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28 Février 2025

Israël : Deux projets de loi dangereux risquent de criminaliser et d’empêcher les défenseur⸱ses des droits humains israéliens d’agir

Front Line Defenders condamne fermement le ciblage alarmant des organisations locales de défense des droits humains par la réintroduction de deux propositions de loi qui ont passé une lecture préliminaire à la Knesset le 16 février 2025. Il s’agit de la première étape d’un processus législatif en quatre étapes qu’il faut empêcher d’aller plus loin. S’ils étaient adoptés, les deux projets de loi proposés représenteraient une grave escalade dans la campagne incessante du gouvernement israélien visant à faire taire les dissidents, à entraver le travail des défenseur⸱ses des droits humains et à démanteler la société civile, avec en toile de fond le génocide israélien à Gaza et les graves violations des droits humains en Cisjordanie.

Le premier projet de loi n° P/5222/25, que les organisations israéliennes appellent la « loi sur l’imposition des ONG », est une proposition d’amendement à la loi sur les associations (dons d’entités étatiques étrangères), 2024.

Le projet de loi introduit deux dispositions dangereuses : une taxe de 80 % sur les dons provenant d’États étrangers aux ONG et l’interdiction pour les tribunaux d’examiner les pétitions soumises par ces organisations, ce qui les prive de leur capacité à contester légalement les actions du gouvernement devant les tribunaux. Si le projet de loi exempte les institutions publiques financées par l’État, il permet également à la commission des finances de la Knesset d’accorder des exemptions sélectives pour récompenser les groupes alignés sur les programmes du gouvernement tout en punissant ceux qui défendent les droits humains et la responsabilité démocratique.

S’il était adopté, ce projet de loi mettrait au bord du gouffre financier les organisations de la société civile israélienne qui dépendent des financements internationaux. Il s’agit d’une tentative délibérée d’étrangler les organisations de défense des droits humains en drainant leurs ressources pour limiter leur responsabilité et leur travail de défense des droits humains. L’impact du projet de loi s’étendrait au-delà des organisations qui défendent les droits des Palestiniens et saperait également des initiatives plus larges en matière de droits humains, telles que les droits environnementaux et les droits des personnes LGBTIQ+.

Ce projet de loi fait partie d’une tendance mondiale inquiétante où des législations restrictives utilisant le spectre de « l’ingérence étrangère » sont adoptées pour restreindre indûment les activités des défenseur⸱ses des droits humains et remettre en cause la viabilité financière de leur travail légitime en faveur des droits humains ; cela bafoue les normes internationales, y compris l’article 13 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme.

Le second projet de loi, appelé « loi sur la CPI », vise à pénaliser toute forme de coopération avec la Cour pénale internationale (CPI). Cette législation intervient dans un contexte où Israël tente de contester la compétence de la Cour en ce qui concerne les mandats d’arrêt délivrés à l’encontre de hauts fonctionnaires israéliens accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le projet de loi prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans pour tout partage non autorisé d’informations avec la CPI. Si les informations sont classifiées, le coupable est passible d’une peine d’emprisonnement à vie.

Cette loi ne criminalise pas seulement l’assistance active à la CPI, mais aussi tout langage suggérant que le gouvernement ou les hauts fonctionnaires israéliens commettent des crimes reconnus par le Statut de Rome. En vertu de cette loi, toutes les organisations israéliennes de défense des droits humains qui signalent, effectuent des recherches et parlent publiquement des violations graves des droits humains à l’encontre de civils palestiniens pourraient être sanctionnées et condamnées à une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Cette législation aggraverait le harcèlement sévère auquel sont déjà confrontées nombre de ces organisations en raison de leur action en faveur des droits humains.

L’objectif de ce projet de loi est d’entraver le travail de la CPI et de protéger ainsi les dirigeants politiques et le personnel militaire israéliens contre les mandats d’arrêt concernant les crimes de guerre présumés commis à Gaza. Cela aura pour effet de mettre les autorités israéliennes à l’abri de toute responsabilité et de réprimer les défenseur⸱ses des droits humains qui cherchent à obtenir justice.

Ces mesures s’inscrivent dans une tendance plus large qui consiste à saper la capacité des défenseur⸱ses des droits humains et des ONG israéliennes et palestiniennes à mener à bien leur travail légitime et crucial. Au cours des 15 dernières années, les autorités israéliennes ont orchestré des campagnes de diffamation, eu recours à des mesures d’intimidation et de harcèlement, adopté des textes législatifs restrictifs et exercé des pressions accrues sur les donateurs internationaux pour qu’ils réduisent le financement des organisations qui dénoncent les violations des droits humains. Si ces nouveaux projets de loi sont adoptés, la société civile israélienne sera confrontée à une terrible réalité : la défense des droits humains sera lourdement taxée, criminalisée et sanctionnée par des peines d’emprisonnement.

Front Line Defenders condamne fermement ces attaques législatives et appelle les autorités israéliennes à cesser immédiatement cet assaut contre les défenseur⸱ses des droits humains, les organisations de la société civile et la responsabilité démocratique. Les défenseur⸱ses des droits humains ne doivent pas être pris pour cible lorsqu’ils s’engagent auprès d’organes et de mécanismes internationaux, y compris la Cour pénale internationale.

Front Line Defenders exprime également sa profonde inquiétude quant au fait que ces projets de loi s’ajoutent à une tendance mondiale à l’adoption de législations restrictives axées sur « l’ingérence étrangère ». La communauté internationale doit prendre des mesures urgentes pour s’opposer à ces mesures répressives et protéger les défenseur⸱ses des droits humains qui œuvrent en faveur des droits humains, de l’État de droit et de la responsabilité. Les projets de loi devraient être retirés pour être mis en conformité avec les normes internationales pertinentes relatives aux droits humains, notamment la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme. Tel qu’ils sont actuellement rédigés, ils contribuent à l’aggravation des restrictions imposées aux défenseur⸱ses des droits humains en Israël, ce qui suscite des inquiétudes quant au recul démocratique continu et à la fermeture de l’espace civique.