Déclaration conjointe — Sri Lanka : Attaque brutale des forces de sécurité contre des manifestants pacifiques
Cinq organisations de défense des droits humains ont fermement condamné l’attaque brutale menée contre des manifestants pacifiques non armés par les forces sri-lankaises à Colombo aux premières heures du 22 juillet 2022. Depuis mars 2022, des milliers de personnes, y compris des journalistes et des membres de la société civile manifestent pacifiquement dans tout le pays contre la mauvaise gestion de l’économie par le gouvernement dans un contexte de crise économique et financière qui a conduit à une flambée des prix et à des pénuries de carburant, de nourriture et des produits de première nécessité. À de nombreuses occasions, les autorités ont réagi avec une force inutile et disproportionnée, des arrestations, de la désinformation et des menaces contre les manifestants, y compris les défenseur⸱ses des droits humains. Les violences du 22 juillet 2022 ont eu lieu moins de 24 heures après que le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a été investi à la présidence du pays. M. Wickremesinghe succède à Gotabaya Rajapaksa, qui a fui le pays le 13 juillet et a démissionné le lendemain. La force inutile et disproportionnée utilisée contre les civils non armés constitue une violation flagrante des obligations du Sri Lanka en matière de droits humains en vertu du droit international et est incompatible avec les normes internationales relatives aux droits humains.
Les manifestants de tout le pays réclament pacifiquement qu’on leur rende des comptes, la fin de la corruption et l’abolition de la présidence exécutive, qui, selon les manifestants, sert à centraliser le pouvoir de l’État. Depuis de nombreuses années, les défenseur⸱ses des droits humains du Nord et de l’Est du Sri Lanka réclament en vain des comptes. Ces derniers jours, les manifestants ont également appelé à la démission de Ranil Wickeremasinghe, largement considéré comme un allié de son prédécesseur. Peu après avoir prêté serment en tant que Président, le 18 juillet, Ranil Wickremesinghe a déclaré l’état d’urgence dans le pays, limitant la liberté de réunion et les garanties judiciaires des personnes arrêtées.
Vers 1 h 30 du matin le 22 juillet 2022, les forces de sécurité, y compris des membres de l’armée du Sri Lanka, de l’aviation, de la police et de la force opérationnelle spéciale, ont encerclé le site de protestation « Gota Go Gama » (GGG) à Colombo, qui était occupé par des manifestants depuis plus de cent jours. Des témoignages et des vidéos du lieu de la manifestation ont révélé l’étendue de la violence utilisée par les forces de sécurité contre les manifestants, certains d’entre eux étant battus et traînés, tandis que d’autres imploraient la grâce. Neuf manifestants ont été arrêtés et libérés sous caution le même jour. Au moins 14 manifestants ont été hospitalisés. Parmi les personnes arrêtées se trouvait un éminent avocat en droits humains. Des journalistes, des avocats et des défenseur⸱ses des droits humains, notamment des femmes, des personnes handicapées et des membres de la communauté LGBTQ+, ont été agressés. Le matériel et les appareils électroniques appartenant aux manifestants ont été détruits. Les troupes ont barricadé toutes les entrées du site de la manifestation et ont utilisé la violence et les menaces pour empêcher les journalistes, les avocats, les défenseur⸱ses des droits humains et le personnel médical d’y accéder. La violence a été employée bien que les manifestants aient déjà annoncé leur intention de remettre pacifiquement au gouvernement le bâtiment du Secrétariat présidentiel à 14 heures le même jour. Les manifestants occupaient ce bâtiment depuis le 9 juillet 2022. Le Barreau et la Commission des droits humains du Sri Lanka ont condamné la violence contre les manifestants.
Les représailles, y compris le recours à la force contre des manifestants pacifiques, ont augmenté, surtout en réponse aux manifestations. Les défenseur⸱ses des droits humains et les survivants dans le Nord et l’Est font face depuis longtemps à des représailles et à des violences plus graves avec relativement moins d’attention. À Colombo, le 9 mai 2022, une foule de partisans du gouvernement a attaqué des manifestants pacifiques à Colombo et au moins 1500 personnes ont été arrêtées en lien avec ces violences. Le 9 juillet 2022, près de 11 journalistes ont été grièvement blessés alors qu’ils couvraient les manifestations.
Nous sommes vivement préoccupés par la répression violente menée par les forces de sécurité contre les manifestations pacifiques au Sri Lanka. Nous condamnons le recours inutile et disproportionné à la force et appelons à l’ouverture d’une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur ces actes, afin de tenir les personnes impliquées responsables de leurs actes, ainsi qu’à libérer les manifestants qui ont été arrêtés.
Signé :
Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM ASIA)
CIVICUS : World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)
Front Line Defenders
La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH)
South Asians for Human Rights