Kirghizstan : Un an plus tard, nous demandons justice pour la mort d’Azimjan Askarov
Un défenseur des droits humains mort en détention
(Bruxelles, 23 juillet 2021)
Les autorités kirghizes n’ont pas encore ouvert d’enquête indépendante sur la mort en détention, le 25 juillet 2020, du défenseur des droits humains et journaliste Azimjan Askarov, ont déclaré aujourd’hui les organisations Human Rights Watch, le Comité pour la protection des journalistes, Front Line Defenders et le Mouvement pour les droits humains : Bir Duino-Kyrgyzstan, et l’International Partnership for Human Rights.
Azimjan Askarov a été arrêté en 2010 alors qu’il documentait les violences interethniques qui avaient éclaté dans le sud du Kirghizstan ; il a été injustement détenu pendant 10 ans, purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité prononcée au terme d’un procès injuste entaché de torture et de mauvais traitements.
« Les autorités kirghizes n’ont pas enquêté sur les violations des droits humains qui ont conduit à la mort d’Azimjan Askarov », a déclaré Philippe Dam, directeur du plaidoyer pour l’Europe et l’Asie centrale chez Human Rights Watch. « Une année complète s’est écoulée sans aucun signe d’enquête indépendante et crédible sur les circonstances de sa mort et les violations des droits humains dont il a été victime. »
L’enquête des autorités kirghizes sur la mort d’Azimjan Askarov a été menée par le service pénitentiaire, la même autorité qui a supervisé la détention arbitraire d’Askarov pendant 10 ans. L’enquête n’était ni indépendante ni impartiale, comme l’exige le droit international. Elle a été fermée en mai 2021. Les autorités de la prison ont conclu qu’Askarov est mort de complications liées au COVID-19, mais ont nié l’avoir maltraité en prison. Elles ont déclaré que personne ne pouvait être tenu responsable de sa mort, se référant à la situation épidémiologique difficile dans le pays au moment du décès.
« Askarov a été arbitrairement détenu, torturé et privé de justice pendant plus d’une décennie », a déclaré Gulnoza Said, coordinateur du programme Europe et Asie centrale du Comité pour la protection des journalistes. « Sa mort en prison ne devrait pas rester inexpliquée. »
Azimjan Askarov est décédé à l’âge de 69 ans le 25 juillet 2020, lorsque sa santé s’est considérablement détériorée après des années d’aggravation de problèmes médicaux pour lesquels il n’a pas reçu de traitement adéquat en prison. On savait qu’il serait particulièrement vulnérable s’il venait à contracter le COVID-19.
Malgré plusieurs appels de son avocat et de sa famille pour une intervention urgente afin de protéger sa santé, ce n’est que le 24 juillet, alors qu’il était déjà gravement malade depuis 10 jours, qu’il a été transféré dans un hôpital pénitentiaire pour y être examiné et traité. Malheureusement, Azimjan Askarov est décédé le lendemain d’une pneumonie liée au COVID-19, après s’être vu refuser des soins médicaux opportuns et adéquats. Pas plus tard que la veille de la mort d’Askarov, le service pénitentiaire a insisté sur le fait que les rapports sur la détérioration de la santé du défenseur étaient inexacts et qu’il « se portait bien ».
L’organisation de la société civile kirghize, l’Human Rights Movement : Bir-Duino Kyrgyzstan, a porté plainte devant la cour contre la décision des autorités pénitentiaires de fermer l’enquête, affirmant que c’était illégal et soulignant que les enquêteurs n’avaient pas interrogé des témoins clés. Le 1er juillet 2021, un tribunal de district de Bichkek a rejeté cette plainte, mais Bir-Duino a déclaré qu’il ferait appel de cette décision.
En mars 2016, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a statué qu’Azimjan Askarov avait été arbitrairement arrêté et détenu dans des conditions inhumaines, torturé et maltraité sans réparation, et qu'il s’est vu refuser un procès équitable. Le comité avait déclaré que le Kirghizstan devrait immédiatement libérer Askarov, infirmer sa condamnation et lui verser une indemnisation et une réhabilitation adéquates.
« Les partenaires internationaux du Kirghizstan devraient presser le gouvernement kirghize à veiller à ce qu’une enquête véritablement indépendante et efficace sur sa mort soit menée, et à enfin appliquer la décision du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies sur son cas », a déclaré Brigitte Dufour, directrice de l’International Partnership for Human Rights.
Les autorités kirghizes devraient respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains et ouvrir rapidement une enquête efficace, indépendante et impartiale sur la mort d’Azimjan Askarov, indemniser sa famille pour les violations des droits dont il a été victime, et garantir sa réhabilitation légale à titre posthume, ont déclaré Human Rights Watch, le Committee to Protect Journalists, Front Line Defenders et l’International Partnership for Human Rights.
« Le défenseur des droits humains Azimjan Askarov mérite justice et ses proches ont le droit de voir son nom blanchi et de recevoir une indemnisation adéquate pour l’injustice qu’il a subie », a déclaré Claire Ivers, responsable du bureau européen de Front Line Defenders.