Dissolution définitive de la Ligue Iteka par le gouvernement
Le 3 janvier 2017, une ordonnance ministérielle exigeant la dissolution définitive de la plus ancienne organisation des droits humains au Burundi, la Ligue Burundaise des Droits de l’Homme – la Ligue Iteka, a été rendue publique.
La Ligue Iteka est une organisation burundaise des droits humains fondée en février 1991 avec comme mission principale “la promotion et la défense des droits de l’homme, ainsi que la prévention de leur violation”. Durant les grandes crises politiques que le Burundi a traversées, la Ligue Iteka s’est toujours distinguée par un travail rigoureux de monitoring et de dénonciation des violations des droits humains ainsi que par l’élaboration des rapports périodiques sur la situation des droits humains au Burundi, destinés à l’audience tant nationale qu’internationale.
Le 03 janvier 2017, une ordonnance ministérielle exigeant la dissolution définitive de la plus ancienne organisation des droits humains au Burundi, la Ligue Burundaise des Droits de l’Homme – la Ligue Iteka, a été rendue publique.
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Selon une ordonnance signée le 21 décembre 2016 par le Ministre de l’Intérieur et de la Formation Patriotique, la Ligue Iteka est “définitivement radiée de la liste des ASBL oeuvrant sur le territoire Burundais”. Le ministre accuse l’association d’être “récidiviste dans son action de ternir l’image de marque du pays et à semer la haine et la division de la population Burundaise”.
En Octobre 2016, la Ligue Iteka, ensemble avec quatre autres organisations de défense des droits humains, avaient fait l’objet d’une ordonnance émanant du même ministère leur imposant une mesure de “suspension provisoire.” Selon l’ordonnance, les activités des organisations concernées (dont Ligue Iteka) n’étaient «pas en conformité avec leurs objectifs consignés dans leurs statuts mais sont plutôt de nature à perturber l’ordre et la sûreté de l’État ». Cette même ordonnance frappait d’une mesure de dissolution permanente cinq autres principales organisations des droits humains dont les représentants étaient des leaders présumés d’une campagne enclenchée en avril 2015 par la société civile pour s’opposer au troisième mandat du Président Nkurunziza. Dans la nouvelle ordonnance, le ministre suggère que “l’association n’a “pas cessé ces agissements pour lesquelles [sic] elle a été suspendue.”
Au-delà de ces mesures administratives visant certaines organisations de défense des droits humains, il y a lieu de craindre une recrudescence des menaces à l’encontre des leaders et membres de ces organisations. Un bon nombre d’entre eux ont déjà été forcés de quitter le Burundi après avoir reçu des menaces de mort. L’ancienne trésorière de la Ligue Iteka, Mme Marie Claudette Kwizera, portée disparue en décembre 2015, reste jusqu’aujourd’hui introuvable.
Front Line Defenders condamne cette mesure de dissolution de la Ligue Iteka ainsi que d’autres mesures similaires ayant visé des organisations de la société civile burundaise depuis le début de la crise politique en cours. Elle est convaincue que ces mesures visent à intimider et à museler les acteurs de la société civile; et plus particulièrement à faire obstacle à la poursuite du travail de monitoring des violations des droits humains au Burundi.
Front Line Defenders demande instamment aux autorités Burundaises de:
1. Annuler les décisions récentes de dissolution et suspension des organisations des droits humains et autres organisations de la société civile;
2. Prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir l’intégrité physique et psychologique de membres des organisations visées par ces mesures administratives;
3. Mener immédiatement une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur la disparition de Marie Claudette Kwizera afin de publier les résultats et de traduire les responsables en justice selon les standards internationaux;
4. Veiller à ce que tous les défenseurs des droits humains au Burundi, exerçant leurs activités légitimes de défense des droits humains, soient en mesure d'opérer sans restrictions ni représailles, y compris le harcèlement judiciaire.