République Démocratique du Congo : Appel urgent à la protection des défenseur·ses des droits humains face à l’escalade de la violence dans l’Est de la RDC
Front Line Defenders exprime sa profonde préoccupation face à l’augmentation des menaces et des violations visant les défenseur·ses des droits humains dans le contexte du conflit en cours au Nord et au Sud-Kivu, en particulier après la prise de Goma par le groupe armé Mouvement du 23 Mars (M23) le 27 janvier 2025. Les défenseur·ses des droits humains sont soumis·es à des actes d’intimidation, des violences ciblées et des entraves alors qu’ils et elles documentent les violations des droits humains et fournissent une assistance cruciale aux communautés affectées.
Les défenseur·ses des droits humains dans l’est de la RDC jouent un rôle essentiel dans la protection des civils, la promotion des droits humains et la documentation des violations. Cependant, l’intensification du conflit a gravement compromis leur capacité à poursuivre leur travail. Des rapports indiquent que les défenseur·ses des droits humains sont la cible de menaces directes tant de la part du M23 que des autorités gouvernementales, y compris des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des détentions arbitraires.
Front Line Defenders a reçu de nombreux signalements indiquant que des défenseur·ses des droits humains ont été contraint·es de se cacher ou de se déplacer en raison de menaces directes pesant sur eux et leurs familles. Les coupures d’Internet, les restrictions de mouvement et la censure systématique ont davantage entravé leur capacité à accéder aux populations touchées et à rapporter les violations. Ceux et celles qui poursuivent leur travail font face à des risques accrus, notamment des attaques physiques et une surveillance constante. Les partenaires de Front Line Defenders sur le terrain expriment leur inquiétude quant à la censure exercée par l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) sur les réseaux sociaux, notamment sur X (anciennement Twitter) et TikTok, visant des individus critiquant le gouvernement. Par ailleurs, les défenseur·ses font face à une montée de la xénophobie à Kinshasa, où ils et elles sont accusé·es de collaborer avec le Rwanda.
De plus, Front Line Defenders a récemment documenté et répondu à des cas de violences ciblées à l’encontre des défenseuses des droits humains (FDDH), y compris des violences sexuelles et des agressions sexuelles avec armes. Les femmes défenseuses sont particulièrement vulnérables lorsqu’elles documentent et signalent les violations. Celles qui travaillent sur les droits fonciers, l’environnement ou la consolidation de la paix, notamment la déradicalisation des jeunes, sont de plus en plus ciblées.
La situation est d’autant plus préoccupante que des acteurs armés, notamment le M23 et les forces gouvernementales, s’en prennent aux défenseur·ses des droits humains en représailles pour avoir dénoncé les violations. Le 28 janvier 2025, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé son inquiétude face à la détérioration rapide des conditions de sécurité pour les défenseur·ses des droits humains, les journalistes et les acteurs de la société civile à Goma.
La situation humanitaire à Goma et dans d’autres zones touchées par le conflit a atteint un niveau catastrophique, avec des pénuries extrêmes de nourriture, d’eau et de soins médicaux. Les défenseur·ses des droits humains tentant de fuir la région s’exposent à des risques supplémentaires, les couloirs humanitaires étant incertains et les routes stratégiques contrôlées par des groupes armés. Ceux et celles cherchant refuge au Rwanda, en Ouganda ou au Burundi sont exposé·es au risque de refoulement et de persécutions accrues.
Alors que la violence continue de s’intensifier, Front Line Defenders exprime sa solidarité avec les défenseur·ses des droits humains en RDC et appelle à une action internationale urgente pour garantir leur sécurité et leur protection.
La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseur·ses des droits humains, dans son rapport A/HRC/43/51, a souligné que les défenseur·ses des droits humains sont essentiels pour parvenir à une paix durable dans les sociétés en conflit. Leur travail est crucial pour la protection des droits humains, l’octroi d’une aide d’urgence et l’acheminement d’une assistance aux populations déplacées et aux personnes ayant besoin d’un soutien matériel, médical, psychosocial ou juridique. Ils et elles dénoncent l’impunité, représentent les victimes dans les procédures judiciaires et documentent les violations commises par des groupes armés, des forces militaires, des services de renseignement et des acteurs étatiques ou privés. Leur engagement contribue aux cessez-le-feu, aux négociations de paix et aux processus de transition. Le rapport met également en avant leur rôle indispensable lorsqu’aucune institution internationale ne peut établir une présence physique en zone de conflit, en servant de sources clés d’informations vérifiées et en dirigeant les ressources vers les zones les plus nécessiteuses. Leur plaidoyer permet d’éviter que ces régions ne soient oubliées et assure que la justice soit poursuivie. Ils et elles amplifient également les recommandations internationales, soulignant la nécessité d’une meilleure coordination pour leur protection et leur soutien.
F ront Line Defenders appelle les autorités congolaises à mettre en place des mesures de protection immédiates pour les défenseur·ses des droits humains et les civils en danger, y compris des corridors sécurisés et des options de relocalisation d’urgence pour celles et ceux confronté·es à des menaces imminentes. L’organisation exhorte également les autorités à cesser les persécutions des défenseur·ses des droits humains, y compris les arrestations arbitraires et les intimidations, et à mener une enquête immédiate, approfondie et impartiale sur les assassinats, les menaces ciblées et les détentions arbitraires des défenseur·ses des droits humains, conformément aux normes internationales. Enfin, Front Line Defenders appelle les autorités à garantir, en toutes circonstances, que les défenseur·ses des droits humains en RDC puissent mener leurs activités légitimes sans crainte de représailles et sans aucune restriction.