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9 Novembre 2020

Lettre ouverte aux autorités chinoises au sujet du statut des trois de Changsha Funeng

À l'attention de :  Ministère de la Sureté de l'État de la République populaire de Chine
                           bureau de Changsha

                   Ministère de la Justice de la République Populaire de Chine
                   bureau de Changsha

                   Cour suprême populaire de la République Populaire de Chine
                   Tribunal intermédiaire de Changsha

                   Parquet suprême populaire de la République Populaire de Chine
                   Parquet municipal de Changsha

Nous écrivons pour exprimer notre profonde inquiétude quant au bien-être des travailleurs sociaux détenus Cheng Yuan (程 渊), Liu Dazhi (刘大志) et Wu Gejianxiong (吴 葛健雄), qui se sont consacrés à aider les citoyens chinois à exercer leur droits légaux sans discrimination.

Après plus d'un an sans aucun contact avec leurs proches, les familles de ces personnes, appelées les "3 de Changsha", ont reçu le 10 septembre des informations selon lesquelles les trois avaient été jugés entre le 31 août et le 4 septembre 2020 pour "subversion de pouvoir d'État" (颠覆 国的 政权 罪) par la Cour populaire intermédiaire de Changsha. Les familles n'avaient pas été informées du procès et n'ont donc pas pu y assister.

Cheng Yuan, Liu Dazhi et Wu Gejianxiong plaident pour les droits des groupes marginalisés et œuvrent pour protéger les droits des personnes les plus vulnérables de la société. Leur organisation, Changsha Funeng, cherche à prévenir la discrimination et à garantir l'égalité conformément à la loi chinoise en ayant recours aux tribunaux pour renforcer la protection des personnes handicapées, vivant avec le VIH / SIDA et d'autres maladies transmissibles.

Le 22 juillet 2019, le bureau de la sécurité nationale de la ville de Changsha a arrêté les trois hommes soupçonnés d'avoir «commis des crimes contre la sécurité nationale»1 ; après avoir été détenus sans charge pendant 37 jours, la durée maximum légale, la police les a officiellement arrêtés le 26 août 2019 pour subversion. Le parquet municipal de Changsha les a mis en examen le 24 juin 2020 et a renvoyé l'affaire devant le tribunal populaire intermédiaire de Changsha. Après un procès qui s'est tenu en août et septembre (date inconnue), le tribunal intermédiaire de Changsha n'a pas rendu de verdict.

Tout au long de la procédure, Cheng Yuan, Liu Dazhi et Wu Gejianxiong n'ont eu aucun contact avec leur conseiller juridique ou les membres de leur famille ; cela va à l'encontre de l'affirmation selon laquelle "l'unité chargée de l'affaire a respecté la loi et garantit pleinement les droits des trois suspects''2. En mars 2020, les six représentants légaux des trois hommes ont été informés qu'ils avaient été licenciés par les accusés et que les hommes avaient accepté que les autorités nomment des avocats pour s'occuper de l'affaire ; cependant, les avocats n'ont pas été autorisés à vérifier leur licenciement auprès de leurs clients. Les familles ont plusieurs fois demandé à l'unité en charge de l'affaire et aux autorités judiciaires les noms et les coordonnées des avocats commis d'office, mais ces informations leur sont refusées. Dans le même temps, les avocats nommés par l'État n'ont pas été transparents et proactifs dans le partage d'informations sur les affaires, et n'ont pas non plus pris de mesures pour faciliter la communication entre leurs clients et leurs familles.

Le manque d'informations a un impact très grave sur les familles de Cheng Yuan, Liu Dazhi et Wu Gejianxiong, qui sont sans nouvelle de leurs proches depuis plus de 15 mois. Nous espérons que ces familles puissent être réunies au plus vite. Les organes gouvernementaux compétents devraient rapidement mettre en œuvre la recommandation du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, formulée il y a plus de six mois, de libérer les trois hommes immédiatement et de leur fournir une compensation ; ceci est particulièrement important, comme ils le rappellent, dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et de la menace qu'elle représente dans les lieux de détention.3

En attendant, et dans l'intérêt d'assurer le bien-être de Cheng Yuan, Liu Dazhi et Wu Gejianxiong, et de leur famille, nous vous appelons à :

  • Veiller à ce que Cheng, Liu et Wu aient accès aux fonds qui leur sont déposés par leur famille afin de subvenir à leurs besoins de base pendant leur détention.
  • Garantir que les avocats engagés par les familles des trois accusés aient la priorité, à savoir, qu'ils soient privilégiés par rapport aux avocats nommés par le gouvernement ; et qu'ils soient autorisés à joindre la procédure et à défendre légalement les trois individus.
  • Exiger que les avocats désignés par l'État communiquent de manière complète, rapide et transparente des informations sur l'affaire et le statut des accusés aux membres de la famille et aux autres personnes ayant un intérêt légitime (par exemple, les avocats engagés à l'origine par les accusés).
  • Faciliter des appels téléphoniques privés, des vidéoconférences et des rencontres en personne entre Cheng, Liu et Wu et les membres de leur famille.

Signé :

Chinese Human Rights Defenders (CHRD)
Front Line Defenders
International Service for Human Rights (ISHR)
The Rights Practice

1 Comme indiqué dans la réponse du gouvernement chinois ay procédures spéciales de l'ONU daté du 23 December 2019.
2 Ibid.
3 Document A/HRC/WGAD/2020/11, daté du 5 Juin 2020, et accessible en ligne sur https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Detention/Opinions/Session87/A_HR...