Honduras : Le Forum international condamne les assassinats de défenseur⸱ses des droits humains au Honduras et exige une enquête diligente
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Le Forum international pour les droits humains au Honduras, composé de plus de 20 organisations nationales et internationales, condamne fermement la violence, le harcèlement et les homicides perpétrés contre les défenseur⸱ses des droits humains au Honduras.
Selon le Commissaire national aux droits de l’Homme, en 2021, au moins 170 défenseur·ses ont été victimes d’attaques, de harcèlement et de menaces au Honduras ; au premier trimestre 2022, 6 assassinats de défenseur·ses des droits humains ont été enregistrés. Malheureusement, cette tendance se poursuit en 2023.
Nous condamnons les récents assassinats des défenseurs des droits humains et du droit à l’eau Aly Magdaleno Domínguez Ramos et Jairo Bonilla Ayala, perpétrés le 7 janvier 2023. Cela s’est produit dans la communauté de Guapinol, une ville de la municipalité de Tocoa, située dans la province de Colón. Les défenseurs des droits humains contestaient pacifiquement le développement de projets miniers dans le parc national Carlos Escaleras et faisaient face à de fortes attaques et menaces. Aly Domínguez faisait l’objet de poursuites pénales avec son frère Reynaldo Domínguez et 31 autres défenseur·ses.
La situation dangereuse à laquelle est confronté le Comité municipal des biens communs et publics de Tocoa (CMDBCPT), ainsi que les communautés de la région de Guapinol et San Pedro, est reconnue et documentée par de multiples acteurs qui surveillent la situation des droits humains au Honduras. En particulier, la Red Nacional de Defensoras de Derechos Humanos en Honduras a émis de nombreux avertissements concernant les risques et les menaces contre les leaders communautaires. Malgré les dénonciations publiques, l’État hondurien n’a pas réagi de manière énergique et efficace à la situation critique, et n’a pas pris de mesure pour répondre au danger auquel font face les défenseur·ses de Guapinol et leur famille. Il a négligé ses responsabilités internationales de protéger les défenseur·ses, de mener une enquête rapide et impartiale sur les faits et de garantir la non-répétition de ces atteintes.
Nous condamnons également l’assassinat d’Omar Cruz Tomé le 18 janvier 2023 ; il était leader paysan, défenseur de la terre, président de la coopérative paysanne Los Laureles et membre de la Plateforme agraire de la vallée d’Aguán. Cet acte criminel est lié à de précédentes dénonciations faites par des membres et des dirigeants d’organisations, y compris la Plateforme agraire d’El Aguán, le Coordinateur des Organisations populaires d’El Aguán (COPA), le Mouvement pour la dignité et la justice (MADJ) et le cabinet d’avocats Studies for Dignity. Dans ces dénonciations, ils ont dénoncé les attaques et la violence généralisée perpétrées à El Aguán par des entreprises du secteur agroalimentaire au Honduras. À ce jour, l’État n’a pris aucune mesure pour répondre à ces accusations.
Dans ce contexte de violence généralisée, nous sommes alarmés par le risque accru auquel font face les femmes leaders et les défenseuses du territoire dans ces communautés, qui luttent aux côtés des hommes pour leurs droits à la terre et à l’eau. Nous sommes conscients qu’en plus de faire face à la persécution, aux menaces et à la criminalisation de leurs pairs, ces femmes subissent des agressions différenciées contre leur corps et leurs expériences de vie. Souvent, leur travail et leur leadership ne sont pas reconnus, en plus des rôles traditionnels de famille et de communauté qu’ils continuent à remplir.
Le Forum international pour les droits humains au Honduras condamne fermement les homicides mentionnés ci-dessus. La situation décrite montre les représailles et la violence systématique contre ceux qui cherchent à défendre les droits humains au Honduras. Ils se trouvent en danger, sans l’attention, la reconnaissance et la protection que devrait leur apporter l’État. En outre, nous sommes indignés par l’application continue d’une politique extractiviste approuvée par l’État. Les organisations qui font partie de ce groupement international ont documenté, cité et dénoncé la façon dont les activités extractives sont développées en toute impunité et au détriment total des peuples, des communautés et des défenseur⸱ses des droits humains. En outre, à ce jour, les mesures mises en œuvre par l’État n’ont pas entraîné de changement structurel qui mettrait fin aux conflits socio-environnementaux dans le pays.
Par conséquent, nous exhortons les autorités compétentes et le Mécanisme national de protection des défenseur⸱ses des droits humains à mettre en œuvre des mesures urgentes pour garantir les moyens de subsistance, la sécurité et l’exercice digne des droits de tous les défenseur⸱ses des droits humains sur le territoire hondurien.
Il est impératif que l’État du Honduras élabore d’urgence un processus diligent d’enquête criminelle qui respecte les principes d’indépendance et d’impartialité à chacune des étapes du processus, qui intègre une perspective sexospécifique et intersectionnelle et qui permette d’identifier les responsables afin qu’ils soient punis pour leurs actes. De même, il est impératif de créer des mécanismes qui permettent aux communautés et aux organisations de droits humains de suivre les progrès de l’enquête.
Nous exigeons que l’État respecte les mesures qu’il est chargé de mettre en œuvre pour que ces morts malheureuses ne restent pas, une fois de plus, impunies, et qu’il prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires pour que les défenseur⸱ses des droits humains puissent accomplir leur travail en toute sécurité. Une de ces mesures est celle adoptée par la Cour interaméricaine des droits humains (CIDH) en 2018 qui appelle les États à approuver et à mettre en œuvre un protocole de diligence raisonnable pour les enquêtes sur les crimes commis contre les défenseur⸱ses des droits humains.
Il est impératif que l’État du Honduras apporte des modifications des règles qui garantissent une activité commerciale responsable, en conformité avec les normes internationales les plus élevées dans ce domaine. Jusqu’à présent, le pays n’a garanti que l’enrichissement des secteurs économiques qui bénéficient historiquement des activités extractives en dehors des obligations internationales des États et au prix de centaines d’homicides et d’actes criminels contre les défenseur⸱ses des droits humains, dont le Honduras et la région souffrent tant. Dans cette veine, nous rappelons également la jurisprudence de la Cour interaméricaine lorsqu’elle indique que les États doivent « prévenir les violations des droits humains commises par des entreprises privées ». En outre, la Cour interaméricaine souligne que les entreprises sont tenues de faire en sorte que leurs activités « provoquent ou contribuent à des violations des droits humains », et d’adopter des mesures visant à remédier à ces violations, le cas échéant.
Au Forum international des droits humains au Honduras, nous sommes solidaires de ceux qui continuent d’exercer leur droit légitime de défendre les droits humains au Honduras, ainsi que des victimes de représailles et de leur famille. Nous soutenons leur lutte constante dans la recherche de la vérité, de la justice et des réparations. Nous avons le droit de défendre les droits.
Signataires :
Centro por la Justicia y el Derecho Internacional - CEJIL
Consejo Cívico de Organizaciones Populares e Indígenas de Honduras - COPINH
Front Line Defenders
Red Nacional de Defensoras de Derechos Humanos en Honduras
Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos - IM Defensoras
Fondo de Acción Urgente para América Latina y el Caribe
Equipo de Reflexión, Investigación y Comunicación (ERIC-SJ)
Equipo Jurídico por los Derechos Humanos (EJDH)