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6 Octobre 2022

Lettre ouverte : Rapport d’État sur l’application de la Convention contre la torture

Lettre ouverte

Monsieur le Secrétaire général Xi Jinping

Comité central du Parti communiste chinois

Zhongnanhai Ximen, Fuyou StreetXicheng District, Beijing 100017

République Populaire de Chine

Fax : +86 10 6307 0900 ; +11 10 6238 1025

Objet : Rapport d’État sur l’application de la Convention contre la torture

Monsieur le Secrétaire général,

Près de trois ans se sont écoulés depuis la date d’échéance (9 décembre 2019) du dernier rapport de la République populaire de Chine (RPC) au Comité des Nations Unies contre la torture. Nous vous écrivons au nom du peuple de la République populaire de Chine et des défenseur⸱ses des droits humains du monde entier pour vous demander de soumettre le rapport susmentionné sans plus tarder.

En ratifiant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (appelée ci-après la « Convention »), la RPC s’est engagée à présenter des rapports quadriennaux sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des dispositions du traité. Toutefois, le gouvernement de la RPC n’a pas présenté son sixième rapport périodique depuis son cinquième examen périodique en 2015. Au cours des deux dernières décennies, la RPC n’a soumis à temps aucun de ses rapports d’État partie au Comité contre la torture (ci-après le « Comité »). Depuis 2005*1, le gouvernement de la RPC n’a lancé aucune invitation au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants afin qu’il effectue une visite de suivi.

Dans ses observations finales sur le cinquième rapport périodique de la République populaire de Chine publié en 2016, le Comité avait demandé à l’État partie de présenter son sixième rapport périodique au plus tard le 9 décembre 2019*2 et avait réitéré ses préoccupations au sujet de la torture et des mauvais traitements perpétrés pendant les périodes de détention préventive extrajudiciaire*3 ; les disparitions forcées sous prétexte de « résidence surveillée dans un lieu désigné » *4 ; et des décès qui surviennent en détention5. En réitérant ses recommandations précédentes*6 à la RPC pour inclure une définition globale de la torture dans sa législation, le Comité a exprimé son inquiétude, car « de graves divergences entre la définition de la Convention et celle intégrée au droit interne créent des failles réelles ou potentielles permettant l’impunité »*7.

En outre, la RPC n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif de la Convention, bien qu’elle ait reçu de nombreuses recommandations* 8 du Comité afin de retirer toutes ses réserves et déclarations vis-à-vis de la Convention* 9.

Un tel refus de remplir ses obligations internationales implique que la RPC cherche à se soustraire à sa responsabilité de protéger les droits humains sur son territoire. Cette justification peut être étayée par d’innombrables témoignages de cas de torture dans des établissements de détention extrajudiciaire et provisoire au Tibet, de Ouïghours au Turkistan* 10 et de Chinois Han, car des pouvoirs discrétionnaires et extrajudiciaires sont accordés à la police et aux agences de sécurité pour nier les droits humains fondamentaux des détenus politiques.

De nombreux prisonniers politiques, y compris des défenseur⸱ses des droits humains, continuent de mourir des suites de la torture et des mauvais traitements infligés par la police et les agents de sécurité de l’État. Au Tibet, ce phénomène s’est illustré par les cas de Norsang en 2019*11, et de Lhamo* 12 en 2020. Pour éviter d’être tenues responsables de décès en détention, les autorités pénitentiaires tendent à libérer les détenus lorsqu’ils sont proches de la mort, comme pour les cas de Gangbu Rikgye Nyima* 13, libéré un an plus tôt en mauvaise santé ; Gendun Sherab14, décédé en 2020 à la suite de blessures dues à la torture ; Choekyi* 15, décédé en 2020 après avoir été libéré cinq mois plus tôt ; Tenzin Nyima16, qui a été libéré plus tôt dans un état comateux et qui est décédé peu après ; et Kunchok Jinpa* 17, décédé en 2021 après avoir été transféré à l’hôpital au milieu de sa peine. Au Turkistan oriental, les Ouïghours sont arrêtés par la police chinoise et détenus contre leur gré dans de grands camps d’internement (« rééducation ») où ils sont soumis à des détentions arbitraires, des disparitions forcées, à un endoctrinement politique, à la torture et à d’autres violations graves de leurs droits* 18. De façon générale, en refusant de soumettre le rapport de l’État partie, la RPC se protège des critiques externes et de l’examen qui s’ensuivraient.

