Fausses accusations et persécutions contre des étudiants défenseurs des droits humains et des personnes impliquées dans des manifestations pacifiques contre le Citizen Amendment Act 2019
Front Line Defenders condamne les actions ciblées délibérées contre les défenseur-ses des droits humains, dont beaucoup sont étudiants, qui manifestent pacifiquement contre la loi régressive Citizenship Amendment Act (CAA) (loi d'amendement de la citoyenneté) en Inde. Depuis le 28 janvier 2020, la police a procédé aux arrestations de plusieurs défenseur-ses des droits humains et autres personnes impliquées dans l'organisation et la participation des manifestations contre le CAA.
Parmi les personnes arrêtées et actuellement emprisonnées figurent les défenseuses des droits humains Safoora Zargar et Gulfisha Fatima et les défenseurs des droits humains Khalid Saifi, Meeran Haider, Shifa ur Rehman, le Dr Kafeel Khan et Sharjeel Imam. En outre, le 27 avril 2020, la police de Delhi a saisi le téléphone portable de la défenseuse des droits humains Kawalpreet Kaur. Ce traitement des étudiants défenseur-ses des droits humains et des sympathisants et organisateurs des manifestations anti-CAA est un acte de représailles directes contre leur travail pacifique en faveur des droits humains et l'exercice du droit à la liberté d'expression. Leurs arrestations constituent une tentative visant à faire taire la dissidence, en particulier la voix des minorités musulmanes ; elles visent également à profiter des restrictions liées au COVID-19 pour limiter les manifestations qui pourraient survenir contre leurs arrestations, mais aussi à faire avancer un programme d'État dangereux et régressif.
Le 10 avril 2020, Safoora Zargar, étudiante et défenseuse des droits humains, a été arrêtée par la police de Delhi pour sa participation aux manifestations anti-CAA. Elle est étudiante à l'université Jamia Millia Islamia (JMI) et membre de l'équipe média du Jamia Coordination Committee (JCC) qui a organisé des manifestations anti-CAA en décembre 2019. Safoora Zargar est au deuxième trimestre de sa grossesse et souffre d'un problème urinaire qui risque de s'aggraver en prison. Elle a d'abord été arrêtée en vertu du FIR 48/2020, pour lequel elle a été libérée sous caution par le tribunal d'instance inférieure. L'ordonnance de libération sous caution cite sa grossesse, son état de santé et les directives émises par la Cour suprême indienne sur la décongestion des prisons pendant le COVID-19, pour justifier sa décision. Bien qu'une libération sous caution ait été ordonnée, elle n'a jamais été libérée et a été immédiatement de nouveau arrêtée par la section spéciale de la police de Delhi en vertu d'un nouveau FIR 59/2020. Ce FIR ne contient pas son nom et ne contenait initialement que les charges en vertu du Code pénal indien. Le FIR a ensuite été modifié le 21 avril 2020 pour inclure la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA), qui ne prévoit pas la libération sous caution et garantit son incarcération prolongée. Bien qu'elle soit toujours emprisonnée, une campagne vicieuse a été lancée sur les réseaux sociaux contre Safoora Zarga, incluant notamment de faux contenus pornographiques.
L'arrestation de Safoora Zargar fait partie d'un schéma plus large d'arrestations visant ceux qui mènent et organisent les manifestations anti-CAA. Le 1er avril 2020, Meeran Haider, défenseur des droits humains, étudiant du JMI et membre du JCC, a été arrêté par la police de Delhi (section criminelle spéciale). Il a été inculpé de sédition en vertu de l'UAPA dans le FIR 59/2020. Le 9 avril, la défenseuse des droits humains Gulafsha Fatima a été arrêtée en vertu du même FIR 59/2020. Elle s'est activement impliquée dans la manifestation menée par des femmes à Seelampur dans le nord-est de Delhi contre la CAA, a œuvré pour sensibiliser les femmes locales à la CAA ; elle est une voix importante pour les principes constitutionnels laïques. Elle est actuellement détenue dans le cadre de l'UAPA et, d'après des témoignages, il y a des risques qu'elle soit torturée. Le 26 avril 2020, la police a arrêté le défenseur des droits humains et président de l'association des anciens de Jamia Milia Islamia, Shifa Ur Rehman en vertu du FIR 59/2020. Shifa Ur Rehman critique ouvertement la CAA et est accusé d'avoir provoqué ou incité aux émeutes de Delhi en février 2020 à travers ses discours.
