Déclaration conjointe — Le défenseur des droits humains Khurram Parvez détenu arbitrairement au Cachemire depuis deux ans
Nous, les organisations soussignées, demandons la libération immédiate et inconditionnelle des défenseurs des droits humains Khurram Parvez et Irfan Mehraj, qui sont actuellement détenus dans la prison de Rohini en Inde. Cela fait maintenant deux ans que Khurram est en détention provisoire pour des motifs politiques en vertu de la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA), une loi antiterroriste indienne qui viole les normes internationales en matière de droits humains.
Irfan est en détention provisoire depuis mars 2023, également pour des motifs politiques. La persécution de Khurram et d’Irfan par les autorités indiennes est emblématique de la criminalisation systématique de la société civile et de la défense des droits humains au Cachemire sous administration indienne.
Khurram est coordinateur de la coalition de la société civile de la Jammu Kashmir Coalition of Civil Society (JKCCS) et actuellement secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Depuis des années, il documente les violations des droits humains dans la partie du Cachemire administrée par l’Inde, notamment les disparitions forcées et les exécutions illégales. Il a reçu le prix Martin Ennals 2022 pour son travail inlassable en faveur des droits humains.
Son travail remarquable en faveur des droits humains se heurte à la répression implacable menée par les autorités indiennes. Khurram a été arrêté le 22 novembre 2021 par la National Investigation Agency (NIA), l’agence indienne de lutte contre le terrorisme, sur la base de diverses accusations fabriquées de toutes pièces, notamment pour avoir « mené ou tenté de mener une guerre, ou aidé à mener une guerre contre le gouvernement indien », « punition pour conspiration en vue de mener une guerre contre le gouvernement indien », « collecte de fonds pour des activités terroristes », « punition pour conspiration », et d’autres dispositions de l’UAPA et du Code pénal indien. Il a été arrêté à la suite de perquisitions et de saisies effectuées à son bureau et à son domicile par la NIA le 21 novembre 2021.
En mars 2023, Khurram a de nouveau été arrêté dans le cadre d’une autre affaire ouverte en 2020 par les autorités indiennes sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces de « financement du terrorisme », en même temps que le journaliste indépendant Irfan Mehraj, qui était auparavant associé à la JKCCS. La NIA a déposé un acte d’accusation contre Khurram et Irfan dans cette affaire le 15 septembre 2023.
Khurram avait déjà fait l’objet de représailles ciblées de la part des autorités indiennes pour avoir défendu les droits humains au Cachemire. En septembre 2016, il n’a pas été autorisé à se rendre en Suisse pour assister au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, puis a été arrêté en vertu de la loi sur la sécurité publique du Jammu-et-Cachemire et détenu arbitrairement en prison pendant 76 jours.
Les autorités indiennes abusent de plus en plus de l’UAPA pour porter des accusations à caractère politique contre les défenseur⸱ses des droits humains. En mai 2020, des experts de l’ONU ont exprimé leurs préoccupations concernant diverses dispositions de l’UAPA qui ne sont pas conformes avec les lois et les normes internationales en matière de droits humains. Les experts ont noté que les dispositions de l’UAPA, telles que le pouvoir de détenir une personne jusqu’à 180 jours « sans fournir aucune preuve », étaient particulièrement problématiques et ont souligné la section 43 D (5) de l’UAPA, qui rend « hautement improbable » la libération sous caution d’une personne arrêtée en vertu de cette loi.
Le 31 octobre 2023, les experts de l’ONU ont de nouveau fait part de leurs préoccupations concernant l’UAPA, déclarant que la période de détention provisoire de 180 jours, qui peut être augmentée par la suite, est au-delà du raisonnable, et ont appelé à une révision de l’UAPA conformément aux normes internationales en matière de droits humains et aux recommandations formulées par le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI).
Dans son avis publié en juin 2023, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) a déclaré que la détention de Khurram était « arbitraire » et a appelé les autorités indiennes à le libérer immédiatement.