En outre, la négligence de la RPC affaiblit les mécanismes internationaux de responsabilisation et de surveillance essentiels au fonctionnement des Nations Unies. À cet égard, le refus de la RPC de se conformer aux règles qu’elle a volontairement acceptées (en signant et en ratifiant la Convention) entrave la lutte pour les droits humains à l’échelle mondiale. Les retards importants pour soumettre ce rapport d’État partie sapent la capacité de la Chine à lutter efficacement contre les graves violations des droits humains.

Sincères salutations,

Tibetan Centre for Human Rights and Democracy

Chinese Human Rights Defenders (CHRD)

Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

World Uyghur Congress (WUC)

Front Line Defenders

Uyghur Human Rights Project (UHRP)

CIVICUS

Human Rights in China (HRIC)

Southern Mongolian Human Rights Information Center (SMHRIC)

Asian Dignity Initiative (ADI)

Copié à:

Mr. Claude Heller, ChairpersonCommittee Against Torture

Mr. Volker Türk,UN High Commissioner on Human Rights

Ms Alice Jill Edwards,Special Rapporteur on Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment

Zhang Jun,PRC’s Permanent Representative to the UN

Wang Yi,Foreign Minister, People’s Republic of China

References

1 E/CN.4/2006/6/Add.6.

2 CAT/C/CHN/CO/5, para. 66.

3 CAT/C/CHN/CO/5, para. 10.

4 CAT/C/CHN/CO/5, para. 15.

5 CAT/C/CHN/CO/5, para. 24.

6 CAT/C/CHN/CO/4, paras. 32 and 33, and A/55/44, para. 123.

7 CAT/C/CHN/CO/5, para. 9.

8 A/55/44, para.124, and CAT/CO/CHN/4, para. 40.

9 CAT/C/CHN/CO/5, para. 64.

10 “Concentration Camps in China for Uyghurs and other Turkic Muslims”, Uyghur Human Rights Project, 26 January 2019, https://uhrp.org/report/briefing-concentration-camps-china-uyghurs-and-o....

11 “Investigate death of Tibetan man detained for opposing China’s forced political education”, Tibetan Centre for Human Rights and Democracy, 5 May 2021, https://tchrd.org/investigate-death-of-tibetan-man-detained-for-opposing....

12 “China: Tibetan Woman Dies in Custody”, Human Rights Watch, 29 October 2020,

https://www.hrw.org/news/2020/10/29/china-tibetan-woman-dies-custody.

13 “Tibetan Protester Released Early from Prison in Critical Condition”, Radio Free Asia, 3 March 2021,

https://www.rfa.org/english/news/tibet/health-03032021173252.html.

14 “Tibetan Monk Dies After Living Two Years with Torture Injuries Sustained in Custody”, Radio Free Asia, 24 April 2020, https://www.rfa.org/english/news/tibet/gendun-sherab-04242020150923.html.

5 “China: Investigate Untimely Death of Former Political Prisoner due to Denial of Medical Care”, Tibetan Centre for Human Rights and Democracy, 8 May 2020, https://tchrd.org/china-investigate-untimely-death-of-former-political-p....

6 “China: Tibetan Monk Dies from Beating in Custody”, Human Rights Watch, 21 January 2021,

https://www.hrw.org/news/2021/01/21/china-tibetan-monk-dies-beating-custody.

7 “China: Tibetan Tour Guide Dies from Prison Injuries”, Human Rights Watch, 16 February 2021,

https://www.hrw.org/news/2021/02/16/china-tibetan-tour-guide-dies-prison....

8 “Internment Camps”, World Uyghur Congress, 1 August 2017,

https://www.uyghurcongress.org/en/political-indoctrination-camps.