Le 27 avril, la police de Delhi a saisi le téléphone de Kawalpreet Kaur, défenseuse des droits humains et présidente de la All India Students Association pour Delhi, dans le cadre d'une enquête sur les violences communautaires à Delhi en février 2020. La note adressée à la défenseuse lors de la saisie mentionnait plusieurs chefs d'accusation, notamment en vertu de la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA).
Plusieurs autres défenseur-ses des droits humains ont également été arrêtés plus tôt cette année et sont toujours incarcérés en vertu de lois antiterroristes. Le défenseur des droits humains et activiste social associé à United Against Hate, Khalid Saifi, a été arrêté le 26 février 2020. Le défenseur des droits humains, qui a régulièrement appelé à ce que les manifestations se déroulent de manière pacifique, a été gravement torturé par la police immédiatement après son arrestation. Sharjeel Imam, étudiant à l'Université Jawarhalal Nehru et le Dr Khafeel Khan, médecin, ont été arrêtés respectivement les 28 et 29 janvier 2020, suite à des discours qu'ils ont prononcés à l'Université musulmane d'Aligarh (AMU) contre la CAA. Le Dr Khafeel Khan est actuellement emprisonné en vertu de la Loi sur la sécurité nationale (NSA) tandis que Sharjeel Imam est détenu en vertu de l'UAPA, tous deux sans espoir réaliste d'être libérés sous caution.
La police de Delhi prétend que les personnes arrêtées ont délibérément incité et provoqué le public, conduisant aux violences qui ont éclaté à Delhi en février 2020. Cependant, peu ou pas de preuves ont été produites par la police pour étayer ces allégations. Le FIR 59/2020, en vertu duquel des personnes arrêtées en avril sont inculpées, a été déposé par un policier sur la base d'informations secrètes ou confidentielles fournies par un informateur. Ces informations ne pouvant être retracées, vérifiées ou contestées, elles ne devraient pas constituer la base d'une longue incarcération. L'utilisation de lois antiterroristes - UAPA et NSA - est une source de vives préoccupations. Les lois antiterroristes sont toujours utilisées contre les défenseur-ses des droits humains en Inde, notamment dans les affaires Bhima Koregan et plus récemment pour réprimer les manifestants anti-CAA. L'incarcération continue de ces défenseur-ses des droits humains dans le contexte du COVID-19 les met en danger, tout en bafouant les meilleures pratiques mondiales et les directives établies par la Cour suprême indienne pour désengorger les prisons pendant la pandémie.
Front Line Defenders est profondément préoccupée par la répression accrue des défenseur-ses des droits humains en Inde, en particulier dans le cadre des manifestations contre la loi régressive de 2019 sur l'amendement de la citoyenneté (CAA), votée par le Parlement indien le 11 décembre 2019. Elle exprime sa vive préoccupation concernant les actions ciblées des autorités indiennes contre les étudiants défenseur-ses des droits humains, en particulier Safoora Zargar, qui a été maintenue à l'isolement à la prison de Tihar pendant sa grossesse et qui a besoin de soins médicaux. Depuis le début des manifestations pacifiques, la police cible des défenseur-ses des droits humains en utilisant des lois régressives et utilise d'autres formes de harcèlement pour réprimer leur travail. Front Line Defenders estime que les accusations injustes portées contre Safoora Zargar, Gulfisha Fatima, Khalid Saifi, Meeran Haider, Shifa ur Rehman, le Dr Kafeel Khan, Sharjeel Imam et Kawalpreet Kaur sont directement liées à leur travail en faveur des droits humains. Elle appelle donc les autorités indiennes à cesser toute enquête et à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées.