Lettre conjointe : Libérez le Dr Abduljalil Al-Singace après deux ans de grève de la faim
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Sa Majesté le roi du Bahreïn Hamad bin Isa al Khalifa,
Sa Majesté le Prince héritier et Premier Ministre Salman bin Hamad Al Khalifa,
Vos Majestés,
Nous, les organisations soussignées, vous écrivons de nouveau pour vous faire part de notre profonde préoccupation concernant le bien-être du Dr Abduljalil Al-Singace, un universitaire, défenseur des droits humains primé et blogueur qui purge une peine de prison à perpétuité au Bahreïn uniquement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Nous vous avons déjà écrit le 15 janvier 2023 et le 13 août 2022 pour vous exhorter à obtenir la libération immédiate et inconditionnelle du Dr Al-Singace et, dans le même temps, veiller à ce qu’il reçoive des soins de santé adéquats, qu’il soit préservé de toute forme de torture et autres mauvais traitements, et que son travail universitaire soit transféré à sa famille. Nos demandes n’ont pas été satisfaites ni reconnues, et la détérioration de la santé du Dr Al-Singace est de plus en plus préoccupante.
Le 8 juillet 2023, cela fait deux ans que M. Al-Singace a entamé sa grève de la faim en réaction à la confiscation par les autorités pénitentiaires de son livre sur les dialectes bahreïnis de l’arabe, auquel il a consacré quatre ans de recherches et qu’il a rédigé à la main. Depuis qu’il a entamé sa grève de la faim, il ne se nourrit que de compléments liquides multivitaminés, de thé avec du lait et du sucre, d’eau et de sel.
Le Dr Al-Singace est détenu dans ce qui s’apparente à une cellule d’isolement dans sa chambre du Kanoo Medical Centre, où il n’est pas autorisé à sortir, privé de lumière directe du soleil et de recevoir les soins de physiothérapie dont il a besoin pour son handicap. Il est également privé des examens nécessaires, y compris d’une IRM de l’épaule et de la tête, de physiothérapie et d’un traitement des articulations, de la vue, de la prostate et pour des tremblements. Les autorités refusent de fournir au Dr Al-Singace des articles de première nécessité, tels que des chaussons médicaux pour éviter de glisser dans la salle de bain et une bouillotte d’eau chaude pour soulager la douleur.
Le refus délibéré de soins met la vie du Dr Al-Singace en grave danger et équivaut à une absence de soins malgré les obligations du Bahreïn en vertu du droit international relatif aux droits humains.
En date du vendredi 23 juin 2023, le Dr Abduljalil Al-Singace a décidé de suspendre les visites et les appels téléphoniques à sa famille, seuls moyens de communiquer avec ses proches, en signe de protestation contre les négligences médicales continues et contre l’absence de soins compte tenu de son état de santé déclinant. En outre, les autorités continuent de limiter son accès à l’information en lui interdisant les journaux anglais et arabes et en réduisant le nombre de chaînes de télévision accessibles.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) a adopté un avis sur le cas du Dr Al-Singace au cours de sa 96e session, les 27 mars et 5 avril 2023. La décision confirme les allégations répétées de torture aux mains du gouvernement bahreïni, affirme que son arrestation était illégale et conclut qu’il a été « victime de disparition forcée » (par. 80).
Selon les conclusions du GTDA, le Bahreïn viole les droits du Dr Al-Singace dans quatre des cinq catégories de violations attribuées aux personnes détenues arbitrairement, ce qui représente le niveau de classification le plus élevé qu’une personne ne demandant pas l’asile dans un pays étranger puisse recevoir. L’affaire du Dr Al-Singace « s’inscrit dans le cadre d’une tendance familière d’arrestation sans mandat, de détention préventive avec accès limité au contrôle judiciaire, de refus d’accès à des avocats, d’aveux forcés, de torture et de mauvais traitements et de refus de soins médicaux. Le Groupe de travail rappelle que, dans certaines circonstances, l’emprisonnement généralisé ou systématique ou toute autre privation grave de liberté en violation des règles du droit international peut constituer un crime contre l’humanité » (par. 112). Ces conclusions accablantes illustrent clairement les violations du droit international et nécessitent la libération immédiate du Dr Al-Singace.
À la lumière de ce qui précède, nous renouvelons notre appel pour que vous libériez le Dr Al-Singace immédiatement et sans condition, et dans le même temps, que vous vous assuriez qu’il est détenu dans des conditions qui répondent aux normes internationales, qu’il reçoit ses médicaments sans délai et qu’il a accès à des soins adéquats, conformément à l’éthique médicale ; nous vous invitons à veiller à ce que ses recherches arbitrairement confisquées soient immédiatement transmises aux membres de sa famille.
Sincères salutations,
- Bahrain Institute for Rights and Democracy (BIRD)
- ALQST for Human Rights
- Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB)
- Amnesty International
- British Society for Middle Eastern Studies (BRISMES)
- CIVICUS
- English PEN
- Le centre européen pour les droits de l’Homme et la démocratie (CEDDH)
- Front Line Defenders
- Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
- Human Rights First
- IFEX
- International Service for Human Rights (ISHR)
- PEN America
- Pen International
- Project on Middle East Democracy (POMED)
- REDRESS
- Reporters sans frontières (RSF)
- Scholars at Risk