Front Line Defenders appelle les autorités russes à libérer la défenseuse des droits humains ukrainienne Iryna Horobtsova un an après sa disparition forcée
Le 13 mai 2022, l’armée russe a enlevé la défenseuse des droits humains ukrainienne Iryna Horobtsova au domicile familial à Kherson, ville alors occupée par la Russie ; il semble qu’elle soit illégalement détenue depuis sans charge, et sans accès à une aide juridique ou médicale. À l’occasion du premier anniversaire de son enlèvement, Front Line Defenders appelle les autorités de la Fédération de Russie à confirmer où la défenseuse est détenue et à la libérer immédiatement.
Iryna Horobtsova est une défenseuse des droits humains et militante originaire de Kherson, en Ukraine. Pendant l’occupation russe de la ville, elle s’est portée volontaire comme chauffeuse pour transporter les professionnels de la santé à l’hôpital local et livrer des fournitures médicales, pour veiller à ce que les hôpitaux puissent continuer à fournir des services de santé. Sur les réseaux sociaux, Iryna Horobtsova postait des publications à propos des rassemblements pacifiques organisés contre l’occupation de Kherson et de son expérience de la vie dans la ville occupée.
Les proches d’Iryna Horobtsova ont rapporté que dans la matinée du 13 mai 2022, deux voitures portant la marque « Z » — symbole de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie — sont arrivées devant la maison où elle vivait avec ses parents. Plusieurs personnes vêtues d’uniformes militaires russes ont fait irruption dans l’appartement et ont fait monter Iryna Horobtsova de force dans un véhicule en disant à ses parents qu’ils l’emmenaient pour un interrogatoire. Les parents d’Iryna Horobtsova n’ont pas eu la chance de revoir leur fille depuis et, après la libération de Kherson par les forces armées ukrainiennes, ils ont appris qu’elle avait été transférée en Crimée occupée par la Russie.
En juin 2022, le ministère de l’Intérieur de la Fédération de Russie a rejeté l’appel d’Emil Kurbedinov, défenseur des droits humains et avocat d’Iryna Horobtsova, pour l’ouverture d’une enquête sur l’enlèvement d’Iryna Horobtsova, mais a déclaré que la défenseuse était détenue et que ses empreintes digitales avaient été relevées au centre de détention provisoire n° 1 à Simferopol. C’est la seule confirmation officielle de son lieu de détention. Dans le même temps, l’administration de l’établissement a démenti que la défenseuse y était détenue et a refusé que l’avocat voit sa cliente.
Par ailleurs, les autorités locales d’occupation et les forces de l’ordre centrales russes ont répondu négativement aux nombreuses demandes d’Emil Kurbedinov pour savoir si une affaire criminelle avait été ouverte contre la défenseuse. Le Service fédéral de sécurité (FSB) et le ministère de l’Intérieur ont répondu aux demandes ultérieures de Kurbedinov en 2023 affirmant qu’Iryna Horobtsova était détenue pour avoir prétendument fait obstruction à une « opération militaire spéciale », sans préciser où, et ont nié qu’une procédure pénale avait été engagée contre elle. De même, les départements du service fédéral pénitentiaire de Crimée occupée, de la région de Rostov en Russie continentale, et le bureau central de Moscou ont tous affirmé ne pas la détenir dans leurs locaux.
L’été dernier, la famille d’Iryna Horobtsova a reçu deux lettres d’elle du centre de détention provisoire n° 1 de Simferopol, datées du 8 août 2022 et du 31 août 2022. Ensuite, les communications ont cessé. Dans l’une des lettres, elle demandait un certain nombre d’articles : nourriture, vêtements, médicaments et produits d’hygiène, ce qui indique qu’elle n’avait pas les produits de base en détention. Toutefois, les membres de sa famille n’ont reçu aucune confirmation que le colis qu’ils ont envoyé en prison lui avait été livré. Ils étaient particulièrement préoccupés par le fait qu’Iryna Horobtsova n’ait pas reçu le médicament qui lui avait été prescrit par un médecin, ce qui pourrait indiquer un manque total de soins médicaux.
Le 13 avril 2023, l’organisation internationale Human Rights Watch a publié le témoignage d’une autre personne qui aurait été détenue dans la même cellule qu’Iryna Horobtsova à Simferopol pendant trois semaines en septembre 2022. Cette personne a déclaré qu’avant d’être transférée dans sa cellule, Iryna Horobtsova a été placée à l’isolement pendant plusieurs mois, et a également fait état de mauvais traitements, d’intimidation et de violence psychologique contre Iryna Horobtsova pendant sa détention.
L’organisation ukrainienne de défense des droits humains Media Initiative for Human Rights (MIHR) a publié un rapport décrivant la pratique systémique de l’enlèvement et du transfert de civils par l’armée russe dans les territoires occupés par la Russie, comme c’est arrivé à Iryna Horobtsova. Début avril 2023, la MIHR a été en mesure d’identifier au moins 948 otages civils, y compris des défenseur⸱ses des droits humains ukrainiens, incarcérés dans plus de 40 centres de détention où des prisonniers de guerre sont également détenus en Russie, dans les territoires occupés par la Russie et en Biélorussie.
Front Line Defenders est vivement préoccupée par la disparition forcée de la défenseuse des droits humains Iryna Horobtsova. Front Line Defenders appelle la communauté internationale à organiser un suivi indépendant des lieux où elle et d’autres otages civils sont détenus.
Front Line Defenders exhorte les autorités de la Fédération de Russie à :
- Confirmer immédiatement l’emplacement d’Iryna Horobtsova, en garantissant qu’elle ait accès à son avocat et qu’elle soit libérée de captivité sans condition ;
- Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité physique et psychologique et l’intégrité d’Iryna Horobtsova tout en veillant à ce qu’elle retourne auprès de sa famille en Ukraine ;
- Révéler l’emplacement de tous les autres prisonniers civils détenus sous le contrôle de la Fédération de Russie ;
- Fournir à des organismes indépendants comme le CICR et les missions de surveillance de l’ONU un accès sans entrave aux centres de détention contrôlés par la Fédération de Russie afin qu’ils puissent s’assurer que la Fédération de Russie respecte ses obligations internationales en matière de droits humains.