Menaces, détentions arbitraires et violences physiques contre Fernando Corona, Maribel Nuñez et Ana María Belique
Le 9 juin 2020, Ana María Belique, Maribel Nuñez et Fernando Corona ont été arbitrairement arrêtés et agressés physiquement par des policiers alors qu'ils dirigeaient une manifestation pacifique en l'honneur de George Floyd et protestaient contre le racisme dans le parc de l'Indépendance à Saint-Domingue. Ana María Belique a reçu une série de menaces dans les jours précédant la manifestation.
Fernando Corona est un défenseur des droits humains afro-descendant. Il s'implique dans différents mouvements sociaux pour la défense de la culture noire et des Afro-descendants, ainsi que dans des groupes tels que le Citizen Power Movement et le Green March Movement, qui visent à lutter contre la corruption et l'impunité en République dominicaine.
Le 9 juin 2020, Ana María Belique, Maribel Nuñez et Fernando Corona ont été arbitrairement arrêtés et agressés physiquement par des policiers alors qu'ils dirigeaient une manifestation pacifique en l'honneur de George Floyd et protestaient contre le racisme dans le parc de l'Indépendance à Saint-Domingue. Ana María Belique a reçu une série de menaces dans les jours précédant la manifestation.
Ana María Belique est la coordinatrice de Reconocido (Réseau national organisé commun des citoyens dominicains), un mouvement qui promeut le droit à la citoyenneté et l'égalité pour les Dominicains d'origine haïtienne, qui mobilise et autonomise les communautés marginalisées et qui fournit une assistance juridique. Maribel Nuñez est une journaliste, militante anti-coloniale et défenseuse des droits humains afro-descendante d'origine haïtienne. Elle est membre d'Acción Afro-Dominicana, une organisation qui cherche à mettre en évidence la question du racisme et ses conséquences. Elle est également reconnue pour son plaidoyer pour la promotion des droits reproductifs des femmes en République dominicaine. Fernando Corona est un défenseur des droits humains afro-descendant. Il s'implique dans différents mouvements sociaux pour la défense de la culture noire et des Afro-descendants, ainsi que dans des groupes tels que le Citizen Power Movement et le mouvement Marcha Verde, qui visent à lutter contre la corruption et l'impunité en République dominicaine.
Le 9 juin vers 10 heures, les organisateurs de la marche contre le racisme Ana María Belique, Maribel Nuñez et Fernando Corona ont été arrêtés arbitrairement par la police dans le parc de l'Indépendance alors qu'ils manifestaient pacifiquement. La police a eu recours à la violence physique lors de l'arrestation des trois défenseur-ses et pour les faire monter dans un véhicule de la brigade anti-émeute. La nature violente de l'arrestation a été rapportée par Ana María Belique via un message vocal sur Whatsapp et par Maribel Nuñez dans un post sur Facebook, dans lequel elle a écrit que le général Báez Aybar, directeur régional de la police du Nord, et d'autres officiers, avaient utilisé des attaques verbales racistes à leur encontre.
Alors qu'ils étaient en chemin pour le poste de police du district de Detil, les trois défenseur-ses ont demandé à être autorisés à contacter leurs avocats et leur famille, mais leur demande a été refusée. À aucun moment, ils n'ont été informés des charges retenues contre eux. Avant d'aller au poste de police, les défenseur-ses ont dû faire un test de dépistage du COVID-19 dans un hôpital de Villa Juana, où il y a eu un nombre important de cas de virus. Ils ont parlé de leur arrestation violente au personnel de l'hôpital et ont demandé un rapport écrit sur leur état comme preuve. Le médecin qui a pris en charge les défenseur-ses a procédé à un bref contrôle sur chacun d'eux et n'a pas inclus dans ses rapports les contusions de Maribel Nuñez résultant des violences policières.
Aucun des trois DDH n'ayant présenté de symptômes liés au COVID-19, ils ont été renvoyés au poste de police de Detil, où leurs photos ont été prises avec les pancartes qu'ils portaient pendant la manifestation. Les défenseur-ses ont signalé que les conditions de détention n'étaient pas conformes aux mesures sanitaires contre le COVID-19 et qu'ils risquaient donc d'être infectés. Pendant leur détention, des fonctionnaires de la Commission nationale des droits humains se sont présentés au poste de police. Aucune accusation n'ayant été retenue contre eux, les défenseur-ses des droits humains ont été libérés trois heures après leur arrestation.
Dans les jours qui ont précédé la manifestation pacifique, plusieurs organisateurs, dont Ana María Belique, ont été menacés de violence physique dans une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux. Les défenseur-ses des droits humains pensent que la vidéo a été mise en ligne par un membre de l'Antigua Orden Dominicana - AOD (Ordre dominicain ancien), un mouvement politique ultranationaliste et armé, qui propage depuis toujours un discours de xénophobie contre les personnes d'ascendance haïtienne en République dominicaine. Dans cette vidéo, une personne qui n'a pas été identifiée déclare : "Cette marche ne se produira pas, sinon du sang coulera dans ce pays, à vous Ana Belique et à tous ceux qui sont impliqués dans cette marche". Il a qualifié les organisateurs de "foutus sauvages" et a menacé d'arrêter la marche "par le sang et le feu". Le 9 juin, l'AOD a organisé une manifestation contre "l'envahisseur haïtien" qui devait avoir lieu dans le parc de l'Indépendance, deux heures avant la manifestation contre le racisme. Dans une vidéo téléchargée sur les réseaux sociaux, le même membre de l'AOD qui a publié la vidéo menaçante peut être vu en train de confronter agressivement Ana María Belique lors de la manifestation et utiliser une rhétorique nationaliste.
L'AOD a déjà publié et partagé sur les réseaux sociaux un contenu menaçant sur Ana María Belique et d'autres défenseur-ses des droits des Dominicains d'origine haïtienne. Le 8 juin, la veille de la manifestation pacifique, les défenseur-ses ont informé l'Ombudsman adjoint (médiateur) aux droits humains au sujet des menaces qu'ils ont reçues.
Le risque encouru par Ana María Belique, Maribel Nuñez et Fernando Corona en tant que défenseur-ses des droits humains en République dominicaine est considérablement accru du fait qu'ils travaillent dans des contextes où le racisme et l'ultra-nationalisme sont répandus. Eux et d'autres défenseur-ses sont non seulement vulnérables face aux risques inhérents au travail en faveur des droits humains, mais aussi face au racisme et à la violence raciste qui se produisent en toute impunité dans le pays, et qui, dans de nombreux cas, sont perpétrés par les autorités de l'État ou que ces dernières ignorent ou ne punissent pas.
Front Line Defenders est vivement préoccupée par les détentions et les menaces arbitraires, les attaques physiques et le racisme contre Ana María Belique, Maribel Nuñez et Fernando Corona. Front Line Defenders estime que ces détentions et menaces arbitraires font partie d'une stratégie générale d'intimidation et de violence contre les défenseur-ses des droits humains qui plaident pour les droits politiques et civils des Dominicains d'origine haïtienne vivant dans la précarité et confrontés au risque imminent d'expulsion, comme le confirme la Cour interaméricaine des droits humains depuis 1991. Front Line Defenders pense que la détention arbitraire des défenseur-ses et les violences policières dont ils ont été victimes sont des actes de représailles directes contre leur travail pacifique et légitime en faveur des droits humains.