une défenseuse des droits humains et journaliste jordanienne qui a choisi de rester anonyme en raison des risques auxquels elle pourrait être confrontée.
Suhair Jaradat et Malik Abu Orabi ont reçu des SMS contenant des liens vers les sites Web de Pegasus. Les sites Web correspondent à notre scan d’Internet pour les serveurs Pegasus, et semblent tous avoir été enregistrés par Dreamhost. Nous avons généralement observé différentes infrastructures des clients de Pegasus configurées avec différents fournisseurs d’hébergement.
Lors de la publication du rapport, Andrew Anderson, directeur exécutif de Front Line Defenders, a fait la remarque suivante :
« Cette recherche montre que les défenseur⸱ses des droits humains qui entreprennent un travail légitime et pacifique continuent d’être ciblés par les autorités locales dans la région MOAN avec des logiciels espions extrêmement intrusifs qui ont un impact terrible non seulement sur les individus, mais aussi sur leurs amis et leurs familles. »
Les défenseur⸱ses des droits humains en Jordanie opèrent dans un environnement restrictif et hostile. Depuis 2011, des vagues de protestations populaires ont éclaté alors que la frustration grandissante au sujet de la corruption du gouvernement et de l’écart grandissant entre les riches et les pauvres alimente le mécontentement.
Des enquêtes internationales récentes ouvertes dans le cadre des Pandora Papers ont confirmé des soupçons de corruption aux plus hauts niveaux de l’État, et en réponse à la protestation populaire, les autorités ont pris des mesures plus sévères pour réprimer les militants.
L’utilisation du logiciel espion Pegasus n’est qu’un aspect des mesures plus sévères prises contre les défenseur⸱ses des droits humains dans le but de surveiller celles et ceux qui œuvrent contre le maintien d’une société jordanienne corrompue. Le rapport fournit un contexte et des preuves aux conclusions de l’utilisation du logiciel espion Pegasus comme moyen de surveillance des défenseur⸱ses des droits humains en Jordanie.
Front Line Defenders exhorte :
1 Les autorités jordaniennes à arrêter de harceler les défenseur⸱ses des droits humains par le biais de la surveillance numérique et de tout autre moyen.
2. Apple à prendre des mesures plus efficaces pour identifier les logiciels espions et alerter ceux qui sont touchés par ceux-ci.
3. Dreamhost à prendre des mesures plus efficaces pour prévenir les abus par NSO/Pegasus et autres.
4 Les États à imposer un moratoire immédiat sur la vente de technologies de surveillance jusqu’à la mise en place d’un cadre juridique qui exige que les entreprises de technologies de surveillance exercent une diligence raisonnable efficace en matière de droits humains, ainsi que des mécanismes pour les tenir responsables de leurs impacts négatifs sur les droits humains.
Pour toute demande de renseignements ou entrevue avec Front Line Defenders, ou pour organiser des entretiens avec les défenseur⸱ses des droits humains, contactez :
Aisha Hamdulay
Assistante de communication
campaigns@frontlinedefenders.org