Déclaration conjointe — Iran : Vive inquiétude concernant les arrestations massives de défenseur⸱ses des droits humains dans le cadre des manifestations
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Les organisations internationales et de la société civile qui défendent les droits humains soussignées demandent la fin de la violence délibérée, des arrestations, des menaces et des accusations contre les défenseur⋅ses, les journalistes, les militants étudiants et les acteurs des droits civils iraniens, en particulier parmi les groupes ethniques minoritaires.
Depuis le 18 septembre 2022, plus de cinquante défenseur⸱ses des droits humains, ainsi que des journalistes et des militants étudiants, ont été arrêtés et détenus arbitrairement, certains déjà accusés d’« agir contre la sécurité nationale ». Selon certaines organisations de défense des droits humains et médias, plus de cent personnes auraient déjà été tuées. Selon la campagne des militants baloutches, le 1er octobre 2022, au moins soixante-sept manifestants ont été tués seulement à Zahedan, dans la province du Baloutchistan. Les arrestations et les attaques semblent viser à punir et à réduire au silence celles et ceux qui protestent pour les droits humains, en particulier les droits des femmes, et qui réclament des comptes pour la mort d’une jeune femme de 22 ans, Mahsa (Jina) Amini, arrêtée par la police des mœurs qui cherchait à faire appliquer des lois discriminatoires sur le port du voile obligatoire. En réponse à cela, plusieurs groupes de défense des droits humains ont demandé que la police et les autorités iraniennes soient tenues responsables.
Les autorités iraniennes ciblent particulièrement les membres de la société civile, les femmes défenseuses des droits humains et les défenseur⋅ses des droits des femmes et des filles en première ligne, notamment les activistes qui travaillent sur les droits des minorités ethniques. Au moins 17 défenseur·ses des droits des femmes et des droits civils ont été arrêtés arbitrairement dans la province du Kurdistan. Jina Modares Gorji, défenseuse des droits humains, a entamé une grève de la faim pour protester contre son agression physique et sa détention au centre correctionnel de Sanandaj depuis le 21 septembre 2022.
De nombreux membres des familles des défenseur⋅ses ont été menacés tandis que les DDH ont été violemment arrêtés et leur maison perquisitionnée, notamment Golrokh Iraee, Bahareh Hedayat, Vida Rabbani, Majid Tavakoli, Babak Paknia, Mahsah Gholamalizadeh, Elaheh Mohammadi et Niloufar Hamedi — la défenseuse des droits humains et journaliste qui a initialement couvert le décès de Mahsa (Jina) Amini. Golrokh Iraee a été transférée à l’isolement dans la prison de Qarchak, et a comparu pour « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale » pour ses messages sur les réseaux sociaux au sujet des manifestants tués ou arrêtés. Dans un autre cas, Milad Panahipour et Saeed Jalilian, deux avocats en droits humains qui représentent le militant des droits civils et politiques Hossein Ronaghi, ont été arrêtés avec le défenseur au tribunal d’Evin, le 24 septembre 2022, et sont détenus arbitrairement depuis.
Depuis le début des manifestations, des dizaines d’étudiants militants ont été arrêtés. Dans la soirée du 2 octobre 2022, des étudiants ont été violemment attaqués à l’Université de technologie de Sharif, plusieurs personnes ayant été grièvement blessées et plusieurs arrêtées après que le campus principal a été assiégé jusqu’après minuit.
Dans le contexte de cette répression rapide contre les défenseur⸱ses des droits humains, les autorités iraniennes continuent de couper l’Internet mobile et de perturber les services de télécommunications. Cela a eu un impact énorme sur le droit de manifester et cela empêche les défenseur⸱ses des droits humains de documenter et de diffuser des informations sur les violations des droits humains en cours.
Les organisations de défense des droits humains soussignées sont profondément alarmées par les arrestations, les détentions temporaires et les agressions physiques de défenseur⸱ses des droits humains, de journalistes, d’étudiants militants et d’acteurs des droits civils pendant les manifestations. Nous demandons aux autorités iraniennes de libérer immédiatement et sans condition tous les défenseur⸱ses des droits humains qui ont été injustement détenus.
Nous appelons les autorités iraniennes à veiller à ce que le traitement des défenseur⸱ses des droits humains pendant leur détention, corresponde à toutes les conditions établies dans les « Principes fondamentaux relatifs à la protection de toute personne contre toute forme de détention ou emprisonnement », notamment qu’ils puissent immédiatement contacter un avocat. Nous rappelons aux autorités iraniennes qu’elles se doivent de respecter les principes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), en particulier l’article 21, où l’Iran est tenu de reconnaître le droit de réunion pacifique et de mettre fin à la répression violente des manifestations.
De plus, nous appelons les autorités iraniennes à rétablir immédiatement l’accès complet à Internet et aux télécommunications et à s’abstenir de filtrer, d’étrangler, de bloquer, ou perturber les plateformes et les outils de communication en ligne ou de restreindre la capacité des citoyens et des résidents iraniens d’accéder à l’information et de la diffuser en toute liberté et sécurité.
L’absence d’enquête et l’impunité des auteurs de la répression brutale des manifestations précédentes en décembre 2018, janvier 2019 et novembre 2019 n’ont fait qu’accroître le danger pour les défenseur·ses et donner confiance aux coupables. La communauté internationale, en tant que partie prenante des processus politiques actuels, et en particulier l’Union européenne, le Canada, la Norvège, la Suisse et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, se sont explicitement engagés à assurer la protection des défenseur⸱ses des droits humains et des militants de la société civile et à garantir leur participation et leur engagement effectifs.
Signé :
Abdorrahman Boroumand Center for Human Rights in Iran
Access Now
Agir ensemble pour les droits humains
ARTICLE19
Front Line Defenders
Human Rights Watch
La Fédération Internationale des Droits de l’Homme
Kurdistan Human Rights Network
Kurdpa Human Rights Organization
Protection International
L’Organisation Mondiale contre la Torture