Des défenseur-ses de l’environnement placés sous surveillance sur ordre de l'entreprise d’énergie électrique AES Corporation
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Front Line Defenders est profondément préoccupée par les informations selon lesquelles les défenseur-ses des droits humains qui protestent contre le projet hydroélectrique d’Alto Maipo au Chili, qui bénéficie du soutien financier de plusieurs banques multilatérales de développement, ont été taxés d’éco-terroristes et font l’objet d’une surveillance importante en raison de leur opposition au projet. Une enquête menée par le média Interferencia a révélé que la compagnie d’électricité AES Andes S.A. a engagé une société de conseil pour surveiller et infiltrer les chats privés WhatsApp et Facebook des groupes de défense de l’environnement qui critiquent le projet hydroélectrique d’Alto Maipo. Interferencia a eu accès aux rapports de renseignements produits par un consultant entre février et juin 2020, qui contenaient des informations sur les organisations et les mouvements sociaux s’opposant au projet, notamment la Coordinadora No Alto Maipo et la Red Metropolitana No Alto Maipo. Il disposait également d’informations sur d’autres mouvements environnementaux travaillant pour le droit à l’eau dans le pays, tels que le Movimiento por el Agua y los Territorios (MAT).
Le rapport de renseignements contient les données personnelles des défenseur-ses de l’environnement, telles que les numéros de téléphone, les numéros d’identification et les adresses personnels, ainsi que des informations sur leurs travaux actuels et antérieurs relatifs en faveur de l’environnement. Le rapport de renseignements comprend également les noms des employés d’AES Andes S.A qui étaient membres de groupes sur les réseaux sociaux opposés au projet d’Alto Maipo. Outre la cartographie des défenseur-ses de l’environnement, des avocats qui travaillent pour les droits des communautés affectées par le projet et des employés "suspects" de l’entreprise sont également inclus. Le rapport de renseignement taxe les actions organisées par ces groupes d’ « actes d’éco-terrorisme » et qualifie plusieurs défenseur-ses des droits humains d'« éco-terroristes ».
Le projet hydroélectrique Alto Maipo est géré par la société AES Andes S.A. AES Andes S.A. est une filiale chilienne de la société nord-américaine AES Corporation, fondée dans l’État américain du Delaware et qui compte de multiples filiales en Amérique latine. Les organisations de défense de l’environnement mentionnées dans le rapport de renseignement ont mené plusieurs initiatives de plaidoyer depuis le début du projet en 2008 pour soulever des préoccupations concernant l’impact négatif du projet sur les droits humains et l’environnement. Ces organisations dénoncent également ouvertement les violations des droits des travailleurs ainsi que l’apparente surveillance et l’absence d’inspection par le gouvernement chilien sur les violations des droits humains et environnementaux commises par l’entreprise. Bien que ces organisations environnementales et ces mouvements sociaux réclament le droit à l’information et à la participation dans la mise en œuvre du projet d’Alto Maipo, AES Andes S.A. a décidé d’obtenir des informations à leur sujet par le biais de la surveillance et de l’infiltration au lieu de directement collaborer avec eux de manière transparente. Ils ont également déposé des plaintes auprès de la Société financière internationale et de la Banque interaméricaine de développement concernant leur soutien financier au projet. En mars 2020, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (CESCR) a demandé aux autorités chiliennes de présenter les mesures mises en œuvre pour garantir le droit à l’eau, à l’alimentation, au logement, à la santé et à la culture des communautés affectées par le projet.
Front Line Defenders est profondément préoccupée par les objectifs de ce rapport de renseignements et les efforts de la société pour criminaliser et délégitimer les défenseur-ses de l’environnement et les mouvements sociaux qui luttent depuis des années pour garantir les droits humains des communautés touchées par des projets d’extraction au Chili, et pour dénoncer les impacts sociaux et environnementaux irréversibles du projet d’Alto Maipo. Il est également alarmant que les méthodes utilisées pour préparer le rapport cherchent à légitimer la pratique de la surveillance, du suivi et de l’infiltration des mouvements sociaux par les entreprises privées. Front Line Defenders suit avec beaucoup d’inquiétude l’augmentation des attaques contre les défenseur-ses de l’environnement au Chili. Au premier semestre de 2021, Front Line Defenders a enregistré des menaces de mort, des attaques et des actes d’intimidation contre ceux qui défendent les droits des peuples autochtones et l’environnement dans le pays. Les études et les rapports qui présentent les défenseur-ses de l’environnement et les défenseur-ses autochtones comme des terroristes potentiels contribuent à la stigmatisation des défenseur-ses des droits humains et les exposent à un plus grand risque. Front Line Defenders condamne la surveillance des défenseur-ses de l’environnement et la tentative de criminaliser et de stigmatiser leurs luttes et leurs formes d’organisation. Front Line Defenders appelle les autorités chiliennes à clarifier l’objectif de ce rapport et à réviser la licence pour la mise en œuvre du projet hydroélectrique d’Alto Maipo compte tenu de cet événement. Front Line Defenders appelle les entités internationales qui financent ce projet à examiner ce rapport et à appliquer leurs engagements contre les représailles. Enfin, Front Line Defenders appelle à un soutien international en faveur de la protection des défenseur-ses de l’environnement au Chili.