Inquiétudes concernant les attaques contre les mouvements étudiants lors des manifestations sur les campus, considérées comme une forme de répression à l’encontre des défenseur⸱ses des droits humains
Depuis octobre 2023, des étudiants d’universités de tous les États-Unis ont pris des mesures visibles pour protester pacifiquement contre les violations flagrantes des droits humains commises par Israël dans le cadre de sa campagne militaire sans relâche à Gaza. Front Line Defenders est profondément préoccupée par la répression exercée par plusieurs institutions universitaires, dont l’Université de Columbia à New York, l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) en Californie et l’Université Emory en Géorgie, contre les mouvements d’étudiants, qui inclut des suspensions d’étudiants, l’interdiction d’organisations, des expulsions de logements universitaires et des arrestations d’étudiants.
Depuis avril 2024, les mouvements étudiants sont principalement menés par le groupe de défense des droits de humains Columbia University Apartheid Divest (CUAD), une coalition de plus d’une centaine de groupes d’étudiants de l’université de Columbia, formée en 2016 et récemment réactivée en octobre 2023 en réponse à la montée du mouvement étudiant pro-palestinien. Les associations Students for Justice in Palestine et Jewish Voice for Peace font partie de cette coalition et soutiennent et participent activement aux manifestations pacifiques.
Students for Justice in Palestine (SJP) est une organisation étudiante de défense des droits humains fondée en 1993 à l’université de Californie, Berkeley, qui dénonce les violations des droits humains commises à l’encontre des Palestiniens et réclame leur droit à l’autodétermination. L’organisation SJP compte plus de 200 sections dans les universités d’Amérique du Nord, notamment dans l’université de Columbia, d’où elle a pris la tête du mouvement étudiant actuel en faveur des droits du peuple palestinien en défendant ses revendications dans les espaces physiques et numériques, en s’adressant aux autorités universitaires, au gouvernement fédéral et à la communauté internationale.
Jewish Voice for Peace (JVP) est une organisation de défense des droits humains fondée en 1996 par des étudiants de l’université de Berkeley, en Californie. L’organisation dénonce les violations des droits humains commises à l’encontre du peuple palestinien, offre une perspective critique du sionisme et appelle les Juifs à être solidaires de l’autodétermination de la Palestine.
Les manifestations pacifiques ont principalement pris la forme de campements dans plusieurs campus universitaires du pays. Ces mouvements ont des demandes spécifiques à l’intention des autorités de leurs universités et exhortent la communauté internationale à agir en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et, dans la plupart des cas, exigent que leurs universités se défassent de tout actif lié à Israël, rompent les liens académiques avec les universités israéliennes et condamnent publiquement les violations des droits humains perpétrées par Israël dans la bande de Gaza.
En conséquence, un grand nombre d’universités ont réagi en faisant appel à la police pour disperser ces manifestations pacifiques et les campements d’étudiants sur leurs campus. Cette situation aurait donné lieu à des cas de répression policière, avec dans certains cas l’utilisation de gaz lacrymogènes et de pistolets à impulsion électrique, ainsi qu’à des arrestations et à des actes de violence physique à l’encontre d’étudiants et de membres du corps enseignant qui manifestaient pacifiquement. Le mouvement étudiant, qui comprend des défenseurs des droits humains, a fait état de multiples menaces de la part de leurs universités, notamment des suspensions, des interdictions de passer leurs examens, l’annulation de leur droit de résidence sur le campus et/ou la rétention de leurs diplômes. Dans certaines universités, des étudiants et des enseignants ont également été attaqués par des contre-manifestants pro-israéliens. Cela inclut des attaques menées par des manifestants anti palestiniens sur le campement à l’UCLA le 1er mai au petit matin, et les détentions par les forces de police sur d’autres campements.
Avant le début des manifestations pacifiques, les organisations de défense des droits humains avaient été victimes de harcèlement et de diffamation. De nombreux cas de « doxxing » à l’encontre de membres de ces organisations étudiantes ont également été signalés, des camions affichant les noms, les photos et les informations personnelles des membres des groupes de défense des droits humains, les accusant d’antisémitisme et de terrorisme. En outre, depuis octobre 2023, plus de dix attaques spécifiques contre des étudiants qui traitent et documentent la situation du conflit entre Israël et Gaza ont été documentées.
Le 10 novembre 2023, l’université de Columbia a suspendu le SJP et le JVP de Columbia pour avoir soi-disant « violé à plusieurs reprises les politiques de l’université relatives à l’organisation d’événements sur le campus ».
Le 30 avril, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme a exprimé son inquiétude quant aux « actions de répression menées par les États-Unis dans plusieurs universités », car elles « semblent avoir un impact disproportionné ». Le 29 avril, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les défenseur⸱ses des droits humains a également déclaré que le fait que des étudiants soient suspendus s’ils ne mettent pas fin à leurs manifestations pacifiques à l’université de Columbia constituait « une violation manifeste de leur droit à la liberté de réunion pacifique ».
La répression du mouvement étudiant par les autorités universitaires américaines porte atteinte aux droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des jeunes défenseur⸱ses des droits humains qui participent à ces manifestations pacifiques.
Dans son Analyse Globale 2023/24 publiée récemment, Front Line Defenders a mis en évidence une tendance de plus en plus préoccupante des gouvernements à ne pas s’engager de bonne foi avec les manifestants pacifiques. Au lieu de protéger le droit de manifester, les États du monde entier s’efforcent de le restreindre et de criminaliser les personnes qui organisent ou dirigent des manifestations. Selon les données de Front Line Defenders pour 2023, lorsque les défenseur⸱ses des droits humains ont fait l’objet de poursuites pénales, les accusations liées à des délits de rassemblement ou d’ordre public ont été parmi les plus courantes.
Front Line Defenders est extrêmement préoccupée par les récentes menaces, attaques et la répression, y compris l’utilisation d’une force disproportionnée contre les défenseur⸱ses des droits humains participant aux manifestations.
Front Line Defenders exhorte les autorités étasuniennes et les institutions universitaires à :
Respecter le droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique des étudiants, y compris des défenseur⸱ses des droits humains, et leur droit de participer à des manifestations publiques.
Permettre aux organisations légitimes et pacifiques de défense des droits humains de fonctionner sans suspendre, harceler ou mener des représailles contre les étudiants.
S’abstenir de recourir à une force excessive, y compris à des forces de police armées.
Reconnaître le rôle essentiel des défenseur⸱ses des droits humains dans ce contexte, promouvoir et protéger leur action en faveur des droits humains, conformément aux normes internationales, et s’abstenir de les attaquer et de les criminaliser pour cette action.