Les représailles et l’acharnement judiciaire à l’encontre de Khurram s’inscrivent dans un contexte plus large de violations des droits humains graves et systématiques perpétrées depuis longtemps par les autorités indiennes dans la partie du Cachemire administrée par l’Inde, et d’impunité pour ces violations. Depuis l’abrogation de l’article 370 de la Constitution indienne en août 2019, les autorités indiennes ferment de force l’espace civique déjà très restreint de la région. Les journalistes continuent de faire l’objet d’un harcèlement ciblé, notamment d’arrestations, d’interdictions de voyager et de suspensions de passeport pour leurs reportages. L’accès à l’information est sévèrement limité à cause des coupures arbitraires d’internet.
Nos organisations appellent les autorités indiennes à libérer immédiatement et sans condition Khurram Parvez et Irfan Mehraj, à abandonner toutes les charges retenues contre eux et à mettre fin à toute forme de harcèlement à l’encontre des défenseur⸱ses des droits humains et des organisations de la société civile du Cachemire. L’Inde doit également modifier l’UAPA pour la mettre en conformité avec les lois et les normes internationales en matière de droits humains, mettre fin à la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, et veiller à ce que les auteurs des violations des droits humains commises par les forces indiennes au Cachemire sous administration indienne rendent compte de leurs actes.
Nous demandons également aux autorités indiennes de se conformer immédiatement à leurs obligations juridiques internationales, en autorisant la société civile à opérer librement au Cachemire sous administration indienne et en Inde, et en cessant de faire obstruction à la société civile internationale et aux organisations intergouvernementales, y compris aux rapporteurs spéciaux des Nations unies et aux autres mécanismes de défense des droits humains, qui devraient avoir un accès illimité au Cachemire sous administration indienne et aux détenus cachemiriens.
Signé :
- ALTSEAN-Birmanie
- Anti-Death Penalty Asia Network (ADPAN)
- Armanshahr Foundation/OPEN ASIA, Afghanistan
- Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD)
- Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
- Association marocaine des droits de l’homme (AMDH), Maroc
- Awaz Foundation Pakistan: Centre for Development Services (AWAZCDS), Pakistan
- Banglar Manabadhikar Surakshya Mancha(MASUM), Inde
- Bytes for All, Pakistan
- Capital Punishment Justice Project (CPJP)
- Center for Prisoners’ Rights, Japon
- Centro de Políticas Públicas y Derechos Humanos (Perú EQUIDAD), Pérou
- CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)
- Civil Society And Human Rights Network, Afghanistan
- Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Mexique
- Committee on the Administration of Justice (CAJ), Irlande du nord
- Dakila — Philippine Collective for Modern Heroism, Philippines
- Defence of Human Rights, Pakistan
- FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
- Front Line Defenders (FLD)
- Globe International Center, Mongolie
- Human Rights Alert, Inde
- Human Rights Association (Insan Haklari Dernegi IHD), Turquie
- Human Rights Commission of Pakistan (HRCP), Pakistan
- Human Rights Online Philippines (HRonlinePH), Philippines
- Informal Sector Service Center (INSEC), Népal
- IMPARSIAL (The Indonesian Human Rights Monitor), Indonésie
- Justiça Global, Brésil
- Karapatan, Philippines
- Kashmir Law and Justice Project
- Kazakhstan International Bureau for Human Rights and Rule of Law (KIBHR), Kazakhstan
- KontraS, Indonesia
- League for Defence of Human Rights in Iran (LDDHI), Iran
- Ligue des droits de l’Homme (LDH), France
- Madaripur Legal Aid Association (MLAA), Bangladesh
- Maldivian Democracy Network (MDN), Maldives
- Ntional Commission for Justice and Peace (NCJP), Pakistan
- Odhikar, Bangladesh
- Organisation Nationale pour les droit de l’Homme, Sénégal
- Pusat KOMAS, Malaisie
- Refugee and Migratory Movements Research Unit (RMMRU), Bangladesh
- Suara Rakyat Malaysia (SUARAM), Malaisie
- Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM)
- Task Force Detainees of the Philippines (TFDP), Philippines
- The Awakening, Pakistan
- Think Centre, Singapour
- Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Tunisie
- Vietnam Committee on Human Rights (VCHR), Vietnam
- L’Organisation Mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur-ses des droits humains
- YLBHI (Indonesia Legal Aid Foundation), Indonésie