Bangladesh : Cessez la persécution politique contre les leaders des droits humains — 10 ans de représailles contre les fonctionnaires d’Odhikar pour avoir dénoncé les violations des droits humains
10 août 2023
Les autorités du Bangladesh doivent cesser de criminaliser et de harceler Odhikar, une organisation bangladaise de défense des droits humains, ont déclaré aujourd’hui 21 groupes de défense des droits humains. Les autorités doivent abandonner les charges à caractère politique qui pèsent contre les dirigeants d’Odhikar, Adilur Rahman Khan et ASM Nasiruddin Elan.
Le 10 août 2013, M. Khan, secrétaire d’Odhikar et éminent militant des droits humains, a été arrêté arbitrairement après que le groupe a publié un rapport d’enquête sur les exécutions extrajudiciaires et le recours excessif à la force pour disperser une manifestation au Bangladesh. M. Khan a été détenu dans un lieu tenu secret pendant plusieurs heures, jusqu’à ce que la police porte plainte contre lui en vertu de la loi de 2006 sur les technologies de l’information et de la communication (loi sur les TIC), une loi jugée si draconienne que certaines de ses dispositions ont été remplacées par le gouvernement en 2018 lors de l’adoption de la loi sur la sécurité numérique (Digital Security Act).
M. Khan avait été placé en détention préventive pendant 62 jours, tandis que M. Elan, qui avait été arrêté plus tard, avait été détenu pendant 25 jours. Ils avaient tous les deux été libérés sous caution.
Dix ans plus tard, Adilur Rahman Khan et ASM Nasiruddin Elan continuent d’être poursuivis en vertu de fausses accusations de publication de matériel « faux, déformé et diffamatoire ». Leurs avocats ont dénoncé l’acharnement judiciaire au sein du Tribunal de Dhaka en charge des cybercrimes, affirmant qu’il a indûment favorisé l’accusation. Des représentants du gouvernement, y compris des membres importants du cabinet, ont critiqué publiquement et à plusieurs reprises Odhikar pour son travail en faveur des droits humains.
Après des années de blocage, le gouvernement a accéléré les audiences dans cette affaire, notamment après l’adoption, en décembre 2021, de sanctions américaines contre le bataillon d’action rapide (RAB) et ses responsables, que les autorités bangladaises imputent à des groupes de défense des droits humains tels qu’Odhikar. M. Khan et M. Elan se sont présentés à toutes les audiences prévues devant le Tribunal en charge des cybercrimes, parfois contraints de rester debout dans des cages.
Le juge a finalement clos l’interrogatoire des témoins le 5 avril 2023, mais a ensuite autorisé l’accusation à soumettre une demande d’enquête complémentaire sans préciser quel élément de l’affaire ferait l’objet de ce complément d’enquête. Le juge a rejeté les objections des avocats d’Odhikar contre la poursuite de l’enquête après la clôture de l’interrogatoire des témoins et a écrit dans son ordonnance que la décision avait été prise avec le consentement des deux parties. À cette occasion, le juge a également ordonné à trois observateurs internationaux des missions de la Suisse, de l’ONU et des États-Unis de quitter le tribunal sans explication.
Le fait que le Département des enquêtes criminelles (CID) ait été chargé de mener une « enquête complémentaire » après l’annonce de la clôture de l’interrogatoire des témoins à charge sans raison valable soulève des inquiétudes quant à l’équité de la procédure.
Le rapport d’enquête complémentaire du CID a été soumis au tribunal métropolitain le 22 juin. M. Khan et M. Elan se sont présentés au tribunal comme prévu le 9 juillet, mais on leur a dit que le Tribunal en charge des cybercrimes n’avait pas encore reçu la mise à jour du rapport de l’affaire. Le lendemain, ils ont appris que le Tribunal en charge des cybercrimes avait fixé au 17 juillet la prochaine audience pour entendre de nouveaux témoins identifiés dans le cadre des investigations complémentaires du CID. M. Khan et M. Elan n’ont reçu une copie du rapport d’enquête complémentaire que le 16 juillet, et les nouveaux témoins de l’accusation ont été présentés au tribunal les 17 et 20 juillet, sans que la défense ait eu le temps de se préparer au contre-interrogatoire. Ces décisions remettent en question l’équité du procès, car elles ont, entre autres, particulièrement entravé le droit de disposer du temps et des moyens nécessaires à la préparation de la défense.
Dix ans après l’enlèvement d’Adilur Rahman Khan, les plaidoiries seront entendues dans l’affaire Khan et Elan, et leur condamnation à une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement, s’ils sont reconnus coupables, est imminente. Tout au long de cette affaire qui a servi à critiquer continuellement leur travail en faveur des droits humains, ils ont été privés de leur droit à un procès équitable et ont été diabolisés par le gouvernement. Nous soutenons ces deux courageux défenseurs des droits humains et demandons instamment au gouvernement bangladais d’abandonner immédiatement et sans condition toutes les charges retenues contre eux. Nous rappelons au gouvernement que les personnes qui travaillent à documenter et à dénoncer les violations des droits humains doivent pouvoir effectuer leur important travail sans craindre le harcèlement, l’intimidation et les représailles.
Signé :
Amnesty International
Anti-Death Penalty Asia Network
Asian Federation Against Involuntary Disappearances
Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
Asian Human Rights Commission
Banglar Manabadhikar Surakha Mancha (MASUM)
Capital Punishment Justice Project, Australie
CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)
CrimeInfo, Japan
Eleos Justice, Monash University, Australie
Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
Front Line Defenders
Human Rights First
Human Rights Watch
International Coalition Against Enforced Disappearances (ICAED)
Japan Innocence and Death Penalty Information Center
Malaysians Against Death Penalty and Torture (MADPET)
Martin Ennals Foundation
Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
Programme Against Custodial Torture and Impunity (PACTI)
Robert F. Kennedy Human Rights