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14 Juillet 2017

Front Line Defenders pleure le décès de Liu Xiaobo

"Je n'ai pas d'ennemis, cependant je veux malgré tout dire à ce régime qui me prive de ma liberté que je reste fidèle à mes convictions exprimées il y a vingt ans dans ma déclaration lors de ma grève de la faim du 2 juin. je n’ai pas d’ennemis, ni de haine. Les policiers qui m’ont surveillé, arrêté, interrogé, les procureurs qui m’ont inculpé, les juges qui m’ont condamné ne sont pas mes ennemis. Je n'ai pas d'ennemis. Quant à l’expérience la plus heureuse de mes vingt dernières années, c’est d’avoir reçu l’amour désintéressé de ma femme, Liu Xia."

Front Line Defenders pleure le décès de Liu Xiaobo (刘晓波), écrivain, prix Nobel de la Paix et défenseur des droits humains. Liu Xiaobo était âgé de 61 ans; il est décédé le 13 juillet d'une défaillance polyviscérale au premier hôpital universitaire de Shenyang, dans la province de Liaoning. Le défenseur des droits humains venait d'être libéré pour raison médicale; il purgeait une peine de 11 ans de prison pour "incitation à la subversion du pouvoir de l'État". Avant son décès, Liu Xiaobo avait passé 20 ans à soutenir avec passion la paix, la liberté et les droits humains en Chine.

Pour parvenir à ses idéaux, il avait abandonné une grande carrière, des années de liberté, et en fin de compte sa vie.

Liu Xiaobo est l'auteur de 17 livres de et centaines d'essais qui promeuvent des réforme du gouvernement, une gouvernance équitable et les droits humains. Le gouvernement Chinois a commencé à interdire les écrits de Liu Xiaobo au début des années 1990, mais il s'est rapidement tourné vers des méthodes de représailles plus dures. Le défenseur a été condamné à trois ans de rééducation par le travail en octobre 1996 pour avoir co-rédigé une déclaration en désaccord avec la position de la Chine sur Taïwan. Dix ans plus tard, un tribunal de Pékin a condamné la dernière peine de prison de Liu Xiaobo: 11 ans de prison pour avoir participé à la rédaction du manifeste "Charte 08", appelant à des réformes libérales en Chine. Durant la seconde année de sa peine, Liu Xiaobo a reçu le Prix Nobel de la Paix, en hommage à son engagement en faveur de la lutte non violente pour les droits humains.

Outre ses écrits qu'il laisse en héritage, Liu Xiaobo laisse derrière lui un héritage d'actions courageuses. Beaucoup ont entendu parler du défenseur pour la première fois lors de la grève de la faim qu'il a menée lors des manifestations de la place Tiananmen en juin 1989, renonçant à se nourrir pendant des jours pour que le gouvernement mette en place des réformes. Lorsque l'armée chinoise a commencé à tuer sans distinction sur les étudiants manifestants le 4 juin, Liu Xiaobo a négocié avec les autorités l'évacuation pacifique de centaines d'étudiants de la place Tiananmen, sauvant probablement des centaines de vies. Le défenseur avait été condamné à 18 mois de prison pour avoir participé aux manifestations, et en mai 1995, il avait de nouveau été condamné à six mois pour avoir organisé une pétition pour que le gouvernement reconnaisse sa faute lors des évènements de la place Tiananmen.

Au cours de l'année 2009, alors qu'il était en prison, la santé de Liu Xiaobo a commencé à gravement se dégrader. En dépit d'une surveillance quotidienne des prisonniers, les responsables de la prison de Jinzhou n'ont pas mis en place un suivi médical suffisant pour détecter la progression rapide d'un cancer du foie. Lorsque les médecins ont enfin posé un diagnostique sur la maladie du défenseur en mai 2017, le cancer de Liu Xiaobo avait déjà atteint la phase terminale. Pourtant, le défenseur n'a pas bénéficié de libération pour raison médicale avant le 26 juin 2017, près d'un mois plus tard. Pendant les deux premières semaines de son traitement au Premier hôpital de Chine, les autorités ont refusé toutes les demandes du défenseur et de sa femme pour quitter le pays et se faire soigner à l'étranger. Le 12 juillet 2017, le Premier hôpital a annoncé que Liu Xiaobo souffrait d'une défaillance hépatique, rénale et d'un choc septique; le défenseur a succombé à la maladie le lendemain.

Front Line Defenders tient le gouvernement chinois responsable de ne pas avoir convenablement détecté et soigné la maladie de Liu Xiaobo, en temps suffisamment opportun pour lui sauver la vie et atténuer ses souffrances.

Les autorités carcérales chinoises ont déjà ignoré des symptômes et refuser de soigner de graves urgences médicales chez des défenseur-ses des droits humains détenus, au prix de leur santé, de leur bien-être et de leur vie. Par ailleurs, Front Line Defenders se joint à de nombreuses organisations internationales et gouvernements pour appeler les autorités chinoises à libérer Liu Xia, la femme de Liu Xiaobo, qui est détenue arbitrairement et illégalement. Accusée d'aucun crime, Liu Xia est assignée à résidence dans un lieu secret, depuis que son mari a reçu le prix Nobel de la Paix en 2010. Liu Xia a assez souffert et doit être libérée.

"Liu Xiaobo était une icône de la résistance non-violente pour la défense des droits humains", a déclaré Andrew Anderson, directeur exécutif de Front Line Defenders. "Malgré les plus ardentes tentatives du gouvernement pour le réduire au silence, Liu a fait preuve d'une incroyable résilience dans sa lutte pour la dignité et le mieux être de ses concitoyens".