Lettre ouverte: À l'Union européenne et ses États membres au sujet de la situation inquiétante des droits humains au Honduras en période post-électorale
Des réseaux européens et des organisations internationales de défense des droits humains manifestent leurs vives préoccupations concernant l'usage disproportionné de la force, parfois meurtrière, par les forces de sécurité de l'État contre les manifestants, ainsi que les autres attaques contre les défenseur-ses des droits humains, dans le contexte de la crise post-élections au Honduras. Nous appelons l'Union européenne à condamner ces incidents, à publiquement soutenir les défenseur-ses, et à demander à l'État hondurien qu'il garantisse le respect total de ses obligations internationales en matière de droits humains.
Les élections législatives ont eu lieu le 26 novembre 2017 au Honduras. Quatre semaines plus tard, le 18 décembre, Juan Orlando Hernández (Parti national du Honduras) a été déclaré président par le tribunal suprême électoral (TSE). Pendant le processus électoral, la Mission d'observation de l'UE (MOE-EU) et la Mission d'observation électorale de l'Organisation des États américains (MOE -OEA ont constaté des irrégularités, ce qui a conduit le secrétaire général de l'OEA à appeler à la tenue de nouvelles
élections.
Depuis le 27 novembre, de nombreuses manifestations ont lieu dans tout le pays pour réclamer un processus électoral transparent et des résultats crédibles. En guise de réponse, le 1er décembre 2017, le gouvernement
Hondurien a lui-même déclaré l'état d'urgence et a décrété une suspension temporaire des garanties constitutionnelles. Depuis, les organisations de défense des droits humains ont recensé 30 assassinats, dont 21 perpétrés par la Policía Militar de Orden Público - PMOP (police militaire pour l'ordre public), près de 232 blessés et 1085 personnes arrêtées. Jusqu'au 4 janvier 2018, 24 morts violentes ont été enregistrées par le Directeur des médecins légistes du parquet. À ce jour, les organisations de défense des droits humains ne savent pas si le parquet a ouvert des enquêtes appropriées sur ces affaires.
Le Haut commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU au Honduras a documenté en son nom plus de 50 affaires d'actes d'intimidation et de harcèlement contre des défenseur-ses des droits humains et des journalistes. Cela a poussé la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) et le Haut commissariat à adresser une lettre ouverte à l'État Hondurien pour lui demander de garantir le droit de manifester pacifiquement et de respecter tous les droits fondamentaux. Cet appel a aussi été réclamé par plusieurs organisations internationales de la société civile.
Compte tenu des tensions persistantes depuis les élections et leur impact sur les droits humains, le gouvernement a annoncé la création d'un Secrétariat aux droits humains, une entité distincte de l'actuel Secrétariat aux droits humains, à la justice, à la gouvernance et à la décentralisation du gouvernement de la République du Honduras. La nouvelle agence est en fonction depuis le 27 janvier 2018.
Toutefois, l'usage disproportionné de la force par les forces de sécurité de l'État, les attaques contre les défenseur-ses des droits humains et l'absence de réponse de la part des structures institutionnelles, ainsi que
l'incertitude concernant l'application des normes internationales dans de nombreux secteurs durant les processus électoraux (en 2009, 2013 et 2017), entrainent une méfiance au sein de la population
concernant les principes de la démocratie, de l'état de droit et des institutions honduriennes.
Dans le cadre des relations avec le Honduras et la politique étrangère relative aux droits humains, nous exhortons l'Union européenne à:
- Faire une déclaration publique au plus haut niveau qui:
- Reconnait le travail des défenseur-ses des droits humains et fait part de ses préoccupations vis à vis des évènements qui se sont déroulés après les élections;
- Appeler la République du Honduras à ne pas faire un usage excessif de la force contre la population et de respecter le droit des citoyens de manifester et de s'exprimer librement;
- Demander à la République du Honduras d'enquêter immédiatement et avec diligence sur les actes de violence signalés, dans le but d'identifier les coupables présumés.
- Exhorter le gouvernement du Honduras à inclure les témoignages des victimes et des défenseur-ses des droits humains dans toute initiative de dialogue visant à résoudre la crise et à dévoiler la vérité sur les évènements qui ont eu lieu dans le contexte électoral.
- Demander à la République du Honduras de collaborer avec les missions d'observation des droits humains menées par des organisations de défense des droits humains internationales et régionales.
Par ailleurs, dans le cadre de la coopération visant à renforcer le système judiciaire (Eurojusticia) et des Orientations sur les défenseur-ses, nous appelons la délégation de l'Union européenne au Honduras et les ambassades des pays européens dans le pays à:
- Officiellement demander des informations aux Ministres de la Sécurité et de la Défense sur les protocoles actuellement appliqués lors des manifestations, et réclamer des informations sur les mesures prises pour garantir que les enquêtes sur des incidents soient rapides et efficaces pour identifier les personnes responsables et qu'elles soient traduites en justice.
- Adopter les mesures nécessaires pour que le soutien de l'UE aux défenseur-ses soit visible, pour participer à un nouveau discours public qui reconnait leur travail et garantit un environnement sûr dans lequel ils peuvent exercer leurs fonctions.
- Promouvoir un espace favorable au travail des défenseur-ses, pour entre autres: faciliter une rencontre entre le Système de Protection Nationale et ses bénéficiaires afin de garantir une réponse efficace, appropriée et urgente dans ce contexte.
- Continuer à promouvoir des espaces participatifs pour le dialogue politique et des consultations régulières avec les organisations de la société civile, notamment le mécanisme d'échange avec la société civile sur les questions relatives aux droits humains - "Groupo Enlace".
Nous demandons au Parlement européen et aux parlements nationaux des pays de l'Union Européenne, de surveiller la situation des droits humains et, si nécessaire, d'adopter une résolution parlementaire sur la situation des droits humains, et de promouvoir les opportunités de dialogue avec les organisations de la société civile.
SIGNÉ
EU-LAT Network, Advocacy Network Europe-Latin America (former CIFCA and Grupo Sur)
PROTECTION INTERNATIONAL
FRONTLINE DEFENDERS
OMCT, Organisation mondiale contre la torture
CIDSE, International Cooperation for Development and Solidarity