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18 Juillet 2023

Autriche : SOS Balkanroute et son président Petar Rosandić ciblés par une procédure-bâillon

Le 18 juillet 2023, le tribunal de commerce de Vienne entendra l’affaire ouverte contre l’organisation SOS Balkanroute et son président, Petar Rosandić, pour atteinte présumée à la réputation de l’International Centre for Migration Policy Development (ICMPD). L’ICMPD a déposé une demande d’injonction et de rétractation, affirmant que SOS Balkanroute a accusé le centre de construire une prison en Bosnie-Herzégovine, semblable au camp de détention américain de Guantanamo, et d’être responsable du refoulement massif de migrants à la frontière croate.

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Front Line Defenders est profondément préoccupée par les poursuites intentées contre l’organisation de défense des droits humains et estime que le procès a les caractéristiques de procédures-bâillons (procès stratégique contre la mobilisation publique — SLAPP) et risque de créer un précédent dangereux et de créer un effet paralysant sur la société civile dans son ensemble.

Petar Rosandić est défenseur des droits humains et fondateur de l’organisation SOS Balkanroute. Il est aussi connu en tant que rappeur sous le nom de Kid Pex. Ancien réfugié originaire de Croatie, il a participé activement au « Camp de protestation des réfugiés de Vienne » en 2012-2013 et a fondé SOS Balkanroute en 2019.

SOS Balkanroute est une organisation de défense des droits des réfugiés qui sensibilise le public aux violations des droits des réfugiés sur ce que l’on appelle la route des Balkans, il plaide pour l’amélioration de leurs conditions et de leur traitement. La « route des Balkans » est la route utilisée par les réfugiés pour atteindre l’Europe via la péninsule des Balkans à la frontière extérieure de l’Union européenne. L’organisation recueille également des dons pour fournir des articles nécessaires aux réfugiés sur la route des Balkans et soutient les réseaux locaux d’aide humanitaire en Bosnie-Herzégovine. En 2020, SOS Balkanroute a reçu le prix Ute Bock.

Le 11 avril 2023, l’organisation SOS Balkanroute a publié une déclaration intitulée « Voici à quoi ressemble le Guantanamo autrichien en Bosnie », dans laquelle l’organisation critiquait le nouveau bâtiment construit dans le camp de Lipa, un centre d’accueil temporaire en Bosnie-Herzégovine, qui devrait fonctionner comme un « centre d’expulsion ». Le bâtiment que l’IMCPD décrit comme « un centre de rétention temporaire pour douze personnes » est décrit par SOS Balkanroute comme « le Guantanamo Autrichien » compte tenu des mesures de sécurité élevées installées dans le bâtiment, telles que « une haute clôture, des caméras à chaque pas, des fenêtres avec des barreaux de prison et presque pas de lumière naturelle dans les cellules… afin de garder les réfugiés à l’isolement et dans des conditions inhumaines ». SOS Balkanroute tient le gouvernement autrichien responsable d’être l’un des principaux bailleurs de fonds de cette nouvelle installation et l’ICMPD d’en gérer la construction.

L’organisation fait aussi un bilan détaillé des mauvais traitements infligés aux réfugiés par la police aux frontières croate, ainsi que des refoulements en Bosnie-Herzégovine, à savoir dans le camp Lipa. La déclaration contient plusieurs témoignages de réfugiés avec des exemples de violations des droits humains auxquelles ils font face le long de la route des Balkans, en particulier aux mains de la police aux frontières croates. Bien que l’organisation n’ait pas associé l’ICMPD aux refoulements ou aux mauvais traitements infligés aux réfugiés, l’ICMPD soutient que les publications de SOS Balkanroute donnent l’impression que l’ICMPD était responsable de la détention illégale de réfugiés, du refoulement de migrants et de la construction d’une prison ressemblant au camp de détention de Guantanamo, ce qui entache la réputation du Centre.

Les communiqués de presse et les tweets de SOS Balkanroute et de son président Petar Rosandić ont poussé l’ICMPD à nier son implication dans la construction du centre, affirmant qu’ils n’étaient responsables que de l’obtention et du contrôle des contrats. En réponse à cela, SOS Balkanroute a publié la confirmation par les autorités locales et fédérales de Bosnie que l’ICMPD était effectivement impliqué dans la construction de l’unité de 12 personnes dans le camp. Le centre a ensuite confirmé ces propos. Pour répondre aux allégations, l’ICMPD a publié un rapport décrivant en détail son rôle dans l’extension, déclarant que « le rôle de l’ICMPD se limite à la construction du bâtiment » et qu’il « n’a aucun rôle à jouer dans la détermination du but final de l’utilisation de l’installation et n’aura aucun rôle dans la gestion de cette installation. »

L’ICMPD a justifié les poursuites, affirmant que la déclaration de presse et les tweets étaient « généralement trompeurs, incomplets et partiellement faux » et nuisaient à sa réputation. Le centre exige qu’une rétractation des déclarations de SOS Balkanroute soit publiée sous la même forme et adressée à la même audience que la publication originale, et que l’organisation retire les messages connexes sur Twitter. Même si l’ICMPD ne réclame pas de dommages et intérêts, SOS Balkanroute devra payer des frais juridiques élevés en raison de la complexité de l’affaire.

Front Line Defenders est profondément préoccupée par le procès contre l’organisation SOS Balkanroute et son directeur Petar Rosandić et pense que le procès a les caractéristiques de poursuites-bâillons. Bien que le plaignant n’ait pas demandé de compensation financière, il est clair que le procès avalera une grande partie des ressources humaines et financières de l’organisation, ce qui stoppera de facto le travail de SOS Balkanroute en faveur des droits humains. Ce procès risque également de créer un précédent et d’avoir un effet paralysant sur la société civile dans son ensemble. Par conséquent, Front Line Defenders exhorte l’International Centre for Migration Policy Development à retirer sa plainte contre l’organisation SOS Balkanroute et le défenseur des droits humains Petar Rosandić.

Front Line Defenders est préoccupée par le fait que les poursuites-bâillons sont de plus en plus utilisées contre les défenseur⸱ses des droits humains et les journalistes pour faire taire les critiques et empêcher les droits humains et le travail journalistique sur des questions d’intérêt public. Elle condamne le recours aux poursuites-bâillons, car elles ont un impact extrêmement négatif sur le droit à la liberté d’expression des défenseur⸱ses des droits humains et limitent leur capacité à poursuivre leur travail en faveur des droits humains.