Israël/TPO : Israël doit cesser de s’en prendre aux défenseur⸱ses des droits humains du secteur de la santé dans la bande de Gaza
Front Line Defenders exprime sa profonde inquiétude concernant la tendance alarmante et croissante qui consiste à cibler les défenseur⸱ses des droits humains du secteur de la santé dans la bande de Gaza, dans les Territoires Palestiniens Occupés. Depuis le 7 octobre 2023, les défenseur⸱ses des droits humains qui travaillent en première ligne pour défendre le droit aux soins de santé des Palestiniens dans la bande de Gaza sont confrontés à des attaques répétées de la part des forces militaires israéliennes. Ces défenseur⸱ses, qui risquent leur vie pour secourir des civils blessés, sont eux-mêmes tués et blessés, menacés, disparus de force, interrogés et maltraités.
La situation à l’hôpital Al Awda à Jabalia, dans le nord de Gaza, qui fait partie de l’organisation non gouvernementale Al Awda Health and Community Association (AWDA), est de plus en plus désastreuse. Le 13 octobre 2023, le défenseur des droits humains Ahmed Muhanna, directeur de l’hôpital Al Awda, a reçu un message des forces militaires israéliennes lui ordonnant d’évacuer l’hôpital dans les deux heures. Malgré les appels et les intimidations répétés depuis lors, Ahmed Muhanna et son équipe ont refusé d’abandonner les patients, risquant leur vie en restant à l’hôpital pour prodiguer des soins cruciaux aux patients qui ne pouvaient pas être évacués.
Le 21 novembre 2023, le bombardement délibéré des troisième et quatrième étages de l’hôpital a tragiquement tué trois défenseurs des droits humains et membre du personnel médical, Zeyad Tatari, Mahmoud Abu Nujaila et Ahmad Al Sahar, et blessé de nombreuses autres personnes. Les défenseur·ses des droits humains (DDH) présents à l’hôpital Al Awda ont également indiqué que les forces militaires israéliennes avaient pris pour cible des installations essentielles de l’hôpital, notamment une salle d’opération, un entrepôt de médicaments et neuf ambulances.
Depuis le 5 décembre 2023, l’hôpital est en état de siège, les chars et les tireurs d’élite israéliens empêchant quiconque d’entrer dans le bâtiment ou d’en sortir. Des tireurs d’élite auraient pris pour cible des membres du personnel, faisant des victimes, notamment une infirmière. Les DDH ont signalé qu’au moins un tireur d’élite de l’armée israélienne se trouvait dans l’un des bâtiments de l’hôpital. Le 21 décembre 2023, les forces militaires israéliennes ont ouvert le feu sur le bâtiment de l’hôpital Al Awda, où des professionnels de la santé, des membres du personnel et des patients ont tous été pris au piège. Cet incident a entraîné la mort tragique d’un membre du personnel.
Le 17 décembre 2023, des soldats israéliens ont fait irruption dans l’hôpital Al Awda ; ils ont arrêté illégalement et fait disparaître de force le défenseur des droits humains Ahmed Muhanna ainsi que 21 autres personnes, qui ont ensuite été soumises à des interrogatoires et à des mauvais traitements. Avant l’arrestation d’Ahmed Muhanna, ses collègues ont signalé que les lasers des tireurs d’élite étaient parfois dirigés vers Ahmed Muhanna afin de l’intimider.
Alors que Ahmed Muhanna se trouvait dans un lieu inconnu, les personnes initialement détenues, ligotées et déshabillées ont été libérées après des heures d’interrogatoire. Le 18 décembre 2023, les forces militaires israéliennes sont revenues sur les lieux avec Ahmed Muhanna et ont procédé à l’arrestation illégale de 11 autres personnes, dont cinq membres du personnel. À ce jour, Ahmed Muhanna est toujours détenu au secret.
À l’intérieur de l’hôpital assiégé, les défenseur⸱ses des droits humains, le personnel et les patients sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau, d’électricité et de médicaments. Les déplacements à l’intérieur de l’hôpital sont interdits, ce qui entrave tous les efforts visant à maintenir les services essentiels. Al Awda, l’un des derniers hôpitaux en activité dans le nord de la bande de Gaza, a presque épuisé ses dernières ressources. Il manque d’oxygène pour les patients et il ne reste que peu de carburant pour faire fonctionner un petit générateur. Malgré la situation critique, le personnel soignant est déterminé à fournir des services essentiels.
L’hôpital d’Al Awda n’est pas le seul dans cette lutte. Tous les hôpitaux du nord de la bande de Gaza font l’objet d’une intimidation, d’un ciblage, d’un siège et d’une occupation répétés, généralisés et systématiques de la part des forces militaires israéliennes. Les défenseur⸱ses des droits humains ont signalé des violations similaires dans des hôpitaux comme Al Shifa, décrit par les responsables de l’Organisation mondiale de la santé comme une « scène d’horreur totale ». Le personnel soignant a également été blessé, détenu, interrogé et maltraité dans ces hôpitaux, tandis que certains hôpitaux ont été partiellement détruits ou mis hors service.
Le 11 novembre 2023, le défenseur des droits humains et professionnel de la santé Hammam Alloh a été tué, ainsi que certains membres de sa famille, par une frappe aérienne israélienne sur sa maison alors qu’il avait brièvement quitté l’hôpital Al Shifa pour prendre des nouvelles de sa famille. Malgré les ordres invitant la population à évacuer vers le sud de la bande de Gaza, Hammam Alloh a catégoriquement refusé de laisser ses patients derrière lui.
Medical Aid for Palestinians (MAP) a indiqué que le nombre de professionnels de la santé tués au cours des dix semaines écoulées depuis le 7 octobre 2023 dans la bande de Gaza a dépassé le nombre total de soignants tués dans tous les pays en conflit au niveau mondial au cours d’une seule année depuis 2016. Selon ce rapport, au moins 300 professionnels de la santé auraient été tués.
Tlaleng Mofokeng, rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à la santé, a récemment déclaré que « la pratique de la médecine est attaquée », ajoutant : « En tant que médecin praticien, je ne peux pas comprendre ce que mes collègues de Gaza endurent. Ils travaillent alors que leurs collègues et leurs proches sont attaqués. Beaucoup ont été tués alors qu’ils soignaient leurs patients ». Elle a également rappelé : « Nous sommes témoins d’une guerre honteuse contre le personnel de santé », soulignant un nombre « incommensurable » de violations de la protection spéciale accordée aux civils, aux enfants et au personnel médical en vertu du droit humanitaire international, ainsi que des violations généralisées du droit international relatif aux droits humains.
Front Line Defenders se joint aux défenseur⸱ses des droits humains pour demander aux autorités israéliennes de cesser immédiatement de cibler les défenseur⸱ses des droits humains, y compris les professionnels de la santé, et demande une enquête rapide et indépendante sur les attaques israéliennes graves, systématiques et généralisées contre les défenseur⸱ses des droits humains et le personnel soignant depuis le 7 octobre 2023. Front Line Defenders appelle une nouvelle fois à la libération immédiate du professionnel de la santé Ahmed Muhanna et des autres défenseur⸱ses des droits humains disparus de force. En outre, nous réitérons notre appel urgent à un cessez-le-feu immédiat et durable dans la bande de Gaza et au respect du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.
Pour plus d’informations sur la réponse de Front Line Defenders face à la situation des défenseur⸱ses des droits humains dans les Territoires palestiniens occupés et en Israël, veuillez cliquer ici.